Souchon chef de gare
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Souchon chef de gare
« Car parce que je pars il y a de l’eau dans ton regard » : Laurent Voulzy : « Paradoxal système »
« La petite lampe jaune envoyait ses dorures / On traversait le Rhône à toute allure / Wagons lancés, lits balancés / Nous étions les amants enlacés… »
La porte électronique du TGV s’est refermée. Les éclats du jour, les voix dans la gare, les odeurs et les escarbilles ne passent plus derrière la vitre glacée. La p’tite Bill est là, toute seule sur le quai. Elle a « la beauté d’Ava Gardner » mais elle n’a plus la pression de la main de celui qu’elle aime contre ses doigts, ni le goût de ses lèvres, ni l’éclat de son visage en face d’elle. La sonnerie électronique a retenti, il n’y a plus le coup de sifflet. Le silence mécanique et aveugle de la machine qui a éliminé « les odeurs dans les chemins de fer »…
« Sept heures, pain beurre et jolie porcelaine / Longeant les splendeurs de la côte italienne /Air embaumé, Méditerranée / Transports amoureux surannés… »
Cette fois, elle ne part plus. Elle se rappelle les vieilles michelines guerroyant sur les petites voies ferrées, sa tête hallucinée en pleine nuit cherchant l’air, l’aube et l’éveil par la vitre ouverte, son appareil photos en embuscade, le sifflet strident du train en face, la bousculade des charriots dans les couloirs, la cigarette du contrôleur, la théière encore chaude du conducteur près de Londres sur Tamise….
Elle revit les grands voyages couchée sur le cuir du wagon. Départ Seine et Oise. Direction la Rochelle ou, plus loin encore, Molène en mer d’Iroise… La tête dans les genoux, la nuque brisée, arrivée le matin au port du Conquet, dans la protestation des goélands. L’albatros dédaigne l’ice-cream et retourne à la vague, aux nuées et aux embruns.
« Dis, Blaise, tu t’en souviens ? »