Dans ma galerie de portraits, il me reste deux personnes à bien vous présenter.

Il y a d’abord Nduenga.

Grand, la trentaine passée,  bien bedonnant. Il y a notre salut « la tradition Charles la tradition ! » et un, deux trois coups de bide contre bide, parce qu’on est en 2013 maintenant, donc il en faut trois.  Nduenga, c’est un peu mon Misha du Congo. Jovial, beau parleur, jamais fiable, super ambianceur, super attachant. Il a commencé par faire des études pour devenir prêtre, ce qui l’a amené à voyager dans l’Afrique et notamment en Afrique de l’Ouest. Il a terminé ses études au bout de 7ans en même temps qu’il s’était mis à la musique. A l’heure du sacerdoce, il s’est dit qu’il ne pouvait pas renoncer à sa vie d’artiste, et c’est ce qu’il a fait. C’est un sacré bout en train, prend la guitare et se met à chanter de nombreuses ballades en faisant chanter les autres en chœur, les joues gonflées et le sourire aux lèvres quand il voit que l’ambiance prend. Ou prend son sax’N Due, un instrument de sa composition fait à partir d’un cul de bouteille plastique et d’un petit film plastique tendu au niveau du bouchon et joue un solo rigolo avec sa trompette improvisée au son nasillard. Surtout un grand festoyeur quand il se met seul au milieu de la piste, le cul en arrière, fait monter la tension, et se met à le balancer à grande vitesse dans un immense éclat de rire général.

Nduenga n’a pas renoncé à l’Eglise et il y anime toujours une chorale. Quand il m’y a emmené, j’ai pu voir combien il était dans son milieu et je lui ai dit. Peu de temps après il m’a confié que l’évêque lui avait proposé de reprendre sa prêtrise et il m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai dit d’écouter son cœur et c’est ce qu’il a fait. Il va se faire consacrer sous-diacre le 28 avril. Il pourra continuer la musique, mais on lui a dit que pour le balancement de popotin c’était plus possible. Ce sera un prêtre hors norme, et Dieu seul sait ce que Nduenga lui réserve dans son église…

Et puis il y a Gédéon.

Gédéon est le neveu de Maman Loko, du CTA. Il a 25 ans et il est étudiant en gestion des ressources humaines. C’est une personne comme j’en ai rencontré peu au Congo. Ses parents sont partis peu de temps après sa naissance en France le laissant entre les mains de son oncle et sa tante. Bien sur, il venait le voir une fois tous les deux ou trois ans et lui envoyait l’argent, mais pour lui sa vrai famille c’est son oncle et sa tante. Quand il a passé le bac, ses parents lui ont proposé de venir faire ses études en France, mais il a refusé. Voyager pour les vacances, idem. Son pays c’est le Congo. C’est bien un des rares que je vois qui n’est pas intéressé par l’Eldorarado francais. Lui il veut passer son diplôme et monter son entreprise ici, car comme il me dit « tu vois Charles, c’est à nous de construire le Congo. C’est toi et moi. Parce que si on ne le fait pas, qui le fera sinon ? » L’envie de participer au développement de son pays. L’intérêt général  avant son intérêt personnel. Comme vous avez pu le lire auparavant, c’est assez exceptionnel ici.

Avec Gédéon, on se ballade beaucoup dans la ville, et on discute beaucoup. On se fait part de nos perceptions, on s’explique mutuellement les différences entre nos cultures, on s’écoute, on fait murir la réflexion. Un certain nombre d’articles du blog ont eu comme point de départ une discussion avec Gédéon. On n’est rarement dans des discussions terre à terre, on cherche toujours à élever notre niveau de compréhension. On discute aussi beaucoup de filles, mais ça c’est un autre sujet. C’est quelqu’un qui a des valeurs profondes et qui s’efforce de les respecter. C’est une personne attentionnée aux autres et qui a à cœur le respect d’autrui. C’est quelqu’un aussi d’extrêmement curieux ; et c’est probablement pour tout cela qu’on s’entend si bien. Gédéon. Mon autre frère congolais.