Les 5 portes
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Les 5 portes
26 juin 2022
Ca y est! Je touche au bout de ma retraite. Demain je reprends le bus direction Salvador pour y passer quelques jours avant de rentrer. J’espère que mes réflexions sur le blog, bien qu’introspectives, vous auront intéressées et pu éveiller certaines réflexions en vous. En tout cas, que ça vous a parlé à vous aussi.
Pour finir cette démarche, je voudrais vous partager un autre livre qui a beaucoup compté pour moi ces derniers mois. Il s’agit d’un livre de Fabrice Midal. Midal est un philosophe de formation qui a fondé l’école occidentale de méditation et qui propose une approche que je trouve très singulière et innovante, à contre courant de ce qui se propose dans le développement personnel. J’avais adoré « Foutez vous la paix », qui repose sur le principe de bienveillance envers soi-même et de temporiser ce petit juge tyrannique qui sévit en chacun de nous (vous le reconnaissez ?). J’ai suivi plusieurs de ses conférences sur l’hypersensibilité. Son dernier livre, les 5 portes, est remarquable je trouve.
Se Basant sur les tantras, il évoque 5 désirs profonds, 5 énergies associées, 5 éléments, 5 sens, 5 formes d’être au monde. Ce sont les 5 manières d’entrer dans la spiritualité, afin d’être pleinement Soi, pleinement réalisé. Ce qu’il appelle les 5 portes. Dans chaque porte, nous avons un don inné ou à cultiver, un désir à assouvir, une possibilité de bonheur, à condition d’accepter l’incomplétude de notre désir. Si nous luttons pour la complétude de ce désir, c’est une quête sans fin qui ne génère que frustration. Il s’agit donc d’accepter l’incomplétude inhérente à l’existence humaine, puisque l’être humain n’est jamais parfait, pour parvenir à trouver dans chacune de ces portes une possibilité d’accomplissement. Ce qu’il appelle une spiritualité incarnée, dans un accord complet avec les désirs qui nous habitent.
Chacun a ses portes préférentielles, et celles qu’il n’a ou n’ose pas trop explorer.
La porte rouge est celle du bonheur d’entrer pleinement en Relation.
Rouge comme le feu qui éclaire et qui réchauffe.
- C’est savoir créer du lien, trouver la juste distance avec l’autre pour entrer en rapport véritablement avec lui. Nous y trouvons alors un sentiment d’union et d’ouverture à l’Autre qui nous comble. C’est une porte qui nous connecte à la plénitude de l’interaction.
- Sa confrontation à l’ambivalence du monde tient dans le fait que nous ne pouvons nous maintenir en permanence dans cet état d’union. Il nous faut donc assumer un jeu de proximité et de distance, de perdre ce sentiment d’unité pour mieux retisser à nouveau ce lien, d’accepter de devoir le renouer en permanence, sans céder au découragement.
- Il évoque différentes blessures à cette aspiration : * la blessure de la possession, qui consiste à vouloir nous approprier l’Autre, au risque de l’étouffer et le perdre. * la blessure du renoncement, qui après avoir été déçu par une relation nous mène à un renfermement et un repli sur soi. * la blessure de jouer au caméléon, c’est à dire qu’à trop vouloir répondre aux attentes des autres, nous risquons de nous perdre, ne plus savoir qui l’on est et ce que l’on veut. * la blessure de la superficialité, qui par peur de ne pas nous sentir en lien ou d’être déçu, fait qu’on papillonne d’une relation à une autre, sans jamais oser s’engager pleinement dans la relation.
- Ainsi, pour vivre de manière satisfaisante ce désir, il importe d’accepter l’ambivalence et de créer un lien dans lequel on n’est plus deux individualités séparées, mais où l’on n’est pas en fusion non plus, fusion qui impliquerait le sacrifice de l’autre pour l’assouvissement de son propre désir. Il importe également d’accepter la relativité de l’existence, assumer la nostalgie d’une relation symbiotique parfaite, sans pour autant renoncer à ce désir d’union avec l’autre. Il faut savoir aussi reconnaître cet état où l’on vibre à l’unisson avec quelqu’un dans la banalité des relations du quotidien, sans chercher uniquement cette expérience spirituelle dans le grandiose et l’inoubliable. Enfin, il faut savoir accepter que malgré nos tentatives d’établir une relation authentique et véritable avec quelqu’un, nous n’avons jamais la garantie de réussir. Il faut savoir accepter la possibilité de l’échec, selon notre interlocuteur, son état d’esprit du moment, le contexte, le juste moment.
La porte bleue est celle du bonheur de la Clarté.
Bleue comme la profondeur et l’infinité du ciel ou de l’océan.
- C’est cette qualité qui, face à une situation complexe, nous permet d’obtenir les solutions de manière quasi spontanée, nous apparaissant comme des évidences. C’est voir en même temps la situation dans son ensemble, ses détails, et dans son chemin pour parvenir à sa résolution. C’est une autre modalité de présence au monde, qu’on peut rapporter à l’intuition. Il n’y a pas d’effort à faire pour trouver des réponses, c’est la solution qui s’impose à nous. Elle est mûre par un désir de comprendre, d’apprendre, de clarifier, pour lutter contre la confusion et la rumination. C’est un désir de se mettre en union profonde avec le monde qui nous entoure, marcher avec lui.
- Sa confrontation à l’ambivalence du monde tient dans le fait que le monde n’est pas parfait et que tout ne relève pas de rationalité ou de la logique. Nous nous confrontons régulièrement aux mensonges, aux coups bas, à la tricherie, ce qui suscite chez nous un fort sentiment d’irritation, d’agacement, de crispation. Le risque est alors de se couper de la réalité telle qu’elle est, de refuser l’absurdité du monde.
- Ses blessures sont celles : * de l’aveuglement : persuadés d’être dans le vrai, nous écrasons ceux qui nous entourent. Nous devenons impitoyables avec ceux qui ont besoin de plus de temps que nous, ou qui proposent d’autres solutions. Nous devenons tranchants et intolérants, nous n’écoutons plus, nous nous coupons de tout. * de mettre cette énergie au service du Moi, s’estimer possesseur de la vérité. Nous ignorons alors l’importance de l’ouverture, nous nous renfermons sur nos évidences en refusant l’existence d’un autre point de vue. * de l’énervement constant. Menacé par tout ce qui ne nous paraît pas clair, nous voyons tout en noir ou blanc. Le manque de clarté est vécu comme une attaque personnelle, que nous prenons pour nous. * de l’obsession du détail, qui peut nous amener à occulter la globalité d’une situation en se focalisant uniquement sur des détails précis.
- Il importe pour explorer correctement cette porte de se relier à une situation, ne pas se battre contre le réel mais épouser le monde, faire un avec lui sans bavardages ni tension, avec sérénité et humilité. Apprécier ces moments où l’on sait qu’on est dans le juste, sans se laisser prendre et aveugler par son inquiétude, ses peurs, ses doutes. C’est refléter ce qui est, sans venir poser une interprétation fabriquée. Il importe de ne pas craindre le côté structuré et ordonné de cette énergie, mais savoir lui reconnaître l’intelligence d’une sagesse qui clarifie. C’est une porte qui, en éclairant une situation, a une grande force d’apaisement.
La porte blanche est celle du bonheur d’être pleinement Serein et Confiant.
Blanche comme une page où tout peut se manifester, dans une dimension d’accueil et d’ouverture inconditionnels.
- C’est accepter les choses et les êtres comme ils sont, laisser être ce qui est, tout autoriser à se déployer. C’est dépasser les jugements et les préjugés dans une vision large et englobante, voir l’Autre dans son entièreté, remettre chacun dans son humanité. C’est un désir qui ne supporte pas la division, qui repose sur une finesse et une sensibilité hors pair. Il ne cherche pas à s’imposer, il laisse l’espace à l’autre pour l’accueillir et l’écouter. Il repose sur un désir d’harmonie et de complétude, le bonheur de laisser être, dans la simplicité et la contemplation.
- Sa confrontation à l’ambivalence du monde tient dans notre difficulté à opérer des choix. Tout le monde n’est pas gentil, simple et sans histoires. Il s’agit de reconnaître ce jeu d’ombre et de lumière au coeur du réel, accepter de se confronter au désordre de la vie, ne pas tomber dans le piège de l’aveuglement ou de la niaiserie à vouloir tout accueillir à tout prix, y compris au détriment de soi-même. Dire non, porter un jugement, entrer en conflit n’est pas forcément une trahison de l’ouverture à laquelle nous aspirons ; c’est adopter une position juste et appropriée face à ce qui est.
- Ses blessures sont * le syndrome de la petite souris : à trop vouloir faire preuve d’écoute, d’humilité, de respect, de sobriété, le risque est de devenir transparent, de négliger sa force, de se perdre et s’oublier. Si nous dévalorisons notre potentiel, notre capacité d’ouverture devient un abîme dans lequel nous nous étouffons, nous nous sentons prisonniers, et nous en perdons le sens. * L’immobilisme advient quand, plutôt que d’assumer l’ambivalence du monde et de procéder à des choix, nous nous retirons ou nous paralysons, avec l’illusion que dans cette immobilité on n’abimeras pas l’harmonie recherchée.
- Il importe donc d’agir, de choisir, de trancher, d’assumer des positions. Il ne suffit pas de contempler le monde, il faut s’incarner, s’enraciner, s’affirmer pour mieux s’ouvrir à l’autre. Savoir accueillir l’ombre et la lumière de ce monde. Ne pas se regarder et se contrôler en permanence, mais accueillir et accepter la complexité des émotions qui nous animent, s’autoriser à les vivre, ne pas vouloir être parfait.
La porte jaune est celle du bonheur de la Plénitude.
Jaune comme l’arbre fruitier qui nourrit par la vie et l’abondance, comme l’or qui brille et resplendit.
- C’est une énergie qui révèle nos propres richesses, un sentiment de complétude qui n’a pas besoin d’aide, qui se suffit à lui même. Elle nous remplit, nous accomplit, nous exauce. Elle réside dans une confiance dans le bonheur de la vie, où nous ne craignons pas d’être éblouis, transportés dans une autre dimension. C’est une vraie capacité à apprécier ce qui est, et à s’en réjouir. Comme une pivoine pleine, on embaume.
- Sa confrontation à l’ambivalence du monde vient du fait que certains donnent à moitié ou avec des contreparties, ou pire qu’ils ne veulent pas recevoir ce qu’ils auraient besoin et que nous voudrions leur offrir. Cela tient aussi dans le fait que la richesse apparaitra souvent comme imparfaite, au risque de nous décourager, d’éprouver en permanence de l’insuffisance et de la frustration.
- Ses blessures sont * l’idée que la richesse n’est pas en nous mais à l’exterieur. Cela mène alors à un manque fondamental, un sentiment d’en n’avoir jamais assez : pas assez d’affection, de biens, de sécurité, de reconnaissance.. sans comprendre que la richesse extérieure ne viendra jamais combler ce manque de reconnaissance de la richesse qui est en nous. * la frustration : éprouvant en permanence de l’insatisfaction, nous n’apprécions plus rien, nous avons besoin d’être nourris en permanence, nous en voulons toujours plus, mais rien ne nous rassasie. * l’identification à cette richesse, comme si elle nous appartenait. Nous voulons que chacun reconnaisse que nous sommes extraordinaires et puissants, et nous devenons prétentieux et imbus de nous mêmes. La richesse se trouve en acceptant de la servir, jamais en la possédant.
- Il importe de nous autoriser à cette capacité de se réjouir pleinement de vivre, sans la brider. Laisser notre plénitude irradier. C’est nous autoriser à nous sentir digne de tout ce que la vie a à nous offrir, sans nous sentir condamnés à vivre dans le manque. Cette énergie a un énorme pouvoir de libération et de guérison de ce qui est blessé en nous. Nous sommes tous les rois/reines de notre propre monde.
La porte verte est celle du bonheur d’Agir.
Verte comme la végétation qui croît, la Nature qui oeuvre sans relâche sans jamais épuiser son énergie naturelle, dans un travail de Création.
- C’est d’abord sortir de la dualité entre spiritualité et action. C’est nous dissoudre dans l’action, c’est nous accomplir en laissant l’action se réaliser par elle-même, par notre intermédiaire, sans avoir l’impression de devoir se battre pour que cela advienne. C’est percevoir dans toute situation ce qu’il faut faire comme une évidence. C’est un mode d’accès à la réalité où agir apporte de la joie mais aussi de la clarté et un apaisement certain. La force de cette énergie tient dans le rythme de l’action : quand on rentre dans le rythme juste, ni trop rapide ni trop lent, pour coïncider sans effort à la situation. Ainsi, plus on agit, plus on réveille une vitalité profonde, qui ne nous épuise pas. C’est s’autoriser à vivre la jubilation de l’action, sans la vivre comme un effort à fournir, C’est ne pas se focaliser sur le résultat de l’action mais sur son accomplisssement.
- Sa confrontation à l’ambivalence du monde vient du fait qu’on puisse être confronté des personnes qui rechignent à la tâche et qui mettent de la mauvaise volonté, qui nous mette des bâtons dans les roues. Ou aussi qu’au vu de l’immensité d’une tâche, on se sente dépassé et que l’on se décourage.
- Ses blessures reposent sur *l’appréhension de se vider de son énergie en agissant, conduisant à l’immobilité et au sentiment d’impuissance ; alors qu’au contraire agir produit de l’énergie, la pousse à circuler et à se déployer.
- Trois erreurs nous empêchent d’entrer dans le mouvement de l’action : * le speed, comme une confusion entre vitesse et justesse. Obsédé par la puissance de l’action, nous devenons une machine qui ne se nourrit pas de ce qu’elle produit, et nous en perdons l’ampleur et la joie * l’obsession de l’action, avec l’idée que nous n’existons que dans la mesure où les choses sont faites. L’action devient valeur suprême, faisant de nous des machines à agir * l’obsession du contrôle et de la comparaison. Le but alors n’est plus d’éprouver du plaisir à agir, mais de se comparer aux autres pour savoir si quelqu’un a fait mieux que nous. Nous cherchons alors à posséder l’action, nous entrons alors dans une compétition étouffante.
- Il importe de savoir prendre le temps d’examiner le contexte, la situation pour préparer l’action. Il importe de se mettre au service de l’action, de se dépouiller de l’idée qu’on peut tout contrôler, sortir de la toute puissance. Il faut par le biais de l’action se mettre en symbiose avec le monde. Il importe de se faire confiance, laisser nos gestes nous guider, se laisser prendre par le rythme et le respecter, prendre le temps de se questionner, questionner les autres, questionner la chose elle même. Il faut savoir jouer dans l’action, conserver notre âme d’enfant.
Ainsi donc, ces 5 portes, la réalisation de ces 5 désirs profonds, serait la clef du bonheur. A condition de reconnaitre leur incomplétude nous dit il, inhérente à notre Nature humaine.
Et c’est là que tout se rejoint !!! Ces 5 portes, nous ne les rencontrons que de manière temporaire, transitoire, éphémère. Elles peuvent ponctuer notre quotidien, et pourtant nous ne les voyons souvent pas, nous ne leur reconnaissons pas cette qualité. Qu’il s’agisse d’un moment d’échange avec la boulangère et le passant à l’arrêt de bus ; c’est ce moment où, en un éclair de temps, nous trouvons la réponse comme une évidence à une difficulté que nous rencontrions, ces fameux insights ; c’est ce moment dans la journée où on ne cherche plus à diriger notre existence, on se laisse juste porter vers là où on l’on sent qu’on doit aller ; c’est ce sentiment de plénitude lorsqu’on se laisse réchauffer par un rayon de soleil ou admirer la vision d’un coucher de soleil ; c’est ce moment où l’on est tout à notre tâche, qu’on joue de la musique, qu’on épluche un dossier ou qu’on fasse la vaisselle.
Ces instants sont partout dans notre quotidien ! Et pourtant la plupart du temps nous les ignorons, plongés dans nos pensées nous faisant ressasser le passé, analyser le présent ou planifier l’avenir. Mais quand ils se présentent à nous, quand nous nous retrouvons connectés réellement avec ce qui est, en communion et dans le juste rythme de ce qui est, dans le présent ; alors oui, tout tout devient une évidence, tout prend forme et se réalise de lui-même, sans que nous n’ayions d’efforts à produire, tout est harmonie. Et c’est ça qui est absolument beau, magnifique, divin.
Ces instants ne sont qu’éphémères, et c’est justement parce qu’ils sont éphémères qu’ils sont si beaux. Parce que nous ne nous y habituons pas, parce que ça nous donne l’occasion d’y revenir et d’y revenir pour les savourer une nouvelle fois. Ils sont là, l’espace d’un instant. Il est totalement illusoire et contre productif de vouloir les posséder, se les accaparer, espérer vivre en permanence dans cet état de béatitude. Il ne faut pas chercher à les forcer, à les provoquer, il faut seulement les laisser se réaliser d’eux mêmes, juste être attentifs, dans un état d’ouverture à leur manifestation, et alors prendre le temps de les apprécier à leur juste valeur. De s’arrêter, de s’accorder à eux, de les savourer, car ce sont précisément eux qui donnent le côté si juteux de la vie, qui nous font nous ressentir pleinement vivant, pleinement uni en harmonie avec la Vie.
C’est le désir d’union par l’Amour de Fromm, ce sont ces moments de vérité dont je parlais, c’est cette connexion avec la Vérité Ultime que j’éprouve dans le travail avec l’Ayahuasca… Tout se connecte, tout est l’évocation d’une seule et même chose :
C’est être pleinement avec ce qui est. Là est le miracle et la saveur de la Vie. Tout le reste n’est que bavardage et illusion.
Un point c’est TOUT !!! 😉😉😋