Comment je suis devenu un écrivain célèbre
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Comment je suis devenu un écrivain célèbre
Non ceci n’est pas un article auto-biographique. :-)
Pour un premier roman, Steve Hely a fait fort, puisqu’il s’attaque ni plus ni moins à l’industrie de la littérature au shotgun, la démonte de A à Z, la décortique avec une froideur et un cynisme sans concession pour finalement s’en moquer ouvertement. Et là où il a fait encore plus fort, c’est que non seulement c’est plutôt bien vu dans l’ensemble et que ça tape pas mal juste, mais en plus à ce que j’ai cru comprendre ça s’est assez bien vendu son roman.
Dans Comment je suis devenu un écrivain célèbre, le personnage principal se nomme Pete Tarslaw et n’est pas très loin de ce qu’on pourrait qualifier d’un raté. Tout du moins est-ce en creux ce que lui-même semble penser. Le garçon vivote en rédigeant pour le compte d’étudiants fortunés des lettres de motivation pour entrer dans de grandes et prestigieuses écoles. Pas reluisant, mais un boulot alimentaire comme un autre. Côté vie perso le tableau n’est pas plus enthousiasmant : après une rupture qui lui reste encore en travers de la gorge, Pete vit en colocation avec un type assez bizarre, plus proche du geek socialement inadapté que de l’humain. Mais tout se détraque quand Pete reçoit l’invitation au mariage de Polly, son ex. Pete se rebelle. Il ira, mais en tant que personnage riche et adulé, l’idéal serait que Polly se prosterne à ses pieds en le suppliant de bien vouloir la reprendre. Pour arriver à ses fins Pete a un plan. Il va devenir un écrivain célèbre. Il les a vus à la télévision tous ces gratte-papiers qui vendent par millions d’exemplaires leurs romans : pas besoin de talent pour faire aussi bien que ces imposteurs de la littérature, il suffit d’offrir aux gens ce qu’ils veulent lire ! Pete va donc décortiquer les listes de best-sellers pour comprendre ce qui plaît, ce qui marche, tel le premier enquêteur marketing ou publicitaire véreux venu. Le roman de Pete, Cendres dans la tornade répondra parfaitement à la recette qu’il va lui-même concocter en se basant sur ce que les autres font… tant et si bien que … et si ça marchait en fin de compte ?
Évidemment on nage en pleine parodie dans ce roman, son auteur caricature un brin (ou alors outrancièrement ? À vous de vous faire une idée !) le monde littéraire et la culture de masse. C’est plutôt drôle (les critiques allant parfois jusqu’à en dire que c’est hilarant, je n’irai pas aussi loin), c’est enlevé, c’est gonflé, c’est original. Mais ce qui m’a plus particulièrement plu c’est la causticité du ton, le cynisme et l’amoralité du personnage. À ce sujet, j’ai trouvé osé et courageux de la part de l’auteur de prendre comme héros un type pas vraiment attirant, qu’on n’arrive pas vraiment à apprécier et pour lequel la morale importe peu. En un mot comme en cent, on n’a pas envie de l’aimer ce type, même si on a parfois le même avis que lui sur ce qui nous entoure et la même envie que lui de tout envoyer balader et de profiter du système comme d’autres peuvent le faire.
Ce que j’ai aimé c’est que le manichéisme n’est pas de mise : absolument tout le monde dans l’univers littéraire s’en prend pour son grade : écrivains, lecteurs, éditeurs. Il y a même une petite saillie sur les critiques qui remet les pendules à leur place (comme dirait Johnny) : « le plus abject ordre de pourceaux qui ait jamais foulé la face de la terre ». Non pas que je me prenne pour ce que je ne suis pas, mais je me le tiens pour dit malgré tout !
À l’heure du formatage culturel, de la pensée prémâchée, du tout commercial et des publicitaires rois du pétrole, le roman de Steve Hely se pose là et dénonce un peu tout cela en vrac. Au vitriol. Et c’est plutôt salutaire d’ailleurs, signe de bonne santé mentale. Dommage cependant que la fin vienne un peu contredire l’ensemble, car, à moins que j’ai mal saisi la volonté de l’auteur, il semblerait que la morale finisse tout de même par triompher dans la conclusion du récit.
Cela dit, Comment je suis devenu un écrivain célèbre, s’il n’est pas le roman-phénomène vanté en quatrième de couverture, reste un très sympathique divertissement qui sort des sentiers battus, qui bouscule le lecteur dans sa zone de confort et le prend même directement à partie. Évidemment si vous êtes allergique au cynisme, je ne peux que vous déconseiller de lire ce bouquin, mais si vous ne craignez pas de voir ce que vous aimez potentiellement écorché au passage, ce roman s’avérera être une très intéressante lecture.
Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com