Épisode 54 : Clash
Auf Panodyssey kannst du bis zu 10 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 9 articles beim Entdecken.
Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten.
Einloggen
Épisode 54 : Clash
Aujourd'hui, c'est le troisième jour, celui où les invités retournent les uns après les autres au cours de l'après-midi. C'est censé être, comme le jour de leur arrivée, un jour facile à gérer.
Sauf que visiblement, l'homme à tête de poisson a décidé de s'attarder.
Aux autres invités, il a prétendu attendre quelqu'un d'autre pour faire de concert le chemin du retour - quelqu'un qui avait une dernière affaire à discuter avec Siegfried. Et de qui s'agit-il ? Précisément de l'un des membres du petit groupe qui l'a abandonnée la veille à l'homme à tête de poisson devant la table des rafraîchissements. Cela ne peut pas être un hasard. Aux yeux de Mélusine, la complicité de celui-là au moins ne fait aucun doute. Et mouise.
Elle tente de s'éclipser à l'office : après tout, elle a bien des ordres à donner aux domestiques, non ?
Mais l'homme à tête de poisson se fait une joie de l'intercepter.
- Comtesse Mélusine de Lucilinburhuc ! Quelle joie de vous voir. Vous êtes resplendissante.
En son for intérieur, elle hésite entre plusieurs réponses telles que "mais pour moi, vous voir n'est pas une joie", "pourquoi m'adressez-vous la parole, moi je ne vous ai rien demandé" et "comment se fait-il que vous n'ayez pas encore pris congé de nous" - pour ne citer que les plus polies et courtoises du lot. Mais pas une seule d'entre elles, malheureusement, ne sied à son rôle d'hôtesse. Alors elle se contente de répondre froidement et brièvement "merci". Après tout, ce bonhomme vient de lui faire un compliment - dont elle se serait bien passée, certes, et dont elle craint qu'il ne relève pas que de la politesse, mais un compliment quand même. Et la politesse demande qu'on remercie la personne dont on vient de recevoir un compliment. Donc : "merci". Mais bref, froid, et prononcé quasi sur le départ.
- Vous êtes bien pressée ! Où courez-vous ainsi ? J'espérais que vous me feriez l'honneur de votre compagnie pendant que j'attends celui avec lequel je compte faire le chemin du retour, et qui s'entretient en ce moment même avec votre époux.
Le premier réflexe de Mélusine serait de lui répondre : "désolée, mais j'ai à faire". Mais répondre ainsi constituerait encore une fois un impair de sa part en tant qu'hôtesse, surtout vis-à-vis du compagnon de voyage d'un seigneur qui est en train de s'entretenir avec Siegfried.
Alors, non seulement elle ne voit pas très bien de quoi elle pourrait parler avec cet homme avec qui elle n'a rien en commun, mais elle n'a même pas envie de lui faire la conversation étant donné l'attitude qu'elle a plus d'une fois remarquée chez lui vis-à-vis d'elle et qui ne lui plaît pas du tout.
Mais vu la situation, elle juge plus approprié de faire un petit effort, en espérant que l'homme qui s'entretient avec Siegfried ne s'attardera pas trop. Quoiqu'elle n'ait pas grand espoir à ce sujet, puisqu'elle a identifié en lui un complice de son interlocuteur. Un complice dont le rôle a toutes les chances d'être, justement, de s'attarder le plus possible pour donner à l'homme à tête de poisson une chance et un prétexte pour entrer en contact avec elle.
Bon, elle espère tout de même pouvoir se débarrasser de lui à force de froideur, de réponses monosyllabiques et d'un désespérant manque de conversation une fois sortis de ce sujet banal et bateau qu'est la météo.
Mais peut-elle décemment passer sous silence qu'elle déteste la façon dont il la regarde sans y perdre automatiquement sa dignité ?
- La mode semble beaucoup vous intéresser récemment. Je vous ignorais cet intérêt pour la mode féminine. Cherchez-vous un cadeau pour votre épouse ?
- Qu'est-ce qui vous fait dire que j'ai un quelconque intérêt pour la mode féminine ?
- Celui que vous portez à ma robe.
- Votre modestie vous honore, comtesse.
- Ah bon ?
- Tout à fait.
- Et pourquoi donc ?
Immédiatement, Mélusine regrette la question qu'elle vient de poser. Mais il est trop tard.
- Parce que ce n'est pas votre robe qui suscite mon intérêt.
Ne pas commettre la même erreur une deuxième fois surtout. Ne pas poser de questions. Ne pas relever. Laisser tomber. Si le silence s'éternise, s'éclipser poliment. Plus l'atmosphère s'alourdira, mieux ce sera.
- Ne désirez-vous pas savoir ce qui le suscite vraiment ?
Décidément, l'homme à tête de poisson n'a aucune décence et ne recule devant rien.
- Non.
Mélusine a répondu plus brusquement qu'elle l'aurait voulu.
- C'est bien dommage. Vous êtes encore bien jeune pour être devenue aussi imperméable aux compliments.
Mélusine n'a aucune idée de ce qu'elle pourrait répondre, mais elle n'aime pas du tout le tour que cette conversation est en train de prendre. Surtout, elle a l'impression que quoi qu'elle réponde, et même si elle ne répond rien, cet homme trouvera toujours un moyen de saisir la balle au bond et de ramener la conversation là où il veut qu'elle aille - et c'est un endroit où elle n'a pas la moindre envie d'aller.
Peut-être ferait-elle mieux finalement de couper court en prétextant devoir vaquer à ses affaires - d'ailleurs, ce ne serait même pas un prétexte.
Mais ne risque-t-il pas d'interpréter son esquive comme une fuite pour cacher un trouble qui n'existe même pas ?
La situation serait pire encore. Sacrés humains, on ne sait jamais comment ils vont comprendre les choses.
Finalement, elle choisit de rester et de répondre.
- J'ai l'âge de la sagesse.
- Qu'appelle-t-on sagesse, et quel âge faut-il pour l'atteindre ? Un âge que très certainement, vous ne faites pas.
- Merci, mais assez parlé de moi. Votre compagnon de voyage et vous-même allez avoir du beau temps pour votre retour. Si votre compagnon ne tarde pas trop.
- Les bonnes choses finissent toujours trop tôt, comtesse.
- Toutes choses ont une fin.
L'homme à tête de poisson la fixe étrangement.
- Certaines ne devraient pas en avoir.
Mélusine, elle, fixe la porte où devraient apparaître à un moment donné le compagnon de voyage de l'homme à tête de poisson, accompagné de Siegfried.
Évidemment, l'homme à tête de poisson le remarque. Et tout aussi évidemment, il se fend de son petit commentaire.
- Vous êtes bien attentive à la venue de votre époux. L'attendez-vous dans l'impatience ou bien dans la crainte ?
Surprise, elle tourne la tête vers lui.
- La crainte ? Pourquoi la crainte ?
- Parce que j'ai du mal à vous imaginer l'attendant encore avec impatience.
Là, vraiment, il passe les bornes.
- En quoi cela vous regarde-t-il, d'abord ?
À ce moment, du coin de l'œil, Mélusine voit la porte s'ouvrir et deux hommes en sortir. Le compagnon de voyage de l'homme à tête de poisson. Et Siegfried. Tous deux s'approchent.
Mélusine et l'homme à tête de poisson tournent la tête vers eux. L'homme à tête de poisson, doucereux et narquois. Mélusine en colère, tordue par le dégoût.
Le regard de Siegfried, interrogateur, passe et repasse de l'un à l'autre.
Mélusine sait qu'il est trop tard pour éviter l'esclandre. Siegfried a compris la situation. Une flamme de colère s'allume dans son regard. Et son tempérament est toujours le même. Ses réflexes aussi. Avant que quiconque ait eu le temps de faire un mouvement, la pointe de son épée s'enfonce par-dessus la table sous le menton de l'homme à tête de poisson, l'obligeant à relever la tête, puis à reculer.
- Sous mon propre toit. Je t'ai accueilli, hébergé, nourri, abreuvé. Et toi, tu te permets d'importuner ma femme.
L'homme à tête de poisson, il y a peu encore si loquace, n'émet plus que de vagues onomatopées tout en agitant les bras.
- Malheureusement, je ne peux pas t'exclure de notre cercle. Mais à partir de maintenant, quand tu verras la comtesse de Lucilinburhuc, tout ce que tu te contenteras de faire, c'est la saluer poliment, de loin, avec réserve et avec tout le respect qui lui est dû. Puis tu iras t'asseoir loin d'elle, tu ne la regarderas pas, tu ne lui adresseras pas la parole et tu ne chercheras pas à t'approcher d'elle. Est-ce que c'est clair ?
- O-O-O...
- Est-ce que c'est clair ?
- O-Ou-Oui, oui oui...
Siegfried le repousse et dégage son épée. L'homme à tête de poisson jette vers Mélusine un bref regard en état de choc. Le compagnon de voyage, sortant de sa sidération, tente de s'interposer :
- Voyons, Lucilinburhuc, calmez-vous... La comtesse a bien le droit de parler à qui bon lui semble...
Cette fois-ci, c'est sur la poitrine du compagnon de voyage que Siegfried pose la pointe de son épée, l'obligeant à reculer.
- Un problème ?
Comme le compagnon de voyage ne répond pas, la pointe de l'épée de Siegfried vient s'enfoncer sous son menton.
- Un problème ?
- N-n-non, non...
À son tour, il est repoussé et Siegfried dégage son épée.
- Disparaissez !
Les deux hommes s'éloignent, non sans se retourner une fois encore, choqués par ce qui vient de se passer. Siegfried garde encore son épée en main, prêt à s'en resservir au besoin, la main crispée sur la poignée. Ce n'est que lorsqu'ils ont déjà enfourché leurs montures pour quitter le château qu'il la rengaine d'un geste énergique, avec un grand bruit métallique. Puis il se tourne vers Mélusine et lui presse brièvement l'épaule, avant de s'éloigner.
Musique : Brand X Music - Honor By Duel
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos