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En moins bien

En moins bien

Published Mar 17, 2021 Updated Jan 11, 2022 Culture
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En moins bien

Voici un livre-coup de cœur. Un petit bouquin qui se lit vite, trop vite tant on aimerait prolonger un peu l'immersion en compagnie des personnages qu'on découvre tout du long.

Plutôt difficile à résumer car complètement foutraque, je vais tenter d'en parler un peu quand même en tâchant de ne pas trop en dévoiler cependant. Un des intérêts du livre c'est justement de découvrir au fur et à mesure les aventures de ces personnages décalés et complètement déjantés.
 

C'est l'histoire d'un frenchy expatrié aux USA, qui a la fibre littéraire mais qui bosse dans une blanchisserie pour survivre. C'est le personnage principal, mais on ne saura jamais son nom... Loser confirmé mais attachant, amateur de bibine, traîne-savate sympathique mais un peu pathétique, il rencontre un jour Emma. Elle est sublime, il en tombe amoureux fou. Ils se marient. Il l'emmène pour leur voyage de noces à Sandpiper, une petite station balnéaire pourrave sur la côte, connue pour son immense dune de sable « qui chante » quand le vent se lève, et pour JFK, le pélican irascible et mascotte du club de vacances. Mais on est un loser ou on ne l'est pas : après seulement quelques heures de mariage, Emma se fait la malle, laissant notre héros seul, malheureux comme les pierres, et sans autre explication que celles qu'il s'acharne à déloger au fond des binouzes qu'il partage avec ses potes de beuverie. Mais être abandonné par l'amour de sa vie n'est que le début de la fin : le sort va s'acharner. Un touriste allemand, dont la femme vient de se barrer avec un surfer du coin, fond littéralement un câble et se met à tourner en rond au pied de la dune, chaque jour, encore et encore. Au point d'en devenir une attraction locale attirant curieux et journalistes en une foule de plus en plus nombreuse. Par un concours de circonstances malheureux, notre anti-héros va se voir propulser à la tête du camping de la petite station balnéaire qu'il va renommer « Emma revient » comme un ultime cri de désespoir, secondé par une belle équipe de bras cassés, à devoir gérer une situation de plus en plus abracadabrantesque et qui part de plus en plus en vrille.
 

L'intérêt premier de ce livre n'est pas à mon sens l'histoire. Pour moi il est double : le style de l'auteur, Arnaud Le Guilcher, et les personnages qu'il met en scène. D'ailleurs ces deux facettes du livre sont complètement liées : si les personnages qui hantent ce bouquin sont à ce point truculents et géniaux à suivre, c'est justement par le style enlevé, bourré d'argot et de gouaille, par la narration à la première personne, par un vocabulaire et des expressions très imagées, et surtout un humour très noir et un cynisme ambiant presque pesant.

Tiens, pour vous donner une idée, voici un passage où le héros se décrit physiquement :

 

"Ma mère était belle. Mon père avait raté le coche, j'aurais pu être beau. Pas beau et intelligent. Non, faut pas charrier, mais au moins présentable... Le jour de la giclée fatidique, il a dû penser à une vieille tante moustachue, et pan, un spermatozoïde blindé de gènes de thon a conquis le saint Graal. Bilan des courses : ma gueule. Merci du cadeau."

 

Ce qui m'a embarqué directement dans cette histoire iconoclaste aux péripéties et aux situations plus invraisemblables les unes que les autres, c'est avant tout le ton de l'auteur (qu'on amalgame d'ailleurs au héros, par le jeu de la narration à la première personne et le fait que jamais il n'est nommé dans le roman). On aborde frontalement des situations et des faits souvent dramatiques, des réflexions qui en disent long sur la profondeur des blessures de ceux qui les endurent, il y a en permanence une tristesse, une mélancolie et le poids de cette fatalité implacable qui pèse sur les épaules du héros. Mais tout cela est dit et écrit avec des mots bien spécifiques, férocement poétiques dans leur manière d'être bruts de décoffrage. L'humour est omniprésent, d'une noirceur assez terrible mais qui lui donne une force décuplée, irrésistible. Le cynisme s'incruste page après page, donnant une saveur amère au récit, mais avec ce petit arrière-goût de reviens-y auquel on ne peut pas dire non et qui peut très vite si l'on n'y prend garde (mais en a-t-on franchement envie ?) devenir source d'accoutumance...
 

Alors c'est vrai qu'on pourra reprocher aux situations d'êtres parfois un chouïa exagérées, à l'auteur de trop se laisser aller dans son délire, peut-être que certains lecteurs s'en trouveront tenus un peu à l'écart, mis à distance d'un récit qu'on pourrait juger trop excentrique par moment... mais en contre-partie (et je soupçonne l'auteur de l'avoir fait délibérément) il y a une telle humanité dans les personnages, que tout cela se compense assez harmonieusement. La légèreté et l'humour (corrosif) des situations d'une part, le poids des âmes et des sentiments d'autre part, le tout donne un roman original, drôle, profond et léger à la fois.

 

Pour moi Arnaud le Guilcher a été une vraie belle rencontre avec un écrivain de talent au style prononcé et immédiatement reconnaissable. Un peu comme si Renaud se mettait à écrire des romans, vous voyez un peu le genre ? Et dans cette façon de mettre en scène des personnages très actuels, aussi déjantés que totalement losers, je mettrais bien cet auteur aux côtés d'un Serge Le Vaillant ou d'un Laurent Chalumeau dont j'ai déjà pu vous parler ici...

 

Je termine en vous touchant un mot de la toute fin du roman, le dernier paragraphe si ce n'est même carrément la dernière phrase, reprenant du reste le titre du livre, qui clôt ce roman sur une note d'une profonde beauté, quelques mots qui relativisent tout le reste du bouquin, et qui m'ont cueilli là comme une préadolescente devant le dernier épisode de Twilight, me bouleversant d'une manière je dois bien le dire assez honteuse, me prenant par surprise quand je ne m'y attendais plus. Me donnant une gigantesque envie d'en savoir plus, d'en lire plus, de faire de ce type dont je venais de lire les mésaventures un pote à moi. Et par chance, j'ai pu prendre un peu de rab quelques mois plus tard, avec la suite de En moins bien intitulée Pas mieux (on en reparle ici bientôt), et qui je peux d'ores et déjà le dire, m'a mis une plus grosse claque encore que le premier roman.

Mais ça, c'est une autre histoire...

Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com

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