Lettre de Claude-Nicolas Ledoux à Madame du Barry
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Lettre de Claude-Nicolas Ledoux à Madame du Barry
Cette lettre est totalement imaginaire et sans aucun fondement historique
Note bibliographique, source wikipédia :
Claude Nicolas Ledoux, né à Dormans le 21 mars 1736 et mort à Paris le 18 novembre 1806, est un architecte et urbaniste français. Architecte très actif de la fin de l'Ancien Régime, il fut l'un des principaux créateurs du style néoclassique. La plupart de ses constructions ont été détruites au XIXe siècle.
Note de l’auteur :
Pour moi, Claude-Nicolas Ledoux fait partie de mon panthéon personnel, de mes héros, de celles et ceux pour qui je voue une grande admiration. La révolution française et l’urbanisme du XIXe siècle étant passés par là, il ne nous reste malheureusement que très peu de ses œuvres. Citons tout de même sa cité idéale d’Arc et Senans, dans le Doubs et, à Paris, les différents octrois de la place de la Nation, de la place Denfert-Rochereau, de La Villette, ainsi que le petit pavillon rond à l’entrée du parc Monceau. Il est également l’auteur du pavillon de musique du château de Louveciennes construit à la demande de Madame du Barry, maîtresse de Louis XV, décoré par Fragonard.
Outre son talent d’architecte, Claude-Nicolas Ledoux développait des idées sociales encore inconcevables à son époque. Citons par exemple sa conception de l’Opéra de Besançon dont on lui avait confié la construction : pour la première fois, la structure était faite de sorte que tout le monde, riches ou pauvres, puissent admirer le spectacle. Citons également sa philosophie dont l’essence tenait dans l’idée que l’esthétique d’un lieu de vie, un bel environnement, ainsi qu’une absence de barrières sont facteurs de bonheur et de santé des populations.
A propos de l’exil de Madame du Barry :
Dès la mort de Louis XV (10 mai 1774), le clan de Choiseul, ennemi juré de Madame du Barry, et dont il fait circuler quantité de libelles, rumeurs, critiques odieuses, fait enlever et exiler Madame du Barry au couvent de Pont-aux-Dames, près de Meaux. Elle sera libérée en avril 1775.
La lettre à Madame du Barry
Très chère et tendre amie,
Je vous écris de Paris, depuis mon atelier de la Place Royale, où j’apprends à l’instant que vous avez enfin retrouvé votre liberté et votre maison de Louveciennes ainsi que le pavillon dont vous m’aviez confié la construction en 1771.
Je suis si heureux que ces longs mois d’exil forcé au couvent de Pont-aux-Dames ne soient plus aujourd’hui qu’un odieux et douloureux souvenir. Vous, Madame, qui avez tout donné aux Arts, qui avez encouragé mon ami Fragonard, ce jeune peintre si talentueux, et le sculpteur Christophe-Gabriel Allegrain dont la Diane et la Vénus ornent les jardins de Louveciennes, vous qui avez cru en ce brin de talent qui m’habite et que j’essaie de développer, vous qui avez soutenu auprès du défunt Roi mes idées sociales tant dénigrées par les Grands du royaume, je vous dois tout. En particulier de m’avoir fait obtenir le poste de commissaire aux salines de l’Est.
J’ai été si malheureux de ne pouvoir vous venir en aide au lendemain de la mort du Roi où, par lettre de cachet de son petit-fils Louis XVI, vous fûtes embastillée dans ce couvent sur la route de Meaux. Toutes les démarches que j’ai pu entreprendre depuis ce fatal 12 mai 1774 n’ont pu percer la cuirasse de cette injustice, me heurtant systématiquement aux amis du Duc de Choiseul qui vous voue tant de haine depuis si longtemps. Mais j’ai toutefois glané une information qui pourrait vous éclairer, sinon vous servir.
J’ai rencontré le mois dernier à Lunéville, au cours d’un de mes voyages de travail, et par un hasard tout à fait extraordinaire, un très vieil homme qui m’a abordé. Alors que je discutais avec le préfet d’un éventuel projet d’architecture, tout en évoquant votre nom et le pavillon de musique que je vous ai érigé, l’homme vint vers moi tout soudainement et m’apostropha. Il me demanda si j’étais bien de vos amis, ce que je lui confirmai aussitôt en lui décrivant la privation de liberté dont vous étiez victime. C’est alors qu’il me prit à l’écart et m’affirma ce qui suit.
Au cours d’une beuverie dont l’homme avait été témoin (il était cocher à l’époque), Choiseul, qui n’avait alors que vingt-trois ans, avait envahi avec deux ou trois de ses comparses l’atelier de couture où votre mère Anne travaillait aux côtés de quatre autres jeunes filles à la confection de fines dentelles. Ils étaient tous fin saouls et, après avoir fermé la porte à clef, violentèrent et violèrent les jeunes filles présentes. Je vous épargnerai la scène que le vieil homme put entrevoir à travers un judas, attiré par les cris des demoiselles. Neuf mois plus tard, votre mère donnait naissance à votre grâce. Choiseul en ayant été informé par un de ses espions devint alors fou de rage et, par peur qu’on ne reconnût ses propres traits sur le visage de l’enfant, fit tout ce qui était en son pouvoir pour dissimuler le fruit de sa débauche. Il bâtit aussitôt le projet d’enlever le bébé de votre mère et lança ses acolytes à sa recherche. Fort heureusement, votre mère vous avait fait garder ce jour-là par une amie. Ce fut, malheureusement, l’enfant d’une autre couturière qui fut enlevé et amené au criminel. Choiseul, croyant qu’il s’agissait de vous-même, le transperça alors de sa dague et le jeta au feu.
Vous comprendrez alors son désarroi et sa haine viscérale lorsqu’il vous vit paraître dix-sept ans plus tard à la cour de Louis XV, parée de tant de beauté, après qu’on lui eût dit qui vous étiez, conséquence de cette funeste erreur.
Je ne sais si cela puisse vous satisfaire que de vous savoir fille de votre pire ennemi, mais au moins ces propos peuvent éclairer vos sens et vous donner quelques clés sur son attitude à votre endroit.
J’ai tant hâte de vous revoir, maintenant que vous êtes libre, et vous aime de tout mon cœur. Votre très dévoué ami et serviteur,
Claude-Nicolas Ledoux.
Paris, le 18 octobre 1776