Épisode 24 : L'humiliation
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Épisode 24 : L'humiliation
Siegfried a toutes les peines du monde à ne pas reculer devant l'index vengeur que le diable pointe sur sa poitrine. Ni devant cette gueule répugnante qui lui aboie à la figure. Ne pas reculer. Ne pas reculer. Ne surtout pas reculer. Ne pas détourner le regard. Ne pas fermer les yeux. Ne pas vomir ses tripes. Ne pas...
- Alors ? À part ton pré carré en friche, as-tu autre chose à me proposer pour racheter ton âme ?
Tenir le coup. Tenir le coup. Siegfried est à bout. Il n'a plus rien à proposer. Plus rien à dire, plus d'idées. Plus de voix. Le cerveau explosé en mille morceaux. Il se retrouve sur le sol sans même s'apercevoir qu'il s'est affaissé.
- Ah, tu es moins fier à présent ! Comte. Siegfried. Tu fais moins le malin, hein !
Le diable fait rouler Siegfried sur lui-même d'un coup de la pointe du pied.
- Mais tu sais quoi ? En venant ici, et en m'appelant comme tu l'as fait, tu as commis trois erreurs. La première...
(il pose le pied sur la tête de Siegfried et lui enfonce le visage dans la terre)
- ...tu m'as appelé pendant des heures en me manquant de respect. La deuxième...
(il retourne encore Siegfried du pied et le pose cette fois sur sa poitrine)
- ...tu m'as insulté en prétendant me proposer un marché de dupes. Et la troisième
(il pose cette fois-ci le pied sur ses genoux)
- ...tu m'as fait perdre mon temps.
Il l'écarte de lui d'un coup de pied.
- Et en plus, tu pues.
Il fait trois pas le long de son corps.
- Comme tu devrais le savoir à présent, rien n'est gratuit avec moi. Pour toutes ces erreurs, il y a un prix à payer.
Siegfried détourne la tête. Hors de question de faire au diable ce plaisir de voir les larmes de rage qui coulent le long de ses joues. Il serre les dents. Essaie de s'agripper aux derniers lambeaux de dignité qu'il lui reste.
- Le tarif normal, c'est une erreur, un prix. Je devrais te l'appliquer à la lettre. C'est grave, ce que tu as fait.
Le diable taquine du pied l'arrière de la tête de Siegfried.
- Seulement, vois-tu, je suis un grand sentimental. Oui, je sais, cela me perdra. Mais malgré tout ce que tu m'as fait, envers et contre tout, tu me restes sympathique, comte Siegfried. Alors pour toi, rien que pour toi, je te fais un prix de gros. Un seul prix pour trois erreurs. Tu peux bien me remercier : je suis d'humeur généreuse aujourd'hui. Profites-en, ça n'arrive pas tous les jours...
Siegfried serre les dents à s'en torturer les mâchoires, et les yeux à ne plus voir que du rouge.
- Le prix que je demande, comme tu dois t'en douter maintenant, n'est évidemment pas anodin... Tu devras me livrer quelque chose ou quelqu'un qui est particulièrement cher à ton cœur. En plus de ton âme bien sûr, que j'ai déjà de toute façon et que moi, au moins, je garde précieusement.
Siegfried n'est habituellement pas très assidu à la prière, sa foi a toujours été superficielle et sa pratique encore plus, mais ici, il prie comme il n'a jamais prié de toute sa vie, comme on prie quand on est au milieu d'une meute de loups affamés, et c'est le seul recours qu'il voit encore. Mais sans oser y croire, parce qu'après tout, pourquoi Dieu exaucerait-il la prière d'un homme qui a librement vendu son âme ? au diable ou à qui que ce soit d'autre, ou même à quoi que ce soit ? Voilà le dieu que tu t'es choisi, Dieu lui répondrait-il sûrement, adresse-lui donc tes prières et attends donc qu'il t'exauce... sous-entendu : et s'il ne t'exauce pas, ne viens pas te plaindre, après tout n'est-ce pas toi qui l'as choisi ?...
Comme s'il avait lu dans ses pensées, le diable y fait écho.
- Ah, vous les humains, vous changez de dieu, de foi, de dévotion quand ça vous arrange et selon ce qui vous arrange... n'est-ce pas ? Lequel d'entre vous a une parole ? Lequel d'entre vous est capable d'y sacrifier sans même regarder en arrière ? Bande d'opportunistes ! Tous pitoyables. Si pitoyables.
Puis le diable recommence à caresser du bout du pied l'arrière de la tête de Siegfried.
- Allons, comte Siegfried, un petit effort... Dis-moi ce que tu vas me sacrifier pour expier tes erreurs ? Quoi, ou qui... Ta jolie petite femme à qui tu tiens tant ?
- Non ! Non ! Non !
Siegfried s'est immédiatement soulevé de terre, les yeux hagards. Non ! Pas Mélusine !
- Pitié ! Pas elle ! Pas elle !
Au bord des larmes :
- Prends-moi dès maintenant, prends-moi tout de suite, prends-moi à l'instant si tu veux, mais pas elle ! pas elle... Pitié !...
Le diable ne fait qu'en rire.
- Oh la jolie déclaration d'amour ! Comme c'est touchant... Mais, dommage que j'ai décidé de garder ton âme... ton amour serait-il encore aussi pur et aussi fou si me la vendre te permettait de te sauver toi-même ?... Je serais tellement curieux de le savoir... Celui qui est capable de se vendre lui-même n'est-il pas d'autant plus capable de vendre quelqu'un d'autre ?...
Siegfried se plaque les mains sur les oreilles. Le diable lui en détache une du bout du pied.
- Allons, allons, comte Siegfried, un peu de courage... Tu avais bien plus d'audace quand tu enfourchais ton beau cheval blanc si joliment harnaché pour venir renégocier notre marché ! Ne me fais pas regretter d'être dans mon jour de bonté...
Siegfried espère juste que le tumulte de ses pensées n'est pas audible pour son adversaire. Maintenant je sais qui tu es... tu es une ordure... Il sait que si son adversaire a le malheur de l'entendre, cela ne fera qu'aggraver son cas à lui. Mais comment, comment, comment calmer le tumulte de ses pensées ?...
- Alors, qui me livreras-tu ? Tes enfants ?
- Non !
- Ton fils aîné dont tu es si fier ?
- Non ! Non, pas lui !
- Alors qui ? Ou quoi ? Ta petite forteresse - mais cette fois-ci sans gagner ton âme en échange bien sûr, car pour cela c'est trop tard... tu as laissé passer une occasion en or, comte Siegfried !
Siegfried hurle, gémit, se tord de douleur entravé par son armure.
- Qui ? Ou quoi ? Ta bonne ville de Lucilinburhuc, avec tous ses habitants ?
Hurlements et convulsions de douleur...
- Ou peut-être cette bonne terre de Koerich finalement, certes elle ne vaut rien comme monnaie d'échange pour ton âme, mais comme sacrifice expiatoire, je peux y réfléchir... avec les habitants de son château et avec tous ses métayers bien sûr... et crois bien qu'à eux, je ne leur donnerai pas trente ans comme je l'ai fait pour toi...
Siegfried est plié en deux, se retrouve sur le côté le dos au diable, enterre son visage entre ses jambes, hurle, pleure...
- Quel bébé tu fais, comte Siegfried. Dans la position exacte d'un bébé dans le ventre de sa mère. Voilà donc qui est l'homme qui prétendait me défier en guerrier ! Dis, tu n'as pas trop peur de te blesser avec ton épée ? Fais attention à toi, ces choses-là, ça coupe...
Cette fois-ci, le hurlement de Siegfried est de rage, il se retourne par terre et il lève vers le diable un regard rouge sang où brille une haine pure et sans mélange.
Un hennissement retentit, un piétinement se fait entendre... Siegfried et le diable regardent tous deux Wanterglanz. Et le diable sourit.
- Mais oui, bien sûr...
Siegfried :
- Va au...
Mais il s'interrompt. Peut-il vraiment demander au diable d'aller... au diable ?... Il en explose d'un rire hystérique, d'un rire de fou.
- Allons, Siegfried, encore un petit effort... Sacrifier ceux à qui tu tiens, ou tes châteaux, ou ton peuple, ou tes biens, je peux encore comprendre que tu recules... mais ici...
Non. Pas Wanterglanz. Pas Wanterglanz. Pas sa fidèle monture qu'il connaît si bien et qui le comprend si bien... Siegfried laisse ses larmes couler, il n'en a cure, au point où il en est il est au-delà de la honte et de la fierté...
- Allons comte Siegfried, j'ai de la patience, mais il va bien falloir te décider... Je ne peux pas t'attendre indéfiniment. Je ne demande qu'à te laisser le choix, mais si tu ne te décides pas, c'est moi qui vais devoir prendre la décision à ta place... et celle que moi je prendrai, elle risque de ne vraiment pas te plaire... du tout... alors profite de ce que tu as encore le choix...
Siegfried ferme les yeux. Ne pas voir. Ne pas savoir. Ça ne devrait pas être. Ça ne devrait pas avoir à être. Ça aurait dû ne jamais être. Mais c'est le moindre mal. S'il faut absolument passer par le mal... si l'on ne peut absolument pas y couper... mais s'il reste quand même une toute petite possibilité de choisir, si infime soit-elle... ne vaut-il pas mieux choisir le moindre mal ?... Mais le moindre mal reste quand même un mal. Un mal qui ne devrait pas être. Qui n'aurait jamais dû être. Wanterglanz... Un hennissement résonne. Pardon, Wanterglanz...
Siegfried lève la tête et la tourne vers le diable.
- Ouvre les yeux quand tu me regardes, comte Siegfried !
Siegfried ouvre les yeux, puis hoche la tête.
- Tu as donc fait ton choix, finalement.
Siegfried hoche à nouveau la tête.
- C'est bien que tu te sois enfin décidé... Mais ton choix, je veux l'entendre de ta propre bouche.
Siegfried n'a presque plus de salive, sa langue est pâteuse et énorme en bouche, il arrive à peine à s'humecter les lèvres et sa gorge est râpeuse... et il est essoufflé comme s'il venait de faire la course. Mais en détournant la tête, sans regarder ni le diable ni son cheval bien-aimé, il arrive à prononcer d'une voix à peu près audible :
- Je choisis... mon cheval.
- Qui s'appelle ?
Le diable le suppliciera-t-il donc jusqu'au bout ?...
- Wanterglanz.
- Plus fort, je n'ai pas entendu.
La colère et la souffrance donnent à Siegfried la force de crier.
- Wanterglanz !
Un hennissement se fait entendre. La voix du diable résonne, glaciale.
- Trois chevaux. Les trois meilleurs de tes écuries. Sinon rien.
- Tu n'en auras donc jamais assez ?
- Un prix. Un seul prix. Un seul et unique prix de gros pour trois erreurs commises. Trois erreurs graves. Avoue qu'en l'occurrence je fais preuve de beaucoup de retenue, comte Siegfried. Allez, debout. Lève-toi maintenant. Au travail.
Siegfried arrive à peine encore à bouger, mais il se retourne pour prendre appui sur les coudes et les genoux.
- Allez, debout, quadrupède ! Ou bien préfères-tu ramper ?
À ces mots, le diable donne à Siegfried un coup de pied dans son armure, qui le déstabilise et le fait s'étaler dans la terre.
- Allons, debout, comte Siegfried ! Vous autres humains êtes si fiers de pouvoir vous tenir sur vos deux jambes, comme si cela suffisait à vous rendre si différents des animaux. Eh bien, prouve-le donc que tu es un humain, comte Siegfried ! Mets-toi debout !
Siegfried soulève son visage du sol, crache la terre qui s'est introduite dans sa bouche, secoue la tête de droite et de gauche pour faire tomber celle qui lui colle au visage, se passe une main sur le nez pour s'aider à expirer celle qui traîne dedans. Il prend appui sur les mains, les genoux, ses cheveux lui pendent dans le visage. Malgré son armure qui le gêne, il arrive à mettre les pieds à plat sur le sol, à tendre les jambes. En voyant la forme triangulaire qui se dessine ainsi, le diable a bien l'idée d'y donner encore une petite poussée déstabilisatrice, juste sur le sommet, mais il y renonce - non pas parce qu'il est subitement saisi de pitié, ou parce qu'il a une quelconque envie de faire preuve de retenue, mais plutôt parce que ce jeu cesse de l'amuser et commence à le lasser.
Il laisse Siegfried se relever et se remettre à la verticale, puis s'approcher de Wanterglanz. Mais à un moment donné, il l'intercepte.
- Ta main, comte Siegfried.
Siegfried regarde le diable, désemparé.
- Allons, tu connais la règle...
Siegfried tend la main, hésitant. Le diable la saisit, et aussitôt Siegfried sent une piqûre qu'il reconnaît et qui lui donne la nausée. Il regarde le creux de sa main, où il sent couler un filet de sang...
- Allez, vas-y. Tu sais quoi faire. Ne me dis pas pas que tu as perdu la mémoire.
Siegfried tourne son visage vers Wanterglanz, son fidèle Wanterglanz, son préféré, son adoré, son meilleur cheval. Wanterglanz souffle à travers ses naseaux. Siegfried ne sait pas d'où viennent les larmes qui coulent encore sur ses joues. Puis tout d'un coup il se précipite sur Wanterglanz, se colle à son flanc, lui plaque sur l'encolure sa main tachée de sang, s'enterre la face contre sa crinière, le caresse, ne retient même plus ses sanglots.
- Pardon... Pardon... Pardon...
Le diable fait entendre un rire sarcastique.
- Décidément, vous autres humains, pauvres créatures pitoyables que vous êtes, vous n'assumez jamais rien. Vous faites souffrir, volontairement, en toute connaissance de cause, puis vous passez tout votre temps à gémir, à demander pardon pour avoir fait souffrir, à prétendre que vous n'avez pas voulu ça et que ce n'est pas de votre faute, et à vous apitoyer sur votre sort et sur celui de tout le monde. Puis vous demandez aux autres et au monde entier de rattraper les bêtises que vous avez vous-mêmes commises. Vous n'avez aucune dignité. Et j'aurais dû servir votre engeance ? Jamais de toute l'éternité !
Wanterglanz hennit une fois, puis une deuxième. Puis il s'agite sous la douleur. Siegfried à ce moment se détache et recule, recule, recule puis trébuche assis. Il regarde, fasciné, les yeux écarquillés d'horreur, Wanterglanz qui s'agite, hennit de douleur, de détresse, se cabre, se débat, s'écroule, se débat encore, agite désespérément les jambes, hennit encore, soulève la tête, la repose, la soulève encore, la repose de nouveau, hennit et hennit encore, agonise pendant d'interminables minutes que Siegfried est incapable de compter... Puis Wanterglanz s'immobilise et se tait. Instantanément, sa robe se parsème de taches pommelées grises et verdâtres, et il se décompose sur place, dégageant une odeur pestilentielle. Siegfried reste assis, sans voix, les yeux écarquillés, immobile, paralysé.
- Bon. Je vois déjà que je ne pourrai pas t'en demander plus.
Le diable prend le ton factuel sur lequel un chef d'équipe distribue les tâches et parle des choses à faire.
- Les deux autres chevaux, je m'en charge moi-même. Tu n'auras pas à le faire. Mes assistants feront le travail, ni vu ni connu. Quand tu rentreras chez toi, tout sera déjà fait.
Après une courte interruption, il reprend.
- Avoue que je suis gentil, tout de même. Je suis bien trop gentil avec un serviteur qui ne sera jamais l'un de mes plus zélés.
Ces mots font sortir Siegfried de sa léthargie et lui font tourner la tête vers celui qui les a prononcés.
- Je ne suis pas ton serviteur.
Le diable le foudroie du regard.
- Ne commence pas sur ce ton, ou mon humeur magnanime pourrait bien prendre fin. Et d'après ce qu'il m'a été donné de voir aujourd'hui, faible comme tu es, je ne crois pas que tu y résisterais.
Siegfried a envie de serrer les poings, mais il n'a plus de forces. Il serre les yeux, ressent une onde dans les glandes lacrymales, mais elles sont vides. Il est vide, vide, vide - vidé de tout. Et, oui - il pue, lui aussi, comme son cheval défunt.
- Allez, debout. Nous en avons fini maintenant. Il est temps que tu rentres à la maison. Sagement, auprès de ta petite femme.
Siegfried pense à toute la longue route qui l'attend encore entre Koerich et Lucilinburhuc. Il se demande comment il va la parcourir maintenant. En combien de temps. Et comment il va y parvenir.
- Ah, tous les sacrifices que vous pouvez consentir pour protéger vos proches. Rien que parce qu'ils veillent à votre nourriture, font laver votre linge sale et mettre du baume sur vos gerçures. C'est si touchant. Parce qu'ils vous rendent des services, bien utiles au demeurant, vous croyez bien les connaître. Mais connaît-on toujours aussi bien qu'on le croit ceux avec lesquels on vit ? Il y a là matière à réflexion...
Siegfried n'a même plus la force de rétorquer. Et puis qui sait comment son interlocuteur pourrait le prendre. Lui-même a pris sa part de coups. Il n'a même plus envie de demander son reste. Il a juste envie qu'on le laisse tranquille. Il se met péniblement debout.
- Allez, va-t'en maintenant.
Comme Siegfried tarde à se mettre en mouvement, le diable avance la tête et hurle.
- Disparais de ma vue !
Siegfried sursaute, trébuche, et se met en route. Un pied devant l'autre. En regardant le sol. Puis droit devant lui. Le diable le suit des yeux. Jusqu'à ce qu'il soit hors de portée d'oreille. Puis il murmure en s'adressant à la silhouette qui s'éloigne dans la lumière de l'après-midi.
- Tu as beau dire et beau faire, tu es et tu restes toujours Siegfried de Koerich. Tu n'as même pas repris ton casque ni ton épée. Je vais peut-être les reprendre avec moi comme trophées, tiens. Ou peut-être pas, finalement. Tu t'es montré un piètre adversaire. Tu n'as même jamais fait la guerre. Tu prétends vouloir combattre alors que tu n'as jamais reçu le baptême du fer et du feu. Tu n'as même pas le début d'une notion de ce qui se passe sur un champ de bataille. Tout ce que tu en sais, ce sont des tournois aux règles très strictes qui protègent tout le monde et que la plupart respectent. Tu n'as aucune idée de ce que c'est que la guerre. Je veux dire : la vraie. Tu n'as aucune idée de ce que peut être un monde où il n'y a pas de règle, où toutes choses appartiennent à celui qui s'en empare et où chacun ne cherche que son propre intérêt. Tu n'as jamais mené un seul vrai combat. Pas même un duel. Pas même un procès. D'ailleurs dans ta vie, tu n'as jamais dû beaucoup te battre, ni bien longtemps, pour obtenir quoi que ce soit. Les gens comme toi, que la vie n'a pas aguerris, ce sont des proies trop faciles. Ils croient que tout dans la vie arrive facilement, et à la moindre vraie difficulté, à la moindre résistance un tant soit peu plus forte, ils s'écroulent comme des châteaux de cartes. C'est moi, et moi seul, qui ai fait de toi Siegfried de Lucilinburhuc. Sans moi, tu n'es rien. Rien qu'un hobereau sans fortune, sans puissance, sans relations, sans même la moindre ambition, qui a hérité de ses terres trop jeune et trop facilement, qui a passé toute sa jeunesse à se la couler douce, qui porte maintenant un costume trop grand pour lui et qui le sait très bien. Et ça, je veux que tu ne l'oublies plus jamais, plus un seul jour de ce qu'il te reste à vivre de ta misérable existence.
Enfin il disparaît dans un éclair rouge et un écran de fumée noire. En emportant finalement avec lui le heaume et l'épée de Siegfried.
Musique : Dead Can Dance - Frontier (4AD version)
Épisode 25 : Le long chemin du retour
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