Épisode 81 : Rupture
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Épisode 81 : Rupture
Le Père Adalbéric décide de voler au secours de Mélusine et d'intervenir.
- Nous ne sommes pas vos ennemis, comte Siegfried. Au contraire, nous sommes vos amis. Nous sommes vos alliés. Si seulement vous réalisiez tout le courage qu'il a fallu à la comtesse Mélusine pour venir me parler, vous tomberiez à genoux et vous lui demanderiez pardon pour ce que vous lui avez dit tout à l'heure. Maintenant. Sur place.
Siegfried lève brusquement vers lui un regard furieux.
- Oh vous, ça va, hein ! Je n'ai pas besoin de vos leçons de morale à deux sous. En fait, ça vous a bien arrangé, pas vrai, d'avoir une belle fenêtre ouverte sur les misères des autres ! C'était tout ce que vous attendiez ! Ça vous donne du spectacle. "Le Mystère du comte Siegfried". Quelle belle pièce. Même pas besoin d'une troupe pour la jouer, tous les personnages sont vrais. Tout en vous permettant au passage de vous donner le beau rôle à bon compte ! Vous l'avez aimé, le spectacle ? Hein ? Il vous a plu ?
La colère redresse le Père Adalbéric et lui rend de l'assurance.
- Comte Siegfried ! Je ne vous permets pas !
Siegfried commence à ricaner.
- Parce que vous pensez peut-être que j'ai besoin de votre permission ? Parce que je vous l'ai déjà demandée ?
- Comte Siegfried ! Reprenez-vous ! Et calmez-vous ! Je vous rappelle que je suis le prieur de ce château et que j'y représente l'autorité spirituelle par la grâce de notre sainte mère l'Église, là où vous y représentez le pouvoir temporel ! J'exige de votre part que vous me traitiez avec tout le respect qui m'est dû ! Votre épouse n'est peut-être pas l'une de mes paroissiennes, mais elle au moins ne m'a jamais manqué de respect ! Je vous demande de faire de même !
- Respect. Vous parlez de respect. Mais quel respect donc ? Celui que je devrais à un voyeur et à une commère qui ne sait pas tenir sa langue ?
- Comte Siegfried !... À genoux, immédiatement, et demandez pardon pour ce que vous venez de dire !
La voix de Siegfried se fait moqueuse par-dessus son grondement sous-jacent, et ses yeux prennent cette couleur rouge sang dont le Père Adalbéric a déjà entendu parler mais qu'il n'a encore jamais vue de ses yeux. Siggi le Fou...
- À genoux et demander pardon ? Vous pouvez toujours attendre !
Le Père Adalbéric regrette de ne pas avoir son goupillon d'eau bénite à portée de main, car c'était l'occasion ou jamais de vérifier quelque chose.
- Quoi que tu en dises et quoi que tu en penses, Siegfried, nous sommes avec toi, chacun de notre côté, chacun à notre façon. Nous nous battons avec toi, pour toi, nous sommes dans ton camp.
Siegfried - ou plutôt Siggi le Fou - se retourne.
- Ah oui, c'était une belle preuve de loyauté de ta part que d'aller raconter mes confidences justement à celui à qui je n'ai jamais voulu les faire !... Tu aurais tout aussi bien pu les raconter sur les places publiques dans toute la ville. Pour moi, ça revient exactement au même !
- Siegfried !
Il lève la main, paume tournée ves elle.
- Tais-toi, Mélusine. Ne dis plus un mot. Je ne veux plus t'entendre. À partir de maintenant, je ne te fais plus confiance et je ne te dirai plus jamais rien de moi. Maintenant que je sais que toi aussi, comme tout le monde, tu es incapable de garder un secret.
Mélusine crie comme si sa vie en dépendait.
- Mais quel secret m'as-tu jamais confié ?...Aurais-je jamais eu besoin d'aide si tu m'avais dit de quoi il s'agissait ? Nous voulons t'aider, mais comment pouvons-nous le faire si tu ne nous dis pas ce qui te tourmente ?...
Un silence.
- Ainsi donc c'était ça, votre alliance à tous les deux. Quel beau couple de conspirateurs vous faites. Vraiment. Je le savais. Ainsi donc, le but était de me faire parler. De me faire cracher le morceau. Parce que vous savez tous les deux aussi peu brider votre curiosité que tenir votre langue.
Une pause.
- Très bien. Très bien. Puisque c'était ça le but... alors cartes sur table. Vous voulez que je parle ? D'accord. Mais alors tout le monde doit parler. Histoire qu'on soit tous à égalité. Père Adalbéric, demandez donc un peu à la comtesse Mélusine pourquoi elle n'a pas voulu me suivre à Koerich quand je l'ai demandée en mariage. Demandez-lui pourquoi elle n'a jamais voulu quitter ce maudit rocher, le Bockfiels. Car c'est à cause de ça que ce château existe. Et tant que vous y êtes, demandez-lui un peu ce qu'elle fait de ses samedis. Où elle les passe. Et pourquoi personne ne doit lui poser de questions sur tout cela. Pas même moi. Elle en a même fait la condition, comment dites-vous, Père Adalbéric, avec vos expressions en latin ? la condition sine qua non de notre mariage. Oui, Mélusine, parle-nous un peu de toutes ces choses. Elles nous intéressent. Elles nous intéressent vraiment. Je suis sûr qu'elles intéressent aussi beaucoup de monde, même si personne n'ose te poser les questions qu'il faut et même si tout le monde fait semblant de tenir les choses pour acquises. Parce qu'à partir de maintenant, je ne te couvre plus. Plus comme je l'ai fait pendant toutes ces années. Parle-nous de tous tes secrets en toute franchise, et moi, à mon tour, je vous parlerai des miens. Chiche ?
Un silence lourd tombe sur l'étude.
Le sang de Mélusine est glacé de la tête aux pieds. Comme lors de cette nuit de terre, de peur, de terreur, où la Petite Forteresse a surgi de nulle part. Et comme cette nuit-là, aucun son ne peut sortir de sa gorge.
- Ah, tout d'un coup, tu es moins loquace maintenant, pas vrai ? C'est facile de comploter pour chercher à extorquer les secrets des autres. Quitte à les mettre à la question, pas vrai ? Mais une fois qu'il s'agit de révéler les siens propres et de les exposer au grand jour, on n'est plus aussi héroïque !...
En d'autres moments, Mélusine aurait imploré Siegfried du regard et recherché sa protection. Mais ici et maintenant, elle ne peut pas le faire. Et elle sait qu'elle ne le pourra probablement plus jamais.
Et tout ça pour rien.
Le Père Adalbéric, quant à lui, commence à se demander pourquoi il s'est laissé embarquer dans toute cette histoire. Visiblement, le comte Siegfried et la comtesse Mélusine ont tous les deux des secrets l'un pour l'autre. La confiance n'a jamais régné entre eux autant qu'on aurait pu le croire. Et lui aussi recommence avec ça à se poser des questions sur la comtesse Mélusine, comme beaucoup d'autres avant lui. Après tout, personne n'a jamais vraiment su qui elle est ni d'où elle vient... et il est maintenant évident à ses yeux que le comte Siegfried lui-même n'en savait pas plus que quiconque. Celui qui a dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions n'avait visiblement pas tort.
- Comte Siegfried, vous ne pouvez pas revenir de la sorte sur une promesse que vous avez accepté de faire. Une promesse est une promesse. C'est un engagement.
- Ce n'est certainement pas à moi que vous avez besoin de l'apprendre. Même si je regrette amèrement certains engagements que j'ai pris. Mais une promesse est une promesse pour tout le monde. Pas seulement pour moi.
Le ton grinçant de Siegfried n'échappe pas au Père Adalbéric.
- Sans aucun doute. Mais, comte Siegfried, aviez-vous fait promettre à la comtesse Mélusine de ne rien me dire de vos vœux ? Ni de ce qui vous tourmentait - et vous tourmente apparemment encore aujourd'hui ?
Même si c'est à Siegfried qu'il a posé la question, le regard du Père Adalbéric passe de Siegfried à Mélusine.
C'est elle qui répond.
- Non, il ne m'a rien fait promettre.
Siegfried se tourne immédiatement vers elle.
- Je t'avais dit de ne surtout pas lui en parler. Cela revient au même, non ? Ça va de soi !
Le Père Adalbéric reprend la parole.
- De toute façon, votre comportement par la suite a bien montré ce qu'il en était, secret ou pas. En l'absence de promesse formelle, la comtesse Mélusine pouvait très bien ne pas se sentir liée par une obligation de discrétion.
- C'est cela, prenez donc sa défense.
- Je suis simplement logique, comte Siegfried.
- Dites, dans les Écritures, n'y a-t-il pas quelque part un passage sur la lettre et l'esprit ? Je crois bien me souvenir qu'il y a quelque chose du genre.
- Certes. Mais il faut reconnaître qu'en l'absence d'engagement formel, tout reste sujet à interprétation.
- Autrement dit, chacun fait quand même ce qu'il veut puis tord les règles à sa manière pour se justifier après coup. Bon à savoir. J'aurais dû le savoir beaucoup plus tôt.
- Quoi qu'il en soit : comte Siegfried, vous êtes-vous formellement engagé à l'époque à ne pas poser de questions à la comtesse Mélusine sur tous les sujets que vous venez d'évoquer ?
- Allons bon, vous n'allez pas encore recommencer avec ça.
- Oui ou non ?
- Oui !
- Bien. J'admets volontiers avec vous que c'était léger de votre part, mais vous vous êtes bel et bien engagé. Maintenant, comtesse Mélusine : vous êtes-vous jamais formellement engagée à ne pas me parler du vœu du comte Siegfried, ni du fait qu'il pensait avoir commis une erreur grave et qu'il pensait avoir besoin d'aide ? Lui avez-vous formellement promis de garder le silence à ces sujets ?
- Non.
- Mais je t'avais fait ces confidences en privé ! Il était implicite que tout ce que je t'en disais devait rester entre nous !
- C'était ce que je croyais comprendre moi aussi. Jusqu'à ce que les choses s'aggravent comme elles l'ont fait dernièrement. Ou bien faut-il que j'attende que nous passions tous les deux par-dessus le garde-fous du chemin de ronde et que nous finissions fracassés en mille morceaux en bas du Bockfiels ?... C'est vraiment ça que tu veux ?... Tu es désespéré, Siegfried, et ce qui te fait mal me fait mal à moi aussi ! Je ne peux pas me contenter de te regarder souffrir de plus en plus sans rien faire ! Je ne peux pas me contenter de te regarder devenir quelqu'un d'autre sans rien faire ! Mais à moi toute seule, je ne sais plus quoi faire ! Nous avons tous les deux besoin d'aide, Siegfried ! Moi, tout ce que je fais, c'est nous chercher de l'aide, où je peux en trouver ! Alors si le Père Adalbéric peut nous apporter cette aide, pourquoi ne pas la lui demander ? S'il ne peut pas nous aider lui-même, il peut nous dire qui pourra le faire !
Siegfried, de nouveau, prend appui en agrippant le dossier d'une chaise. Il se courbe, sa tête s'affaisse. Le Père Adalbéric croit deviner que Siegfried retient ses larmes. En tout cas lui et Mélusine pensent qu'il est redevenu lui-même. Qu'il est redevenu normal.
Le temps s'écoule dans un silence lourd.
- Tu étais ma protection. Tu étais mon refuge. Tu étais celle à qui je pouvais tout dire... enfin presque tout dire. Tu étais celle à qui je pouvais dire ce que je ne pouvais dire à personne. Celle qui respectait mon silence, ma réserve. Celle qui n'aurait pour rien au monde forcé mes confidences. Celle auprès de qui je me sentais totalement en confiance. La dernière qui resterait à mes côtés si tout le monde devait m'abandonner.
Siegfried relève la tête, les yeux fermés. Deux larmes coulent sur ses joues.
- Si toi aussi tu m'abandonnes, que va-t-il me rester, à présent ? Que me reste-t-il déjà ?
Mélusine se rapproche de lui.
- Je ne t'abandonne pas, Siegfried. Je ne t'abandonnerai jamais. Au contraire. Je suis là, à tes côtés. J'y serai toujours. Je serai toujours là pour te tenir la main.
Siegfried se tourne lentement vers elle.
- Tu m'as déjà abandonné, Mélusine. Si tu ne t'en rends pas compte, c'est que tu n'as jamais compris ce qu'il y avait entre nous.
- Siegfried...
Elle veut lui poser la main sur le front pour l'apaiser, comme elle le fait si souvent.
Il arrête son geste.
- Ne me touche pas, Mélusine. Pour l'amour du ciel.
Il se tourne vers la porte. Et, cassé en deux comme un homme poignardé au cœur qui protège sa blessure, il sort de l'étude et s'éloigne en titubant.
Mélusine ne peut plus retenir ses larmes. Elle hurle :
- Siegfried !
Puis elle s'écroule en sanglots.
Musique : Over Each Other (Official Music Video) - Linkin Park
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