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18. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VIII, Zaref

18. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VIII, Zaref

Publié le 13 mars 2023 Mis à jour le 13 mars 2023 Culture
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18. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VIII, Zaref

 

Accompagné de ses deux frères et des trois forgerons, Oramûn faisait route depuis Sarel-Jad en direction de Syr-Massoug. Il souhaite s’entretenir avec Ols, son beau-frère, probable héritier du trône des Terres bleues. Mais Almira, sa sœur, lui apprit qu’Ols avait dû se rendre en Terres noires, chez les Aspalans, pour des raisons diplomatiques. C’est donc elle qui eut la primeur du récit d’Oramûn. Il commença par un exposé des faits dans l’ordre chronologique, pour lui livrer ensuite ses conclusions

— Il serait imprudent de ne voir dans ces faits qu’une affaire de trafiquants. Zaref est derrière cela. Son but est la ruine de nos deux familles, celle d’Ygrem et celle de notre père, qui ne font désormais qu’une. Sans doute, son appétit de pou­voir égale son désir de vengeance. Zaref veut tout : le royaume des Terres bleues, la fédération de Mérode, l’ensemble de l’espace commercial, Terres noires comprises. Cela se fera par la captation du métal, l’argent stocké dans la Banque du royaume et censé garantir la monnaie. Zaref se fait payer en or ou en argent, et à l’égard de ceux qui n’ont que la « monnaie de Santem », il retient sa propre monnaie, il la fait rare de sorte qu’elle se tienne au niveau qui en fait la monnaie forte et bonne. Il a prévu que beaucoup préfèreront acheter du Féraz à un change élevé contre le Nurâm, plutôt que de se mettre en quête du métal précieux. Vois la manœuvre, c’est diabolique : Zaref, c’est évident, ne garde pas la « monnaie de Santem ». Comprends-tu, Almira ? Sitôt qu’elle est perçue, il l’utilise pour acheter le métal. Tôt ou tard, la réserve de garantie se tarira. Pour le moment, la Banque livre l’argent, comme elle le doit, à la valeur légale : un Méryg pour un Nurâm. Mais, au train où vont les choses, elle ne pourra plus fournir…

La voix d’Oramûn se fit, d’un coup, plus aiguë, ce qui, chez lui, est inhabituel :

— … Systématiquement, les recettes de Zaref, c’est certain, sont transformées en métal, afin de créer la banqueroute. Nous n’en sommes qu’au début du processus. Mais ça va se précipiter et on ne pourra plus rien. De proche en proche les industriels, les gens riches, ceux qui, des Terres bleues, des Terres noires et de l’Archipel, possèdent quelque épargne, ceux-là voudront acquérir la monnaie de Zaref. Alors, son pouvoir s’étendra sur tout l’espace. Nous aurons perdu ! Comprends-tu Almira ?

Almira aurait pu être impressionnée, mais elle tenait de son père la faculté de porter son esprit dans les régions d’où l’on voit la situation sous des angles qui révèlent des possibilités cachées. Dans ces moments, Almira s’identifie à son père, comme si la personnalité de celui-ci s’éveillait et se déployait en elle. Pour ainsi dire, elle pense en lui, et tandis qu’elle l’évoquait, elle fut prise du désir de lui parler. Il faut le faire venir à Syr-Massoug, lui demander son conseil, et en persuader Oramûn :

Je ne sais maintenant quoi te dire pour contrecarrer Zaref. Permets-moi, en attendant, de te suggérer deux choses. D’abord, Zaref a un avantage sur nous, un avantage technique : il peut apparemment mettre le royaume en déroute ; du moins, si la Banque entend honorer jusqu’au bout, et au taux légal, la conversion de la monnaie en argent. Mais peut-être existe-t-il d’autres moyens d’assurer la confiance. À supposer que Zaref parvienne à déclencher la crise, ce n’est pas ce qui installera son pouvoir. Ne sous-estimons pas la volonté du peuple. Susciter la crise n’est pas prendre le pouvoir. Quant à la contre-attaque, je n’en ai pas la formule. Je n’ai pas l’expérience de notre père. C’est à lui qu’il faut sans attendre faire appel. C’est la deuxième chose que je veux te dire : lui peut nous indiquer ce qu’il convient de faire pour ne pas perdre la guerre.

« La guerre… Oui, c’est bien cela. Almira est plus jeune que moi », se dit Oramûn, « Mais elle a une tête politique que je n’aurai jamais ». Il regarda sa sœur avec admiration. En la serrant contre lui, il sent la présence du bébé qui allait bientôt naître :

— C’était la première chose à me dire : faire appel à notre père et à son conseil. Il s’obstine, malgré son âge avancé, à ne pas vieillir, Dieu soit loué ! Dis-moi, Almira : quand Ols reviendra-t-il de chez les Aspalans ?

— Dans une grosse semaine encore. Oramûn, le vieil homme de Sarel-Jad est notre ressource. Même s’il est sincère et franc ; même s’il croit t’avoir tout dit, il en sait plus qu’il ne t’a raconté, il a davantage à nous dire qu’il ne pense lui-même savoir. Que notre père s’entretienne avec lui, qu’il le sonde. Le renseignement est notre arme. Oramûn, accepte, je t’en prie, de retourner à Sarel-Jad et de nous ramener le vieil homme. De mon côté je veillerai à ce que notre père soit présent, ici, à Syr-Massoug, lors de ton retour.

Oramûn se tourna vers ses deux frères qui goûtaient avec insouciance les joies de la détente dans la véranda du jardin d’hiver. Ils n’avaient cependant rien perdu de la conversation et ne demandaient qu’à repartir, car ils n’aiment rien autant que l’aventure. Toutefois, la question se pose pour les trois forgerons : accepteraient-ils aussi aisément ? Ils consentirent, moins par goût d’aventure que par esprit de fidélité, indéfectiblement attachés qu’ils sont à leur chef et à ses causes.

 

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