Épisode 70 : Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse
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Épisode 70 : Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse
Les mois passent, jusqu'à totaliser plus d'un an. Et les crises de folie de Siegfried se font de plus en plus fréquentes. Le personnel de la Petite Forteresse se regarde en silence au passage quand on entend dans une pièce leur vacarme révélateur. Et chacun fait un détour précautionneux et évite l'endroit litigieux. Mieux vaut ne pas prendre le risque de se retrouver le cas échéant sur la trajectoire de Siggi le Fou. Dieu seul sait ce qu'il serait capable de faire dans ces moments-là.
Mais, aussi, que fait désormais Madame la Comtesse ?...
Elle savait pourtant bien le ramener au calme, avant...
Et en plus, il paraît qu'ils ont renoué tous les deux ?
Alors qu'est-ce qu'elle fout ?
Ou bien est-ce elle, justement, qui le rend fou ?...
Ben ce qu'il y a avec Madame la Comtesse, c'est qu'elle est à ce sujet dans le même désarroi que tout le monde.
Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse, c'est qu'elle n'a pas que de la broderie à faire juste histoire de passer le temps - en attendant de s'occuper de Monsieur le Comte dès que le besoin s'en fera sentir.
Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse, c'est qu'elle aussi a des journées bien remplies. Tout comme Monsieur le Comte d'ailleurs, qui ne passe pas lui non plus tout le plus clair de son temps à subir ces crises qui lui font petit à petit gagner ce surnom de "Siggi le Fou" dont Madame la Comtesse commence, elle aussi, à avoir l'un ou l'autre écho de loin en loin. Même si, on s'en doute, savoir cela l'inquiète aussi.
Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse, c'est qu'elle est une comtesse active, et que ses activités ne la mènent pas toujours dans les endroits où se trouve son comte de mari. Qu'elle ne s'y trouve pas forcément au moment même où il a ses crises. Et que personne, apparemment, ne juge bon de l'appeler en urgence dans ces moments-là. Même si le retrouver de plus en plus souvent couché sur le lit tout habillé, comme l'y ont ramené ses domestiques, dans un état dont elle ignore autant qu'eux s'il s'agit de sommeil ou d'inconscience, commence à l'inquiéter sérieusement elle aussi. Et même si le désarroi du physicien à ce sujet n'est pas vraiment de nature à la rassurer.
Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse, c'est que les crises de folie de Monsieur le Comte sont tout à fait imprévisibles, qu'il peut rester très longtemps sans en avoir une, et qu'elle ne peut pas se permettre de rester les bras croisés en attendant qu'il en ait une et qu'elle s'en aperçoive justement au bon moment - surtout si personne d'autre ne juge bon de la prévenir quand il en a une puisqu'elle n'est pas là.
Ce qu'il y a avec Madame la Comtesse, c'est qu'à côté de cela, elle a elle aussi d'autres soucis pour la préoccuper. Tout un château à gérer, avec toute sa domesticité - et ce n'est pas une mince affaire, surtout avec un personnel dont l'hostilité est parfois nettement perceptible. Sept enfants à élever et sur l'éducation desquels elle doit veiller. Même si les deux aînés sont devenus grands, autonomes et même capables de jouer les parents de substitution en cas de nécessité. Si Heinrich ne lui cause guère de souci et se coule depuis toujours dans son rôle de petit père de sa fratrie, Ermentrude, sa fille aînée, semble avoir beaucoup plus de mal à rentrer dans ce moule. Ermentrude, la fille rebelle, qui ressemble tant à sa mère au physique mais qui ne l'admet pas. Ermentrude qui sait très bien que l'on traite régulièrement sa mère de "plante vénéneuse" un peu partout, que sa mère a une réputation de sorcière, qu'elle éveille la méfiance de tous parce que personne ne sait d'où elle vient, qu'elle suscite un gros lot de jalousies aussi, et que tous la rendent responsable des variations de l'état physique et mental de son père - Ermentrude qui n'a pas la moindre envie de porter cet héritage, encore moins de le reprendre à son compte, et qui veut surtout trouver sa place dans le monde et s'y intégrer sans faire de vagues. Quitte à faire oublier qu'elle est la fille de ses parents. Quitte à faire oublier qu'elle est une Lucilinburhuc. Ermentrude que Mélusine sent toute prête à la renier, comme Siegfried l'a fait autrefois même si c'était dans un tout autre contexte et pour de tout autres raisons... Et puis, de toute façon, au-delà de ça, Madame la Comtesse se dit aussi de plus en plus régulièrement que le destin de ses aînés (et, à terme, des autres aussi d'ailleurs) n'est pas non plus de passer toute leur vie à la Petite Forteresse et qu'il faudrait tout de même penser à leur assurer un avenir. Elle sait aussi qu'elle n'est pas forcément la mieux qualifiée pour le faire, elle qui a déjà eu tant de mal à trouver sa place dans son milieu - et parmi les humains en général d'ailleurs - et qui a encore toujours tant de mal à s'y faire vraiment accepter. Et puis, et puis, Madame la Comtesse a aussi son propre rôle à jouer dans la ville de Lucilinburhuc. Même si la ville se développe et prospère, elle compte aussi son lot de déshérités, dont Monsieur le Comte n'est pas vraiment enclin à s'occuper.
Autant dire que Madame la Comtesse a largement de quoi occuper son temps autant que son esprit, et qu'elle n'est pas nécessairement pendue aux basques de Monsieur le Comte, ni toujours là où il se trouve, et que quand elle y est, ce n'est pas nécessairement au moment critique. Et même si elle est douée d'une intuition largement supérieure à la normale, cela ne suffit pas à faire d'elle une voyante extra-lucide, et elle ne peut pas deviner si, où et quand Siggi le Fou va piquer une de ses crises - histoire de se trouver comme par hasard dans les parages au bon moment - et elle peut encore moins intervenir efficacement si personne ne l'alerte à temps.
D'ailleurs, si même elle avait la chance de se trouver comme par hasard dans les parages au bon moment, personne ne l'attribuerait à un heureux hasard ni à son intuition, mais le monde extérieur soupçonnerait plutôt à cela des motifs bien plus sombres.
Alors, oui, Monsieur le Comte et Madame la Comtesse ont bien renoué un an et demi auparavant, et dans un premier temps, ils en étaient bien heureux et aussi, quoi qu'ils en disent, bien d'autres avec eux. Mais cela n'a visiblement pas suffi à balayer tous les problèmes.
Musique : Jean-Luc Ponty - Individual Choice
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos