L'enfant de Rosporden - chapitre 2/6
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
L'enfant de Rosporden - chapitre 2/6
Chapitre 2
La jeune femme enceinte accueillit ce bébé dans ses bras alors que sa mère marchait très vite dans l’allée centrale vers l’autre extrémité de la voiture au moment où, déjà, quelques passagers d’Auray avaient ouvert la porte du couloir. « Elle doit avoir une envie pressante » pensa Marc. C’est aussi sans doute ce qu’avait dû penser la jeune femme qui commençait à sourire au bébé posé sur son ventre. Elle regarda le bébé, puis Marc en souriant. Le bébé la regardait avec de grands yeux bleus curieux mais sans inquiétude. Le TGV avait redémarré tranquillement et entamait son accélération. Cinq minutes s’étaient peut-être écoulées et la mère n’était toujours pas revenue. Le bébé, lui, n’avait manifesté aucune mauvaise humeur. Au contraire, son regard était plutôt confiant et il semblait très heureux dans les bras de la jeune femme qui l’entourait de beaucoup d’attention. Elle lui souriait et caressait délicatement sa joue avec le dos de sa main avec beaucoup de tendresse. Les minutes s’égrenaient. Marc et la jeune femme échangèrent des regards interrogatifs. Après dix minutes environ, Marc proposa d’aller voir au bout de la voiture, à l’emplacement des toilettes, si la mère du bébé n’avait pas besoin d’aide. Arrivé devant la porte, il se rendit compte que les toilettes étaient vides. Aucune trace de cette jeune maman. Il y avait encore deux voitures dans cette direction, en queue de train, la 19 et la 20. En revenant à sa place, le regard inquiet, Marc aperçut le contrôleur qui venait de la voiture 17. Il s’adressa à lui et lui expliqua en quelques mots la situation étrange. Le bébé – qui ne devait pas avoir plus de trois mois – suivait des yeux les échanges verbaux des adultes avec interrogation mais calme. Le contrôleur s’éloigna vers l’arrière du train puis revint environ vingt minutes plus tard, bredouille et très inquiet. « Vous êtes sûr qu’elle est partie dans cette direction ? » demanda-t-il à Marc. Sur le siège où s’était installée la jeune maman, il y avait une grenouillère étalée et une petite veste en laine bouclée bleu clair. Sur celui côté fenêtre, un sac beige ouvert laissait entrevoir un biberon et une tétine. Avec l’accord du contrôleur, Marc ouvrit plus grand le sac et en sortit divers objets dont une boîte de couches, une boîte de mouchoirs en papier, un tube de crème pour bébé, et autres petits objets. Au fond du sac, Marc sentit une feuille de papier pliée en quatre. Il l’extirpa, l’ouvrit et lut à voix haute : « Merci de vous occuper de mon bébé. Il s’appelle Cédric. Je ne peux pas le garder. Je suis désolée. Je l’aime. Ne m’en voulez pas. ». Le mot manuscrit était signé « Sandrine ».
— Elle a dû descendre à Auray, dit Marc. Je ne vois pas d’autre possibilité.
— Ho là là ! Qu’est-ce qu’on peut faire, dit la jeune femme ? Et moi qui attends un bébé ! Je ne peux pas m’en occuper. En plus je suis toute seule…
— Mais votre compagnon… hésita Marc.
— Je vous dis que je suis toute seule ! Je n’ai personne, répliqua la jeune femme, mi chagrin mi colère.
— Ne vous inquiétez pas, répondit le contrôleur. Avec son prénom et son écriture, la police aura vite fait de la retrouver. Et puis, il n’y a pas cinquante mille bébés de cet âge qui sont nés dans la région. Si vous pouviez le garder un peu, Mademoiselle, je vais essayer d’appeler la gare Montparnasse. Je reviens bientôt.
— Bon, bon ! On va bien trouver une solution, répondit Marc, ému par le regard implorant de la jeune fille. Ne vous en faites pas. Le bébé a l’air de se sentir bien avec vous. Il ne faut pas le brusquer. Je m’appelle Marc, et vous ?
— Stéphanie. Stéphanie Charrier, énonça d’une manière scolaire la jeune fille.
À sa voix et à son air de collégienne, Marc comprit qu’elle était très jeune. Il lui posa gentiment quelques questions pour tenter de la détendre. Stéphanie revenait de passer sa dernière épreuve du Bac. Elle avait juste dix-huit ans, habitait à Rosporden et avait décidé d’aller à Paris chez une amie pour attendre l’accouchement qui devait avoir lieu dans deux mois. Elle n’avait reçu aucune aide de ses parents qui, au contraire, lui avaient bien fait comprendre qu’elle n’avait qu’à se débrouiller toute seule. Bien que très jeune et malgré l’opinion de ses amis, les railleries de ses copines du lycée, et les conseils de ses parents, elle avait tenu à mener cette grossesse jusqu’à son terme. Le véritable point noir était que son petit ami, le père de l’enfant – également très jeune – avait été totalement incapable d’assumer la plus petite responsabilité de père et s’était pratiquement enfui sans donner de nouvelles depuis maintenant plus de trois mois.
(Illustration de Jean-Marie Gandois : inondations de la Vilaine)