Un mec sympa
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Un mec sympa
Voilà un roman qui ne paie pas de mine, au titre pas très accrocheur et au pitch assez classique, l’exemple même du bouquin qu’on aborde un peu dans le flou, sans spécialement un grand enthousiasme.
Mais qu’on lit tout de même, et dans mon cas pour deux raisons. La première c’est qu’il m’a été offert (et pour moi, choisir avec attention un cadeau pour quelqu’un donne toute sa valeur à l’objet offert, encore plus lorsqu’il s’agit d’un livre, d’où le statut très spécial et cher à mon cœur de celui-ci). La seconde c’est qu’il est écrit par Laurent Chalumeau, journaliste-écrivain qui a une plume très agréable à lire, moderne et vive, et qui signait dans les années 80 des articles dans Rock’n’Folk. Et puis si vous avez connu la grande période de l’émission de Canal+ Nulle Part Ailleurs, il y écrivait avec son compère de longue date Antoine de Caunes les textes de ce dernier pour les personnages qu’il interprétait en fin d’émission (depuis Aquarium le baba-cool à Raoul Bitenbois en passant par Didier l’embrouille et autres persos tous plus hauts en couleurs les uns que les autres), ça vous posera peut-être un peu mieux le-dit Laurent Chalumeau !
Donc le mec sympa en question qui donne son titre au bouquin, c’est Manu Bonal, ancien espoir du tennis français du temps où il jouait en junior. Manu est en liberté conditionnelle, il sort de prison après trente-deux mois d’enfermement à la maison d’arrêt de Grasse. Car Manu ne faisait pas que jouer au tennis, il améliorait son quotidien par quelques vols de bijoux et autres cambriolages… Mais son passage en prison l’a remis sur le bon chemin, et pour lui c’est clair : sous aucun prétexte il ne retournera en maison d’arrêt, quitte à redevenir honnête. Aujourd’hui il a un petit job sans prétention de prof de tennis dans un club ultra-select de la Côte d’Azur, et il compte bien se contenter de ce statut plutôt agréable pour profiter de sa liberté retrouvée.
Le problème c’est que son nouveau conseiller d’insertion et de probation qu’il doit voir pour un suivi mensuel de sa liberté conditionnelle, ne l’entend pas de la même oreille. Il propose un marché à Manu : soit il cambriole pour lui une collection de montres anciennes d’une grande valeur, soit il le renvoie en taule en falsifiant et en chargeant son dossier. Manu est pris au piège : s’il refuse ce sera un retour en prison assuré, s’il accepte il a toutes les chances de finir de la même manière…
Voilà pour l’intrigue de départ. Une histoire de chantage, assez classique comme je le disais en introduction. Mais le bouquin est loin, très loin de se limiter à cela. Car sur cette trame principale viennent se greffer plusieurs autres intrigues secondaires qui vont introduire une bonne douzaine d’autres personnages tous plus savoureux les uns que les autres. C’est la grande force de Chalumeau : ses personnages sont extraordinaires, à la fois très charismatiques et parfaitement crédibles. On croisera au gré des pages un chirurgien esthétique qui ne pense qu’au fric et au cul, une bourgeoise en mal d’aventures, un criminel de guerre serbe sans pitié complexé par ses grosses fesses, une ravissante beurette employée de l’administration pénitentiaire et militante dans une association d’aide aux prostituées, un clandestin roumain qui compte bien devenir le Scarface de la Côte d’Azur, etc… Ils n’ont a priori aucun lien entre eux mais leurs destinées vont se croiser au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue qui évolue de surprise en surprise. Pour ça aussi, le gars Chalumeau est balèze : il envoie rebondissement sur rebondissement et joue avec le lecteur entre moments de franche rigolade et passages plus durs et qui font monter la tension en flèche…
Le tout est mis en valeur par une science des mots et une maîtrise des dialogues jouissive qui font de la lecture d’Un mec sympa un vrai bon moment.
D’ailleurs là aussi j’ai failli me faire avoir en début de lecture. C’est bien simple, j’ai détesté au départ le style narratif de Laurent Chalumeau, blindé raz la gueule de participes présent qui m’ont tout d’abord rebuté, me donnant l’impression que l’auteur en usait et en abusait histoire de coller un style tape-à-l’œil, post-moderne et limite frimeur à son bouquin. Du genre « sujet-verbe-complément c’est pour les nazes oh ! », j’avais l’impression qu’il s’acharnait à commencer toutes ses phrases par un participe présent, bouffant systématiquement le sujet, ce qui donnait un aspect très prétentieux à la narration. Et puis au fil des pages j’ai changé d’avis. D’abord parce que l’histoire m’avait happé, ensuite parce que finalement j’ai trouvé que le style employé faisait ressortir un caractère nonchalant, fataliste, tantôt m’enfoutiste tantôt carrément suffisant, qui collait parfaitement avec certains personnages, Manu et le chirurgien plastique en tête.
Bref, le style m’a dérouté, voire déplu au début, mais on s’habitue vite et finalement une fois qu’on s’y est fait ça passe tout seul.
Bref, pour ses personnages truculents, pour son scénario diaboliquement bien ficelé, pour ses dialogues ciselés et pour son humour percutant j’ai adoré ce livre qui est un de mes gros coups de cœur de 2009. À découvrir absolument !
Cet article a été initialement publiée sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com