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Les nains ensorcelés

Les nains ensorcelés

Publié le 1 déc. 2025 Mis à jour le 1 déc. 2025 Jeunesse
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(Un conte d'hiver pour les petits)


« Maman, est-ce que je peux aller dans la forêt avec Mylène ? »

— Heu… Attends ! Où ça dans la forêt, répondit-elle, un brin d’inquiétude dans la voix ? Pas loin, j’espère.

— Mais non. C’est Mylène, tu sais, ma copine de classe, elle connaît bien car ses parents l’emmènent souvent marcher jusqu’à la maison en bois dans la forêt.

— Quelle maison, Hugo ? Je ne connais pas de maison dans la forêt.

— Mais si, Maman, répliqua Hugo, un peu agacé. Mylène m’a dit c’est la maison de la sorcière et…

— Une sorcière ? Qu’est-ce que tu me racontes…

.

Mylène et Hugo avaient à peu près le même âge, une douzaine d’années, mais Mylène était beaucoup plus intrépide que Hugo. Elle habitait avec ses parents, son grand frère et son chien Croqui, la dernière maison du village à la lisière de la forêt, tout en haut de la route qui se prolongeait par un sentier. Hugo, lui, habitait depuis peu dans le bas du petit bourg près de la vieille église.

Soudain, la sonnette tinta. Une toute petite jeune fille brune avec des yeux pervenche se présenta à la porte vitrée. La maman d’Hugo vint ouvrir.

.

— Bonjour Madame. Est-ce que Hugo est là ? On va se promener dans la forêt tant qu’il fait beau.

C’est vrai que pour un après-midi de décembre le soleil était clair et faisait fondre la neige sur les toits créant ainsi de jolis glaçons étincelants comme une dentelle tout autour du toit.

— Tu es Mylène, c’est ça ? Est-ce que tes parents sont d’accord ?

— Mais oui, nous allons souvent dans la forêt avec mes parents et mon frère, au moins jusqu’à la maison de bois, et même parfois jusqu’à la borne romaine tout en haut de la colline.

— Bon, si tes parents sont d’accord… Mais revenez dans une heure, le soleil se couche tôt en ce moment. Et toi, Hugo, enfile tes bottes ! Et prends ton natel[1], que je sache où tu es !

.

Les deux enfants sortirent et se dirigèrent vers la forêt. À part les épicéas, presque tous les arbres avaient perdu leurs feuilles et le soleil qui commençait à décliner filtrait ses rayons entre les branches encore couvertes de neige. Hormis les quelques bruits étouffés montant du village, il régnait un calme parfait en ce dimanche de Saint Nicolas. Arrivés au bout de la route, ils passèrent devant la maison de Mylène puis s’enfoncèrent sur le sentier dans la forêt profonde du haut Jura. Le sol était jonché de feuilles mortes et des amas de neige étaient éparpillés çà et là au bord du sentier. Mylène et Hugo chantaient en gambadant joyeusement. Après un quart d’heure de grimpette, ils débouchèrent dans une clairière d’où l’on pouvait apercevoir au loin, sur la droite, une masure en bois couverte de neige et dont la cheminée fumait.

.

— Tiens, là-bas c’est cette maison que mes parents appellent « la maison de Walpurgis ». On y va ?

— Non, Mylène, on n’a pas le droit. Regarde, il y a un panneau, là : « chemin privé ».

— Allez ! On n’est pas des voleurs, tout de même, répondit Mylène en tirant Hugo par le bras.

.

Hugo emboîta le pas de Mylène. Un peu plus loin, ils débouchèrent sur un chemin caillouteux. Près de la maison en bois, deux nains de jardin encadraient le sentier. Hugo tentait de freiner l’ardeur de Mylène mais sans succès. Les deux enfants étaient maintenant à une cinquantaine de mètres de la porte. Un rayon de soleil renforçait les couleurs rouges et vertes des nains. Soudain, une expression de peur se dessina sur le visage de Mylène.

.

— Hugo !!!

— Quoi ?

— J’ai l’impression que ce nain a bougé. Il regardait par là et maintenant il nous regarde. Et celui-là aussi. Ils ont bougé, j’en suis sûre.

— C’est vrai. Tu as raison. Je les ai vus tourner la tête. Très mystérieux, tout ça. C’est de la sorcellerie, ma parole !

— C’est pour ça qu’on l’appelle la maison de Walpurgis. Mes parents m’ont expliqué que Walpurgis était une sorcière et il y a même des gens qui la fêtent encore fin avril.

— Mais alors, ces nains sont ensorcelés ou bien ? répondit Hugo tout en s’arrêtant.

.

Les deux enfants avaient stoppé net à quelques pas de la chaumière. Soudain, un grognement épouvantable déchira le silence et les fit sursauter. Un chien énorme, aux poils dorsaux hérissés, jaillit d’un tonneau jouxtant le flanc gauche de la maisonnette et bondit en direction des enfants qui reculèrent, effrayés. Fort heureusement, une chaîne avait retenu l’animal féroce à quelques mètres. Il sautait sur ses pattes de derrière, tirant de toutes ses forces sur le collier qui le retenait à distance, montrant des crocs menaçants et aboyant d’un son rauque. Mylène était terrorisée et tirait Hugo en arrière afin de rejoindre le sentier de la forêt. Puis une porte s’ouvrit et une vieille femme en sortit en admonestant l’animal qui finit par se calmer et retourner dans sa niche. Elle s’adressa aux deux enfants d’une manière agressive :

.

— Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire par ici ?

— Euh… Nous sommes perdus, mentit Hugo.

— La sorcière, la sorcière, c’est elle, j’en suis sûre, chuchota Mylène à l’oreille de son ami.

— Et toi, la fille, qu’est-ce que tu manigances, hein ? reprit la femme.

.

Hugo et Mylène durent s’expliquer, sans mentir cette fois. Ils lui dirent qu’ils étaient simplement venus se promener dans la forêt, qu’ils habitaient le village...

La vieille femme, tout en vociférant « Vous n’avez pas vu le panneau ? C’est un chemin privé. Vous n’avez rien à faire ici… » les poussa dans sa maison violemment. Mylène tremblait encore de tout son corps après l’agression du chien et Hugo n’était pas rassuré. La femme leur expliqua alors que ce n’était pas un chien mais un loup qu’elle avait guéri d’une grave blessure. Dans la pièce unique, il y avait toutes sortes de choses bizarres qui pendaient du plafond. Sur la gauche, un poêle rond. Au centre, une lanterne se balançait. Le sol était jonché de peaux de bête et les murs étaient décorés de chauves-souris momifiées. La vieille dame les fit asseoir sur des billots de bois et s’adressa à eux :

.

— On a dû vous raconter toutes sortes de choses horribles sur moi, je parie : que je suis une sorcière et patati et patata, que je fais des messes noires, que j’invoque Satan, et blablabla. Tout ça parce que je ne vais pas à l’église, parce que je suis pauvre et obligée de me débrouiller toute seule… (Mylène avait encore les mains qui tremblaient). Mais tu trembles ! Fais voir tes mains.

La vieille femme adoucit sa voix et s’adressa à Mylène.

.

— Calme-toi. Je ne vais pas te manger.

— Mais, les nains qui bougent…

—Ah ! ça c’est pour faire fuir les « touristes ». Un petit mécanisme que j’ai inventé. Bon, allez, reposez-vous là sur cette balancelle, j’étais en train de faire du thé. Vous en voulez ?

— Oui, dirent en chœur les deux enfants.

.

Hugo et Mylène s’assirent sur une sorte de balancelle en raphia pendue au plafond et regardèrent tout autour.

La vieille dame revint vers eux. Elle prit les mains de Mylène pour voir si son tremblement avait disparu. Elle n’avait plus son expression méchante et agressive de la première rencontre et Mylène pensa qu’elle pouvait être jolie et semblait plus jeune quand elle souriait ainsi. Ses cheveux roux légèrement grisés lui faisaient une parure bouclée autour du visage. Ses joues étaient bien rondes et ses caresses très douces. Alors que Hugo s’était assoupi, elle chuchota à Mylène :

.

— Tu es un ange envoyé du ciel. J’aurais tant voulu avoir une fille comme toi. Mais, à l’époque, mon mari s’est enfui avec une petite ribaude et m’a laissé seule. J’ai erré des années à dire la bonne aventure, à m’enlaidir exprès, à faire peur aux imbéciles et aux enfants méchants. Tu vois cette maison, je l’ai construite de mes propres mains, sans aucune aide de quiconque, et je hais tous ces gens qui ne pensent qu’à eux.

— Mais pourquoi les gens du village disent que vous êtes une sorcière ? Même le curé, qui est un brave homme, l’a dit à mes parents.

— Mais je suis une sorcière, répondit-elle en riant. Je sais bien que c’est un brave homme, mais il ne croit qu’à ce qu’il a appris au séminaire. Il ne pense pas par lui-même. Jésus, s’adressant à ses disciples qui doutaient, leur disait « hommes de peu de foi ». Eh bien, ce curé est un homme de peu de foi car il ne croit en rien de ce qui n’est pas écrit sur ses livres saints. Il a appris que la foi déplace les montagnes mais au fond de lui il ne le croit pas. Moi, je parle aux animaux et ils me répondent, je perçois leurs souffrances lorsqu’ils sont blessés et je sais les soigner. Et pour ça on me prend pour une sorcière. On dit que je prédis l’avenir et bla bla bla. Mais je ne prédis rien du tout, ma belle. Que ce soit le passé ou l’avenir. Je vois les images des autres, je sens leur désarroi ou, au contraire, leur joie de vivre, c’est tout. Dans le monde de l’esprit il n’y a pas de temps, pas de distance non plus. Quand j’ai dit que la petite Fabienne, la fille du marchand de bois, allait mourir, je l’ai vu dans ses yeux. Elle portait l’image de la mort et une grande détresse. C’est ça que j’ai vu. J’ai seulement voulu les prévenir. Quelques jours plus tard elle s’est noyée dans le lac, près de Morges et l’on m’a chassée pour sorcellerie. C’était elle qui voulait mourir, ce n’est pas moi qui l’ai tuée, tu comprends ? Ce sont les autres qui l’ont poussée à la mort !

.

Hugo venait d’émerger de son petit somme. Son thé avait refroidi mais il l’apprécia quand même. Il vit le regard amical de ce qu’il croyait être une sorcière, la « sorcière de Walpurgis », comme avait dit Mylène. Il se sentait tout à fait rassuré, maintenant. Les deux enfants balayèrent du regard cette curieuse maisonnette, firent un sourire et remercièrent la propriétaire.

.

— Et surtout, les enfants, ne dites rien à vos parents. N’oubliez pas que je suis une très méchante sorcière.

.

Puis ils sortirent afin de rejoindre le sentier de la forêt. Le soleil avait fortement décliné et il commençait à faire froid. Il était temps de rentrer. Le natel de Hugo sonna. C’était sa mère.

.

— Allo, dites, les enfants, vous êtes où ? Il fait froid, revenez vite. J’ai fait un gâteau au chocolat si ça vous dit.

— Oui, Maman, on arrive dans dix minutes. Merci pour le gâteau. Super !

.

Lorsque la mère de Hugo ouvrit la porte, les deux enfants se précipitèrent près de la cheminée pour se réchauffer.

.

— Alors, c’était comment cette promenade ? Vous avez vu des choses intéressantes ? Et la soi-disant sorcière, c’est une blague, n’est-ce pas ?

— Quelle sorcière ? Non, on n’a rien vu que de très banal, de la neige, des oiseaux, les sapins, tu sais, répondit Hugo. On s’est promené, c’est tout.

Hugo jeta un clin d’œil à Mylène, laquelle se mit à pouffer de rire.




[1] Mot utilisé en Suisse pour désigner un téléphone portable / smartphone



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