Incarner l'Etat
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Incarner l'Etat
Incarner l’État, Émilie Blot, Rémanence, 2020
Antoine Duplanquier est nommé à la faveur d'une volonté du gouvernement de diversifier ses représentants sur le terrain, sous-préfet de l’arrondissement d'Ussel, Haute-Corrèze. Il va devoir apprendre le métier sur le terrain, se colleter avec les édiles locaux, les paysans, les élus, enfin tout ce qui fait la vie rurale. Lui, il est Parisien, mais il se fait plutôt bien à cette vie éloignée de la capitale. Petit à petit, il sait sur qui compter, à qui ne point faire de confidence, de qui se méfier...
Émilie Blot, à peine la trentaine, écrit son premier roman sur un monde qu'elle connaît elle qui y a grandi au gré des affectations de son haut-fonctionnaire de père. Étant aux antipodes des ors de la République, je ne peux pas dire si son livre est réaliste, mais tout porte à le croire. De petits arrangements entre amis à services rendus voire compromissions, parce que parfois, coincé, Antoine ne peut pas faire autrement, le jeune homme apprend vite. Les jaloux et envieux peuplent les couloirs des administrations, ceux qui végètent hors de Paris et font tout pour y retourner, ceux qui veulent se faire bien voir du chef quitte à manger son chapeau... C'est très souvent drôle, ironique, sarcastique. L'auteure ne ménage pas ses personnages -fictifs, il va sans dire. Apprendre à faire un discours ? Pfff... facile : "De toute façon, dis-toi bien que t'as déjà la moitié de la salle qui n'écoutera même pas ce que tu vas dire. Le plus simple, crois-moi, c'est de faire appel à la bonne vieille méthode à papa : 1, tu remercies ; 2, tu félicites ; 3, tu encourages. Et pour le reste, tu fais du bruit avec ta bouche, comme on dit dans le jargon, tu meubles, tu brodes, en n'oubliant pas, bien sûr, de flatter le dernier orateur." (p. 36)
Émilie Blot s'amuse et nous avec elle des déboires des uns et des bonheurs des autres. Ses portraits sont savoureux : celui du représentant de la FNSEA est un délice et bien trouvé, il incarne tout ce que je pense de ce syndicat qui défend au mépris du bons sens et de la société un modèle agricole daté. Elle caricature (?) et tant mieux, ça me fait rire et je m'essaie ici ou là à retrouver dans ses traits un personnage public. Je n'éprouve ni antipathie ni sympathie générale pour le personnel politique, comme partout certains font bien le job pendant que d'autres profitent, peut-être un peu plus nombreux dans ce monde proche du pouvoir qui grise. Merci Émilie Blot de faire un roman dans ce monde peu exploité pour ce genre et de pouvoir nous faire rire de et parfois avec ces personnes, je ne suis pas certain que cela les fasse s'esclaffer.
Toutes mes recensions sont sur mon blog http://www.lyvres.fr/