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Arya
Je n’ai pas attendu la fin des vacances pour envoyer mon devoir au professeur Carter. Il me fallait tourner la page, clore ce chapitre le plus vite possible, avant que les émotions ne deviennent trop lourdes. Je voulais en finir, ne plus m'attacher, ne plus permettre à ces liens fragiles de se renforcer, que ce soit avec Damian ou le reste du groupe.
J’avais conscience que la hâte pourrait me valoir de perdre mes chances avec Pulse Magazine mais j'espérais secrètement que le vide laissé par Damian ces dernières semaines finirait par se combler. C'était comme si, en m'éloignant de ce monde, je pouvais effacer tout ce qu'il avait éveillé en moi. Les moments d'intensité, les conversations profondes, et même les regrets amers de l’avoir laissé m'atteindre.
Pourtant, une part de moi savait que ce ne serait pas aussi simple. Ce vide, ce trou béant que je tentais désespérément de fuir en prenant mes distances, ne disparaîtrait pas avec un simple envoi de fichier. C’était une illusion, un espoir naïf de croire que je pouvais m’en sortir indemne en fermant les yeux et en fuyant.
Et malgré tout, c’est ce que j’ai fait. J’ai cliqué sur "envoyer" avec une hâte presque fébrile, comme si ce geste pouvait réellement marquer la fin de cette histoire. Comme si en envoyant ce devoir, je pouvais effacer Damian de ma mémoire, de mon cœur.
Selena observe discrètement chacun de mes mouvements depuis quelque temps, comme si elle attendait que quelque chose se brise en moi. Je peux sentir son inquiétude dans chaque regard qu’elle me lance, même si elle essaie de ne pas en faire trop. Elle me connaît bien, et elle sait que je préfère éviter les discussions émotionnelles, surtout en ce moment. Pourtant, je sais qu’elle s’inquiète, et bien que je prétende qu'il n'y a aucune raison de s'en faire, une part de moi reconnaît que son inquiétude est fondée.
Pendant ce temps, Selena et Kai continuent à se voir. Ce qui, au départ, semblait être une simple aventure, s'est transformé en quelque chose de plus sérieux. Je ne pensais pas que leur histoire pourrait vraiment évoluer. Après tout, Damian avait été très clair : selon lui, aucun membre du groupe ne peut se permettre d'avoir une véritable vie de couple. Leur existence est une succession de villes, de concerts, de chambres d'hôtel, et les relations stables n'ont pas de place dans ce chaos. À ses yeux, l’amour était une distraction, un luxe que leur style de vie ne pouvait pas se permettre.
Je me souviens encore de cette conversation avec Damian, ses mots résonnent comme un avertissement déguisé. Nous étions assis dans l’herbe, sur cette coline et il m’avait parlé de la réalité de la vie sur la route. Selon lui, les relations ne faisaient que compliquer les choses. « Aucun de nous n’a vraiment de vie de couple, » m’avait-il dit, son ton à la fois désinvolte et fataliste. « On passe notre temps à voyager, à vivre d’une ville à l’autre. Les relations ne durent pas, elles finissent toujours par s’effondrer. »
À ce moment-là, je n’avais pas compris à quel point ses paroles s'appliquaient à nous. Je pensais qu'il parlait simplement de lui-même, de sa propre incapacité à s'attacher, mais en réalité, il me préparait à ce qui allait se passer. Il était déjà en train de mettre des distances entre nous, de se protéger derrière ses paroles, en faisant passer cela pour une simple description de leurs vies. J’aurais dû voir les signes dès le début, mais je me suis laissée prendre par l'illusion qu'il y avait peut-être quelque chose de plus.
Maintenant que je regarde en arrière, tout devient plus clair. Damian parlait de la fragilité des relations, de l'impossibilité de construire quelque chose de durable dans leur monde. Et pendant qu'il me parlait de tout cela, il était déjà en train de se retirer, de me préparer, sans que je le sache, à la rupture inévitable.
Pendant que je m'efforce de recoller les morceaux, je ne peux m'empêcher de me demander comment Selena et Kai parviennent à naviguer dans cette réalité que Damian m’avait décrite comme insurmontable. Peut-être que leur relation est l'exception à la règle, ou peut-être qu'ils sont prêts à se battre contre les défis que cela implique. Quoi qu'il en soit, ils continuent à se voir, à construire quelque chose malgré tout. Et moi, je reste là, à essayer de comprendre comment tout cela a pu m'échapper.
— C’est le Nouvel An ce soir, tu devrais venir au concert que donne le groupe… dit Selena, son ton à la fois encourageant et un peu hésitant.
Je lève les yeux vers elle, mes pensées tourbillonnent. Une part de moi veut y aller, se fondre dans la foule et oublier tout ce qui s'est passé, ne serait-ce que pour une nuit. Mais l'autre part, celle qui se sent encore vulnérable et blessée, hésite.
— Il sera là ? demandé-je, essayant de garder ma voix neutre, mais sentant que l’espoir et l’appréhension se trahissent dans mes mots.
Selena me regarde, et je vois une lueur d'inquiétude dans ses yeux. Elle sait exactement de qui je parle. Damian. Le nom que je n’ai pas prononcé, mais qui flotte dans l’air entre nous comme une évidence.
Elle hésite un instant avant de répondre, pesant ses mots.
— Je ne sais pas, Arya. Personne n’a vraiment eu de nouvelles de lui ces derniers jours. Mais… si tu veux venir, ce serait bien de te voir là. Pour toi, pas seulement pour lui.
Je reste silencieuse, réfléchissant. L’idée de le voir, de peut-être croiser son regard, me remplit d'une étrange combinaison de désir et de peur. Mais peut-être que c'est aussi l'occasion pour moi de tourner la page, d'affronter mes sentiments et de voir si je peux vraiment passer à autre chose.
— Je vais y réfléchir, dis-je finalement, essayant de sourire à Selena pour la rassurer, même si je ne suis pas sûre de ce que je veux vraiment.
Elle hoche la tête, comprenant sans insister.
— Prends ton temps, mais sache que je serai là, et Kai aussi. On aimerait vraiment que tu sois avec nous ce soir, quoi qu’il arrive.
Je la regarde s'éloigner, ses paroles résonnent encore dans mon esprit. Le poids de ses mots s'attarde, et alors que la porte se referme derrière elle, le silence de notre chambre étudiante devient soudainement oppressant. Chaque tic-tac de l’horloge semble amplifier ce vide, ce calme lourd qui contraste si fortement avec le tumulte de mes pensées.
Je reste immobile un moment, contemplant l’espace vide autour de moi. Les souvenirs des dernières semaines défilent, me ramenant constamment à lui, à Damian, et à tout ce qui est resté en suspens entre nous. Ce silence, d'habitude apaisant, commence à me peser, à me rappeler à quel point tout semble en suspens, inachevé.
Je me lève, tentant de trouver une distraction, quelque chose pour combler ce vide qui se creuse de plus en plus. Mais rien ne semble suffisant. Mon esprit revient toujours au même point : le concert, le Nouvel An, la possibilité de le voir, ou de ne pas le voir.
Je m’approche de la fenêtre, regardant la ville qui commence à s’animer pour les festivités. Les lumières scintillent, et je peux presque sentir l'excitation dans l'air, cette anticipation qui accompagne toujours la fin d'une année. Mais ici, dans cette pièce silencieuse, je me sens déconnectée de tout cela, comme si la fête se déroulait dans un autre monde.
Le silence, d'habitude si réconfortant, devient un rappel de ce que j'essaie d'éviter. Je prends une profonde inspiration, sentant le poids de la solitude se poser sur mes épaules. Peut-être que Selena a raison. Peut-être que ce serait bien pour moi d’y aller, de me plonger dans l’énergie du concert, de retrouver un semblant de normalité, même si tout en moi est encore en désordre.
Je ferme les yeux un instant, laissant la décision se former lentement dans mon esprit. Le silence est lourd, mais il m’aide à comprendre ce dont j’ai vraiment besoin. Peut-être que ce soir, je dois affronter mes peurs, mes doutes, et voir ce qui se passe.
Finalement, je me détourne de la fenêtre, décidée. Que Damian soit là ou non, je ne peux pas continuer à me cacher. Ce soir, je vais au concert. Pas pour lui, mais pour moi.