La méthode "je"
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La méthode "je"
La méthode du « je » repose sur un principe simple, mais puissant : transformer l’accusation en affirmation personnelle, troquer le reproche pour une expression authentique de son ressenti. Ainsi, au lieu de pointer du doigt l’autre avec un « Tu ne m’écoutes jamais », l’on préfèrera dire, « Je me sens frustré quand j’ai l’impression de ne pas être écouté. » Cette formulation ouvre un espace de dialogue respectueux, limpide, et propice à l’échange. En agissant de la sorte, nous prenons soin de préserver l’équilibre fragile entre l’affirmation de soi et la considération de l’autre.
À l’origine de cette méthode, l’on trouve Thomas Gordon (1918-2002), psychologue américain et pionnier de la communication interpersonnelle, dont les travaux ont bouleversé l’approche classique des relations humaines. Défenseur de la communication non-violente et de l’éducation parentale bienveillante, Gordon a, avec la méthode du « je », doté le monde d’un outil précieux pour exprimer ses sentiments, besoins et désaccords sans verser dans l’agressivité ou la culpabilisation.
Cette technique, à première vue anodine, exige néanmoins du courage. Car s’il est aisé d’accuser, il est bien plus difficile de se dévoiler, d’exprimer cette part de soi souvent tue par pudeur ou par crainte du jugement.
Prenons un exemple concret. Imaginons que j’ai rendez-vous avec une personne qui m’est chère. Elle arrive en retard de trente minutes. Ce retard est d’autant plus dommageable que le temps nous est compté : je dois prendre le dernier train du soir, et nous n’aurons pas le loisir de mener à bien ce que nous avions projeté. Intérieurement, je sens l’orage gronder : je me dis qu’il ne me respecte pas, que son attitude est inadmissible, qu’il aurait pu me prévenir… En somme, je me sens blessé et ma confiance en lui vacille.
Et pourtant, lorsqu’il arrive, tout ce qu’il dit est un simple « Désolé pour mon retard. »
C’est ici que la méthode du « je » trouve tout son sens, si je souhaite préserver la relation tout en apaisant ce tumulte intérieur. Plutôt que de le fustiger ou de ravaler ma rancœur, je prends une grande inspiration, me recentre sur le présent, en pensant aux conséquences futures de mes paroles. Je me redresse, plante solidement mes pieds au sol, et dans un ton calme, mais ferme, je dis, au choix :
- « Je suis ennuyé par ce retard. »
- « Je suis ennuyé par ce retard, d’autant plus que j’ai un train à prendre dans une heure. »
- « J’ai du mal à accepter les retards. »
- « J’ai peur que ce retard se répète à l’avenir. »
- « J’ai l’impression d’être ignoré en cas de retard. »
L’essence de ces propositions réside dans le fait qu’elles me permettent d’exprimer ce que je ressens, sans pour autant juger ou condamner. Il ne s’agit pas ici de moraliser, de culpabiliser ou de manipuler, mais simplement de dire « je », de parler en mon propre nom.
À l’opposé, les options non-assertives abondent :
•Fuir : sourire et prétendre que « ce n’est pas grave ».
•Manipuler : « Je te croyais organisé, peut-être étais-je naïf ? »
•Attaquer : « Ton retard est scandaleux, tu n’es pas digne de confiance ! »
Je vous encourage vivement à mettre cette méthode à l’épreuve pendant une semaine. Essayez-la, voyez comment elle influe sur vos relations et votre propre bien-être. Puis, partagez vos observations, qu’elles soient sur vous-même ou sur ceux qui vous entourent. Car, en fin de compte, le « je » est une invitation à renouer avec l’autre sans se perdre soi-même.