Le jardin du 3 Juin
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Le jardin du 3 Juin
Permettez-moi de revenir un instant à cette sauge dont je parlais l'autre jour. Il ne faudrait pas passer trop vite sur cette plante vertueuse entre toutes, chargée d'histoires et de légendes. J'en avais consigné quelques-unes dans mon gros ouvrage de contes et légendes du Jura, où j'évoque le château de la Sauge, à saint-Lamain.
Ce château fut construit en mille cinq cent trente, pour Blaise de Visemal, qui y fit planter un riche jardin. Il était un peu médecin et y avait fait faire un Herbularius1. Une sauge bien sûr s’y trouvait, qui a peut-être donné son nom à ce château.
La sauge s’appelait salvare (sauver) chez les romains, puis salviam au temps de Charlemagne, puis sauge au treizième siècle, où un médecin du moyen-âge, de l’école de Salerne, disait à ses élèves…
« Pourquoi faut-il que l’homme meure,
Puisqu’en son jardin à toute heure
Il a de la sauge planté ? »
Elle s’appelle aussi … thé de France, thé de Grèce, herbe sacrée et toute bonne
Sa réputation est de préserver la santé et de prolonger la vie.
On dit depuis longtemps et on le dit encore…
« Qui a la sauge en son jardin vit cent sept ans ! »
Déjà connue dans l’Egypte antique, elle était réputée donner la fertilité aux femmes. Chez les grecs de l’antiquité Pline l’Ancien prétendait qu’elle améliorait la mémoire. Les chinois l’échangeaient contre leurs thés les plus précieux. Les Grecs, les Romains et les Arabes s’en servaient en compresse contre les morsures de serpent. A l’époque des grandes pestes, elle entrait dans le vinaigre des quatre voleurs. Ces quatre voleurs de Toulouse avaient étonné leurs juges, car ils avaient détroussé de nombreux cadavres morts de la peste, sans en prendre la maladie. Ils ont révélé la recette que voici…
3 pintes de vinaigre fort. De chacune une poignée : absinthe, reine des prés, baies de genièvre, marjolaine sauvage, sauge. Cinquante clous de girofle. 2 onces de racines d’inula campana. 2 onces d’angélique. 2 onces de romarin. 2 onces de marrube. 3 grammes de camphre.
Cette révélation leur a valu d’être pendus plutôt que brûlés vifs !
Au dix-septième, Louis XIV en avait fait sa tisane habituelle.
Au dix-huitième, les marseillais menacés par la peste, utilisèrent cette recette pour en faire une panacée, vendue en droguerie.
Au dix-neuvième siècle, la recette devint un médicament officiel, conseillé à tous ceux qui s’occupaient de malades. On faisait aussi brûler la sauge dans les lieux de soins, pour assainir l’atmosphère infectée. La plante était considérée comme un gage de longévité, voire d’immortalité. Les amérindiens, à l’occasion de rites chamaniques, se servent de la sauge blanche comme encens et de la sauge divinatoire comme hallucinogène.
Sachez qu’en Franche-Comté, la sauge est réputée soigner les gens autant que les bêtes, quand elle est prise en boisson, qu’elle guérit les blessures en cataplasme. Offerte en bouquet à un amoureux dont la promise en épouse un autre, elle cicatrise les maux et les tourments de son cœur blessé.
Et ce proverbe comtois se pose en conclusion :
Quand le bouquet de sauge périt, la maison défaillit.
Et je terminerai par cette étrange recette…
Quand un certain insecte pique la tige de la sauge, on y voit apparaître des galles parfaitement comestibles, qu’autrefois on conservait dans du miel… !
Je suis contente, vous voici renseignés sur la sauge, ouf, j'avais peur de vous avoir mis à l'écart de ce nécessaire savoir. Si vous avez de la sauge, vous savez à présent son usage, et si vous n'en avez pas, plantez-en vite, si vous voulez durer... 107 ans ! ;-)
que la journée vous soit très douce !
la gaillarde conteuse