Commençons par remettre un peu d’ordre. Dans les positions de vie, le premier signe parle de moi, le second des autres. ++ : je vais bien, les autres aussi. +- : je vais bien, les autres non. -+ : je ne vais pas bien, les autres oui. – : personne ne va bien. Ce code est simple. Ce qu’on en a fait l’est beaucoup moins.

Car depuis des années, une partie du monde du coaching et de la formation nous vend le ++ comme un horizon obligatoire. Un idéal à atteindre. Un label moral. Presque une preuve de bonne santé psychologique. Soyons clairs : c’est une illusion confortable. Et un contresens clinique.

Nous sommes tous éligibles aux quatre positions de vie. Tous. Sans exception. Et nous y circulons en permanence, parfois dans la même journée. Faire croire qu’un adulte « mature » resterait durablement en ++ relève soit de la naïveté, soit du déni.

Prenons un manager. Tant qu’il se sent légitime, reconnu, soutenu par son organisation, il peut fonctionner en ++. Très bien. Mais qu’on ajoute une restructuration brutale, des injonctions contradictoires ou un management qu’il juge hors-sol, et les positions se déplacent. En +- lorsqu’il pense : « Je sais ce qu’il faudrait faire, mais au-dessus, ils ne comprennent rien. » En – lorsqu’il lâche : « Cette boîte est foutue, le marché est absurde et on court tous dans le mur. » En -+ quand il se dit : « Je n’ai plus l’énergie de suivre, même si, sur le fond, ils ont peut-être raison. »

Ce ne sont pas des failles de personnalité. Ce sont des réponses au réel.

Oui, nos premières positions de vie prennent racine dans l’éducation. Dans la façon dont nous avons été regardés, évalués, soutenus ou disqualifiés. Un enfant dévalorisé apprend vite que les autres valent plus que lui. Un enfant sur-investi apprend parfois qu’il vaut plus que les autres. Ces décisions ne sont ni conscientes ni rationnelles. Elles sont vitales. Elles permettent de survivre psychiquement.

Mais réduire les positions de vie à l’enfance est une autre fable rassurante. Le contexte fait basculer les positions. Un climat de défiance, d’injustice ou de compétition permanente fabrique mécaniquement du +- et du - –. Ce n’est pas un manque de travail sur soi. C’est une réaction humaine à un système délétère .

Et parlons-en, du - - . Cette position que l’on préfère taire parce qu’elle dérange le discours ambiant. « Je ne vais pas bien et les autres non plus. » Cynisme, retrait, désengagement. On la retrouve dans les organisations épuisées, les collectifs vidés de sens, les environnements où plus personne ne croit ni en soi ni en l’autre. Ce n’est pas une pathologie individuelle. C’est un symptôme collectif, souvent accompagné de conduites addictives, médicamenteuses ou chimiques. Mais ça, évidemment, on préfère l’expliquer autrement.

Le vrai enjeu n’est donc pas d’atteindre une position de vie idéale. Il est de savoir depuis quelle position nous parlons, décidons et agissons, ici et maintenant. Et surtout de comprendre que changer de position ne se décrète pas à coups d’affirmations positives, mais suppose des conditions relationnelles et contextuelles suffisamment sécurisantes.

La maturité psychologique ne consiste pas à rester en permanence en ++. Elle consiste à savoir quand on en sort, pourquoi, et ce que cela dit de la situation. Autrement dit : arrêter de se raconter des histoires pour enfin regarder le réel.

Sur ce, je vous souhaite une bonne et heureuse année 2026.

Lucide, de préférence.