Derrière le rideau pourpre
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Derrière le rideau pourpre
Elle est seule, assise au milieu de la scène, dans sa longue robe noire échancrée. L'archet en main, elle passe la colophane sur le crin. Elle se redresse, le dos droit, les épaules détendues, appose le violon à son cou et place son menton sur la mentonnière. Elle entame un legato, en frottant délicatement les cordes avec l'archet. L'instrument est accordé. Elle entend les murmures derrière l'immense rideau pourpre. Quelques toussotements et quelques rires discrets, légèrement confus de briser un silence friable. Ce n'est ni le moment, ni le lieu pour cela. Elle tient à ce que la solennité de cet instant soit respectée. Elle ferme les yeux, prend une profonde respiration. Les traits de son visage sont tirés, mais elle maquillera sa fatigue sous une épaisse couche de faux-semblants, comme elle l'a toujours fait. Ce soir, elle jouera les plus grands : Vivaldi, Tchaïkovski, Stravinsky... et glissera peut-être quelques compositions personnelles, si le courage ne lui fait pas défaut. Après tout, que viendraient faire ses notes maladroites entre celles des virtuoses ? Elle n'est qu'une interprète parmi d'autres.
"Contente-toi de jouer la partition !"
Le lourd rideau pourpre s'ouvre lentement. La voici exhibée aux yeux de tous, sous les feux d'une douche lumineuse aveuglante. Elle enfile son masque et salue le public sous les applaudissements.