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Épisode 72 : Mêlée

Épisode 72 : Mêlée

Veröffentlicht am 23, Jan., 2025 Aktualisiert am 23, Jan., 2025 Tale
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Épisode 72 : Mêlée

Mélusine traverse le couloir des grandes salles en compagnie de Leni pour rejoindre l'escalier d'une des tours et descendre vers l'office. Dans l'une des salles, on entend du bruit. Beaucoup de bruit. De plus en plus au fur et à mesure qu'on s'en rapproche. Des bruits de meubles qu'on déplace, de cris, de murs qu'on cogne, d'objets qui se cassent. Leni prend peur.

- Il vaut mieux descendre par un autre chemin, Madame la Comtesse.

- Pourquoi ?

- Vous n'entendez rien ?

- Si, justement.

- J'espère que ce n'est pas Monsieur le Comte qui est à l'intérieur.

- Si c'est lui, raison de plus pour enfin voir ce qui se passe.

- Faites quand même attention, Madame la Comtesse. Même les hommes se méfient et font un détour quand ils entendent ça. Tout le monde redoute Monsieur le Comte. Il peut être dangereux.

- Si vous avez peur d'entrer, continuez votre chemin. Moi, je vais voir. Je vous rejoindrai après.

- Si vous y allez, moi, il faut que je reste. Je ne peux pas vous laisser y aller toute seule. Et moi, j'ai peur d'aller là-bas.

Mélusine réfléchit un instant. C'est vrai qu'il est plus sûr que Leni l'accompagne - ne serait-ce que pour donner l'alerte si par hasard les choses devaient tourner au vinaigre.

- Alors restez dehors et tenez-vous prête. Moi, j'entre.

Leni a beau ne pas beaucoup aimer Madame la Comtesse, elle ne peut pas s'empêcher de lui reconnaître intérieurement un certain courage. Même si cette reconnaissance est immédiatement tempérée dès qu'elle se dit que depuis le temps que ça dure avec la folie de Monsieur le Comte, il serait peut-être temps que Madame la Comtesse se rende enfin compte par elle-même de la situation et qu'elle fasse quelque chose, et que si elle décide de le faire, il n'est vraiment pas trop tôt. Mais enfin... pas juste à elles deux. Deux femmes, en plus - qui risquent de ne pas pouvoir faire grand-chose contre un homme enragé là où même les hommes préfèrent faire un détour prudent. Elle saisit donc au vol la suggestion de Madame la Comtesse et reste en sécurité dans le couloir, prête à s'enfuir à toutes jambes et à appeler de l'aide en cas de besoin.

Mélusine entrouvre la porte, passe la tête pour voir qui s'y trouve et ce qui se passe, puis se glisse à l'intérieur une fois qu'elle constate que Siegfried y est seul.

Elle évite de refermer la porte au cas où elle aurait besoin d'appeler à l'aide - à la grande frayeur et au grand énervement de Leni qui se sent ainsi mise en danger... et qui se dit aussi que Madame la Comtesse pourrait tout de même avoir ce minimum de décence de cacher cette scène qui n'est vraiment pas jolie à voir, même si la porte reste juste entrouverte.

En effet, le spectacle qui attend Mélusine à l'intérieur est une vision de chaos. Chaises et table renversées dans tous les sens, débris de vases jonchant le sol, décorations murales tombées par terre, traces de coups sur les murs et même de sang... Avec qui Siegfried s'est-il donc battu pour que la pièce soit dans un tel état ?... Mélusine cherche du regard des corps d'adversaires étendus par terre, ou les corps debout d'autres combattants. Il n'y a personne. Personne à part Siegfried - qui, lui, tremble en fixant du regard, halluciné, un coin dans la pièce. Un coin vers lequel elle tourne son regard, sans y voir personne.

- Siegfried !

Elle se précipite vers lui, se colle à lui, lui prend le visage dans les mains, pose les mains sur son front. Il brûle. Elle le sent trembler contre elle.

- Siegfried, Siegfried, c'est moi, Mélusine...

Cela fait bien plus d'un an qu'elle entend parler de ces crises, et des mois déjà qu'elle entend circuler le sobriquet de "Siggi le Fou", et tout autant de temps qu'elle le retrouve de plus en plus souvent catatonique sur son lit tel que l'y déposent les domestiques quand ils le ramènent sur un brancard après l'avoir ramassé dans le même état, mais la vision qu'elle découvre aujourd'hui reste quand même un choc. Que se passe-t-il donc en lui pour qu'il en arrive là ?... Elle lui pose les mains sur le front, sur les joues -

- Siegfried, parle-moi, je suis là, parle-moi, parle-moi, dis-moi ce qu'il y a, dis-moi ce qui se passe...

Petit à petit, il semble se calmer, il retrouve son souffle, ferme les yeux, tremble moins, la prend dans ses bras... mais ne dit pas un mot. Il la serre, il se recroqueville sur elle, mais il ne dit pas un mot. Elle lui caresse le front, les joues, tente de le rafraîchir, elle qui a les mains fraîches...

- Parle-moi, Siegfried, parle-moi, dis-moi ce que tu as, dis-le moi... Di-moi qui ou quoi te tourmente comme ça...

Il lui pose les mains sur les épaules et l'écarte doucement de lui.

- Ne reste pas là, Mélusine. Ne reste pas là. Je peux être un danger pour toi...

Mélusine reste debout sur place, bien droite sur ses pieds.

- Je n'irai nulle part, Siegfried. Pas tant que tu n'iras pas mieux. Je ne te laisserai pas tout seul.

Il soupire lourdement.

- Je n'irai pas mieux, Mélusine. Je n'irai que de mal en pis. Je ne parle pas en vain quand je dis que je pourrais même m'en prendre à toi. Ce n'est pas de la blague. Parfois l'idée me traverse la tête... je ne sais même pas pourquoi. Mais c'est bien réel. Et ça me fait peur.

Il porte les mains à ses oreilles.

- Parfois ça me dévore la tête.

Elle pose les mains sur les siennes.

- Pourquoi voudrais-tu t'en prendre à moi ? Je ne t'ai fait aucun mal...

Le visage de Siegfried se déforme sous la douleur.

- Ce n'est pas ce que me disent... les voix dans ma tête.

Parfois, mieux vaut ne pas dire toute la vérité.

- Et ces voix, elles te disent quoi ?

- Des choses horribles... qu'il vaut mieux que tu ne saches pas.

- Quelles choses horribles ?

Un grondement commence à se faire entendre dans la gorge de Siegfried.

- Ne pose pas trop de questions.

Elle voit ses yeux prendre cette couleur rouge sang que même elle redoute.

- Va-t'en, Mélusine. Va-t'en d'ici. Je suis un danger pour toi.

Règle numéro un face à lui : ne pas fuir. Ne jamais fuir. Tenir sa position, coûte que coûte. Règle numéro deux face à lui : ne pas montrer la moindre trace de frayeur, même si elle est en train de se décomposer à l'intérieur. Donc, toujours garder la tête froide et le cerveau en bon état de fonctionnement. Ce qui inclut : connaître les solutions de repli éventuelles. Où est la porte ? Quels sont les obstacles sur le chemin ? Elle ne se rappelle pas être arrivée jusqu'à Siegfried avec trop d'encombres, mais maintenant, pour s'en assurer, elle devrait carrément se retourner... et ce n'est pas vraiment le bon moment. C'est au contraire le moment de lui faire face.

- Je n'irai nulle part. Pas tant que tu seras dans cet état.

- Ce n'est pas très prudent de ta part, Mélusine...

Elle l'a déjà vu bizarre, mais elle ne lui connaissait pas cette façon de menacer en souriant, presqu'en riant même - d'un rire qui se réjouit à l'avance de faire souffrir. Ni un visage aussi déformé. Il n'a pas son épée à portée de main - heureusement... - mais en s'avançant vers elle, il lui saisit la gorge. Il continue d'avancer, la force à reculer.

Et là, pour la première fois, elle a vraiment peur de lui.

Même la nuit où ils ont renoué, quand il lui a déchiré sa robe avec son épée, elle n'a pas eu aussi peur. Certes, elle était dans un tout autre état - mais aussi, il y avait dans ses gestes à lui une maîtrise, une habileté, une précision, qu'elle ne retrouve pas ici. À présent, elle se sent face à un animal sauvage. Elle a le vertige, elle sent ses repères s'envoler. Elle lutte pour ne pas les laisser s'échapper - parce qu'elle sait que s'ils lui échappent, là, elle est vraiment perdue. Normalement, un moment comme celui-ci, c'est justement le moment d'appeler à l'aide, de donner l'alerte, d'appeler Leni - sauf que le faire, ce serait montrer sa peur... et s'il sait qu'elle a peur, s'il sait qu'elle peut avoir peur de lui, c'est bien là qu'elle sera vraiment en danger. Qui a un pouvoir et le sait est toujours tenté d'en abuser... Son pouvoir, sa peur, sa gorge, sa voix. Sa voix... Si une seule chose peut encore arrêter la folie de Siegfried, c'est sa voix. C'est de lui faire entendre cette voix dont il dit toujours qu'il l'aime tant...

- Siegfried ! Mais qu'est-ce que tu fais ?...

Elle se sent si maladroite. Elle ne sait plus quoi lui dire. Sa voix est-elle encore capable de l'arrêter à elle toute seule ?...

Ce qu'elle sait, c'est qu'elle ne peut pas laisser sa voix refléter sa peur.

Même si elle l'utilise pour appeler Leni.

Leni... Après tout, Leni, c'est une domestique... Elle ne va pas l'appeler à l'aide. Elle va lui donner un ordre. On n'a pas peur quand on donne des ordres.

- Leni !

Mais Leni ne vient pas. Elle ne répond pas non plus.

- Leni ! Leni !

Et lui, en face, qui attrape ce petit rire un peu étouffé, déjà cruel, déjà triomphant.

- Alors, on appelle Leni ? Mais il n'y a plus de Leni, hein ? Elle a disparu, Leni ? Elle n'est plus là, Leni ? Elle a foutu le camp, Leni ? Elle a foutu le camp à temps... Elle s'est montrée plus avisée que toi sur ce coup-là, Leni...

- Arrête, Siegfried.

Elle essaie de lui enlever la main de sa gorge. Et brusquement, il la laisse aller. Sans même offrir de résistance.

- Alors... tu vois. Tu vois que ce n'était pas si grave.

Mélusine ne sait plus si elle est soulagée, si elle a encore peur ou si elle est en colère.

- À quoi joues-tu, Siegfried ?

- Moi ? À rien du tout.

Il lui pointe son index sur la poitrine.

- Mais ne va surtout pas t'imaginer que Leni est ton amie ou ton alliée. Elle en est tout le contraire. Avec n'importe qui d'autre que moi comme seigneur de la Petite Forteresse, tu sais où elle se serait retrouvée ?

Le bras de Mélusine part tout seul, et sa main se retrouve en train de souffleter Siegfried avant qu'elle réalise pleinement ce qu'elle était en train de faire.

Siegfried y répond par un large sourire.

- Eh bien, voilà mon traitement alors que je suis innocent. Quel serait donc mon châtiment si j'avais été coupable ?

Des bruits de voix, de frottements, de mouvements, se font entendre, puis la porte s'ouvre et quatre hommes apparaissent, avec Leni et Geerty sur leurs talons. Siegfried reconnaît Jang, Jhemp, Max le palefrenier et l'allumeur de torches.

- Eh bien, eh bien, eh bien ! Que me vaut donc l'honneur de tout ce comité d'accueil ?

La voix de Siegfried est anormalement suave. Anormalement, surtout, à la vue de la couleur rouge sang qui n'a pas quitté ses yeux.

Personne n'ose ouvrir la bouche, mais Jhemp et Max tournent la tête du côté de la table renversée et de l'amoncellement de chaises au beau milieu de la pièce. Leni et Geerty, elles, regardent plutôt du côté de Mélusine. Geerty a même un regard préoccupé qui lui demande en silence si tout va bien. Mélusine hoche discrètement la tête. Mais elle ne peut pas s'empêcher de porter brièvement la main à la gorge - même si elle baisse immédiatement le bras. Dans le groupe des domestiques, on se regarde mutuellement - si Siggi le Fou commence à s'en prendre à Madame la Comtesse... ! - et cela attire l'attention de Siegfried, qui coule un regard oblique vers Mélusine. Elle ne regarde pas de son côté, juste vers le groupe. Sans expression.

- Mélusine, peux-tu m'expliquer ce qui se passe ?

Le grondement a repris sa place dans la gorge de Siegfried, glaçant le sang de tout le monde.

Mélusine prend lentement sa respiration et tourne la tête vers lui, en se disant que ce n'est surtout pas le moment de céder à la panique. Et aussi que, comme d'habitude, c'est elle qui se retrouve encore une fois seule à devoir gérer la situation.

- Je passais juste dans le couloir avec Leni quand nous t'avons entendu t'agiter ici. Alors moi, je suis entrée, et Leni, elle, a trouvé plus prudent d'aller chercher de l'aide.

Siegfried regarde à nouveau le groupe.

- "Aller chercher de l'aide". Vraiment.

Puis Siegfried ne gronde plus, il rugit en attrapant une chaise et en se dirigeant vers eux tous :

- Vous apprendrez que face à la colère du comte Siegfried, la seule chose qui vous viendra en aide est la miséricorde de Dieu !

Tous commencent par reculer, avant que Jang et l'allumeur de torches, mieux placés, se glissent derrière Siegfried pour tenter de le maîtriser.

Leni, voyant son mari menacé, commence par pousser un cri. Puis elle s'approche de Mélusine en contournant la mêlée.

- Dites, Madame la Comtesse, sauf votre respect, il faudrait peut-être arrêter avec les philtres et les potions, parce que là, quand même...

Mélusine commence par marquer un temps d'arrêt. Quels philtres ? Quelles potions ?... Puis elle se rappelle les paroles de Siegfried à propos de Leni. Alors, franchement, parler de philtres et de potions, venant de cette... Et là, Mélusine ne maîtrise plus rien. Ni son cri, ni son élan, ni le fluide glacial qui émane d'elle et qui trahit sa vraie nature. Leni recule et fuit sur le côté, les yeux exorbités. Geerty s'éloigne de l'autre côté. Siegfried, que quatre hommes forts ne sont pas arrivés à maîtriser, arrive derrière Mélusine et la saisit à l'épaule. Alors elle se retourne... et un peu de son fluide glacial le touche et l'immobilise.

Elle s'arrête net et reprend son souffle.

Tout le monde s'est arrêté net.

Et Mélusine, voyant Siegfried immobilisé, commence par lever les mains au visage pendant que ses yeux s'écarquillent d'horreur. Puis c'est un "non, non, non, non" qui gonfle dans sa gorge pendant qu'elle se précipite vers Siegfried et qu'elle finit par crier son nom. Elle ordonne aux hommes de l'aider à l'allonger par terre, à Geerty d'apporter en urgence de l'eau chaude et des couvertures. Jhemp et Jang, qui connaissent la musique, échangent un regard entendu et s'en vont chercher le brancard. Max et l'allumeur de torches rangent plus ou moins les meubles renversés, raccrochent les décorations murales un peu au hasard, ramassent les plus gros des débris qui traînent par terre, puis, ne voyant plus rien à faire là, sortent enfin et s'éloignent, accompagnant une Leni plus morte que vive, pendant que Siegfried se fait envelopper dans des couvertures avec une bouillote et transporter jusqu'à sa chambre, escorté par Mélusine qui, dès que les domestiques sont partis, lui couvre le visage de baisers en pleurant, en répétant son nom et en lui demandant pardon, pendant des heures - jusqu'à ce qu'il se réveille pour un moment, apaisé - pour combien de temps ? - et qu'il lui prenne doucement le poignet avant de se rendormir.


Musique : Doom - Markus Palt | The Dark Side


Épisode 73 : L'appel du vide


Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos

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