Chapitre 8 : Le sommeil de Mentalos

Le lendemain, dans la base Spectror, le Général Cocker continue à superviser les

activités de la Révoltruffe depuis son bureau. Une tâche loin d’être aisée, surtout

quand le nombre d’attaques de panthères augmente chaque jour.

Plus de la moitié des équipages est constamment occupée.

Pas le moindre soldalmatien n’est resté au repos : tous ont été mobilisés.

De plus, beaucoup d’aéro-niches partent en direction

des villages attaqués sans jamais revenir…

Tandis que des meutes de panthères commencent à se former, des fauves

solitaires continuent à progresser dans Ethélys en faisant des ravages. Certains radars

ont même détecté leur présence à proximité de Spectror. Cocker n’arrive plus à gérer

l’immense organisation qu’est la Révoltruffe dans ces conditions. Le Conseil n’est

même plus au complet. Les Canins sont tous débordés. L’ennemi progresse. Les

questions sans réponses se font toujours plus nombreuses pour tout le monde. Que

se passe-t-il dans Ethélys ? D’où viennent toutes ces panthères ? Et pourquoi

l’équipe de Falcon-Dog ne parvient pas à joindre Spectror ?

Enfin un peu de calme pour l’Amiral Cabos et son équipe, après de telles

péripéties. Le village des épagneuls leur apporte un confort qui leur a manqué, ces

derniers temps. Cet affrontement avec la meute des panthères a frôlé la réussite…

avant l’arrivée de la terrible panthère noire. Tout a basculé en quelques secondes.

Falcon-Dog reste constamment auprès de Mentalos, au cas-où il se réveillerait d’un

seul coup, même au beau milieu de la nuit.

— Et j’ai même pas pu te sauver… regrette le golden retriever, toujours frustré

de n’avoir rien pu faire. On l’a même pas vue venir, cette maudite panthère. C’est

de ma faute, tout ça !

Lisa le rejoint pour tenter de le rassurer, d’apaiser ses craintes. Elle est même

épaulée par Billy, qui veut également soutenir son meilleur ami. L’équipe se retrouve

au complet – ou presque… – quand l’Amiral Cabos entre à son tour dans la cabane

en bois. Il jette un regard aux alentours pour vérifier qu’ils sont entre eux, tous les

cinq, et déclare :

— Il est temps de faire le point sur notre mission.

Les équipiers écoutent attentivement leur chef.

— Suite à cette bataille, comme vous le savez, nous avons vu pour la première

fois une panthère qui nous était inconnue. Une panthère noire. Ses pouvoirs sont

visiblement de nature électrique. Elle peut envoyer des décharges afin de…

En posant ses yeux fatigués sur Mentalos, l’Amiral renonce à finir sa phrase.

C’est trop dur. Il n’a pas dormi de la nuit et s’apprête à tomber de fatigue, malgré

son apparence toujours aussi robuste. L’idée de ne jamais revoir Mentalos assombrit

les esprits de tous les Canins, et particulièrement celui de Falcon-Dog, qui préfère

garder le silence. Au fond, ils commencent à penser que leur ami a peu de chances

de sortir de son coma.

— Pour les prochains jours, reprend Cabos en étouffant un petit bâillement, nous

devons passer à la vitesse supérieure. Il nous faudra partir à la rencontre des loups,

pour s’en faire des alliés, et…

— Sauf que, intervient Billy, les loups ne vont peut-être pas être d’accord.

— On a déjà évoqué ce point mais tu as raison, c’est quelque chose qu’il faut

garder à l’esprit. Nous ne savons toujours rien d’eux…

À ce moment très précis, Lisa repense à l’inconnu qui lui a parlé, la veille. Tout

lui revient : sa voix étrangère, son visage dissimulé sous une capuche, ses mots

concernant le livre des Cinq Mondes… Elle s’apprête à faire part de cela à toute

l’équipe, mais quelque chose d’inexplicable l’en empêche. Alors elle se tait.

— Tant pis, soupire l’Amiral Cabos en secouant la tête. Je vais toujours essayer

d’en toucher quelques mots aux épagneuls du village. Si j’apprends quelque chose

d’intéressant, je vous en fais part aussitôt. Mais tout pendant que la situation

n’évolue pas, on ne peut absolument rien faire.

Le berger allemand sort lentement de la pièce. Long silence. Falcon-Dog, dépité,

se tourne vers Lisa et lui demande :

— S’il te plait, Lisa, dis-moi que Mentalos va se réveiller. Dis-le.

— On le sait tous, répond-elle avec un sourire réconfortant. Après tout, Mentalos

ne nous a jamais abandonné ! Surtout toi, Falcon. Il a toujours été là pour toi.

— Oui, toujours…

Quelques larmes glacées coulent le long du visage du golden retriever. Les pattes

réconfortantes de Lisa et Billy dans son dos viennent atténuer sa profonde peine. Au

fond de lui, Falcon-Dog se dit : « J’espère que toi aussi, Mentalos, tu vas te

surpasser… »

Dehors, le dernier pilote d’aéro-niche accourt près de Cabos.

— Amiral, il y a un problème avec les équipements de communication de nos

aéro-niches. Malheureusement, la première a été brûlée par les panthères. Quant à

l’autre aéro-niche, ses parois en aluminium brouillent les ondes radio. C’est

indéchiffrable.

— Alors nous sommes incapables de joindre le Général Cocker et la Révoltruffe,

c’est bien ça ?

Le pilote hoche la tête en grimaçant. Le berger allemand pousse un long soupir

en se frottant les yeux. Son regard se pose sur le Hurle-Bois et sa brume, toujours

aussi épaisse. Il se dit que, au moins, leur dernière aéro-niche peut toujours s’envoler

pour les emporter, en cas de danger…

Cabos s’écarte en disant :

— Bon, on avisera… Faites ce que vous pouvez, soldat. Je vais parler un peu aux

épagneuls, histoire d’en savoir plus sur les loups.

Dans son terrier, le mystérieux individu se met à feuilleter son fameux

exemplaire du légendaire livre des Cinq Mondes. Ses yeux doivent dévorer, sous sa

capuche, chaque passage de cette encyclopédie. Il est véritablement passionné et

intrigué par les loups, depuis toujours, mais aussi par le monde d’Ethélys en général.

En témoignent la dent de loup, qui pend à son collier, ainsi que ses étagères croulant

sous de nombreux livres. Ses énormes connaissances, il les garde entièrement pour

lui. Rien que pour lui. « Quel gâchis ! se surprend-il à penser, parfois. Peut-être que

mon savoir pourrait servir aux autres. » Au fond de lui, de toute façon, il n’aime pas

les autres. Et les autres ne l’aiment pas non plus.