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A quel jeu jouons-nous au Congo Brazzaville ???

A quel jeu jouons-nous au Congo Brazzaville ???

Publié le 9 juil. 2020 Mis à jour le 9 juil. 2020 Politique
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A quel jeu jouons-nous au Congo Brazzaville ???

24 Oct 15

Publié par roadtrip-in-peru.over-blog.com  - Catégories :  #congo#Tchad

 

Brazzaville, quartier de Bacongo (mon quartier de coeur), mardi matin

Brazzaville, quartier de Bacongo (mon quartier de coeur), mardi matin

Je pensais vous publier un joli petit article sur la médecine traditionnelle, mais les évènements de ces derniers jours m'obligent à revoir ma copie du jour.

A l'heure où je vous parle, le Congo-Brazzaville est sous haute tension. Le président Sassou N'Guesso organise ce dimanche un référendum pour modifier la Constitution et pouvoir briguer un « troisième »mandat, après plus de 30 ans passés au pouvoir. Les Congolais sont sortis en masse dans les rues du pays, au cri de « Sassouffit ! » pour dénoncer ce jeu de dupe d'un président qui souhaite le rester à vie, fait assez unique depuis les 3 guerres civiles qui ont ébranlé le pays dans les années 90. L'armée a répliqué, tirant à balles réelles dans la foule, et bloquant toute possibilité de rassemblement de l'opposition à Pointe Noire, à Dolisie, ou dans les rues de Brazzaville, les 3 grandes villes du pays. La liberté d'expression et le respect du jeu démocratique, une fois de plus, ne brillent pas dans ce pays.

L'histoire ne s'arrête pas là. Notre président Hollande annonce ce jeudi dans un communiqué que « au Congo, le président Sassou peut consulter son peuple, cela fait partie de son droit et le peuple doit répondre », légitimant donc Sassou dans ses vélléités de modification de la Constitution. Tollé dans l'opposition congolaise et dans toute la presse africaine, dénonçant un retour à la Françafrique. Finalement, Hollande est revenu hier sur ses positions en déclarant qu'il « condamne toute violence, soutient la liberté d'expression et rappelle qu'il a souhaité, lors de son discours prononcé à Dakar le 29 novembre 2014, que les Constitutions soient respectées ».

Revenons un peu sur ces histoires de démocratie africaine et de 3eme mandat. En Afrique et tout particulièrement dans les ex-colonies françaises, de nombreux chefs d'Etat sont au pouvoir depuis des décennies. Ces chefs d'état, mis en place et soutenus par la France au décours de la décolonisation pour maintenir les intérêts français dans son pré-carré africain, a été dénoncé sous le terme de la Françafrique (ou France à Fric). A la fin de la guerre froide, en 1990 à la Baule, François Mitterand prononce un discours qui fait date « Le vent de liberté qui a soufflé à l'Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (...) Il n'y a pas de développement sans démocratie et il n'y a pas de démocratie sans développement », pressant alors les pays africains d'aller vers un processus de démocratisation.

C'est à ce moment là que Sassou N'guesso, président depuis 1979 avec un parti unique, se trouve contraint d'accepter le multipartisme, convoquant des états généraux extraordinaires qui dureront plus d'un mois, et qui mèneront finalement à la rédaction d'une nouvelle constitution et à l'élection de Pascal Lissouba. S'ensuivra la première guerre civile. Il reviendra en force en 1997 avec ses milices les Cobras, provoquant une deuxième guerre civile, 400 000 morts, et prend finalement la tête du pays. Une troisième guerre civile a lieu en 1998. Supprimant la Constitution de 1992, il fait rédiger une nouvelle constitution lui donnant plus de pouvoirs en 2002, au décours de laquelle il est élu pour 7 ans puis reconduit en 2009.

A l'occasion du sommet de la Francophonie à Dakar, en 2014, Hollande annonçait que "Le temps de la Françafrique est révolu : il y a la France, il y a l'Afrique, il y a le partenariat entre la France et l'Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité", "Les émissaires, les intermédiaires et les officines trouvent désormais porte close à la présidence de la République française comme dans les ministères". Il avait alors montré en exemple démocratique le Sénégal, salué la transition démocratique au Burkina Faso, qui venait de chasser par la rue Blaise Compaoré au pouvoir depuis 1987 après l'assassinat de Thomas Sankara, et mis en garde les autres dirigeants contre la main-mise sur le pouvoir dans leur pays : « Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où la liberté est bafouée, là où l'alternance est empêchée, j'affirme ici que les citoyens de ces pays sauront toujours trouver dans l'espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le droit et la démocratie ».

Depuis ? Depuis, Faure Gnassinbé (Togo) a modifié la constitution et s'est fait réélire en début d'année pour un 3ème mandat, en toute discrétion. Pierre Nkurunziza (Burundi) a joué sur les mots pour contourner l'interdiction de 3ème mandat, provoquant la condamnation de toute la communauté internationale, France compris, et de l'Union Africaine, mais se faisant malgré tout « réélire » en juillet de cette année. Les voix s'étaient alors élevées pour mettre en garde les dirigeants africains contre toute volonté de 3eme mandat anticonstitutionnel. Au Burkina en septembre, le général Diendéré, ancien homme fort de Blaise Compaoré, a tenté un coup d'état, finalement mis en échec par le soulèvement de la rue et l'appui de l'armée. La France avait alors tardivement réagi, puis accueilli le président de la transition renversé Michel Kafondo en protection dans son ambassade. Au moment où Sassou cherche à changer la constitution à des fins politiques personnelles, on pourrait attendre un message fort de la France, dans la lignée de son discours de Dakar ou de ses propos lors de la crise au Burundi ; au contraire, on assiste à une légitimisation de ce « référendum » constitutionnel puis à cet énième retournement de veste présidentiel.

On ne peut continuer de déplorer l'absence de processus démocratique en Afrique et venir édicter des principes de bonne gouvernance, tout en continuant à soutenir certains régimes qui ne les appliquent pas parce qu'on a des intérêts forts en jeu. Cette diplomatie à géométrie variable, qui fait là le grand écart, n'est encore une fois qu'une politique de court terme, qui dessert notre image, la crédibilité de nos discours et nos intérêts à plus long terme. Il est plus que temps d'assumer une cohérence entre les discours et les faits dans notre politique africaine, car aujourd'hui encore, nous ne brillons pas en soutenant un recul des règles démocratiques au Congo.

Je le redis encore une fois, c'est à l'Afrique et aux Africains de construire les bases de leurs propres démocraties, comme ils tentent de le faire en Tunisie (qui a reçu le prix Nobel de la paix 2015) ou au Burkina par exemple. Et notre rôle est d'encourager et de soutenir ces transitions démocratiques. Je concluerai par les les propres mots de Hollande à Dakar : "Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un exemple, ni pour délivrer des leçons de morale. Je considère les Africains comme des partenaires et des amis. L'amitié crée des devoirs, le premier d'entre eux est la sincérité. Nous devons tout nous dire, sans ingérence mais avec exigence". Il est temps de le faire au Congo-Brazzaville.

NB : Je déplore l'absence totale de couverture de ces évènements par France 24, la chaine d'information française à l'étranger, que je respecte pourtant et qui avait bien couvert les évènements au Burundi et au Burkina ; mais qui brille sur ce sujet par son absence, ce qui me laisse interrogateur. Je crains que la couverture de nos journaux nationaux ne soit plus prolixe. Le site de RFI couvre bien ces évènements, et je vous invite donc à venir le consulter pour plus de précisions. Quant au Congo, Internet et RFI ont été coupés pendant 3j (la crainte d'un printemps arabe avec les réseaux sociaux?) mais mes amis congolais me font parvenir régulièrement des nouvelles. Je suis de tout cœur avec eux, et je vous invite à partager cet article en soutien à leur cause.

 

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Commentaires (3)

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Jean-François Joubert il y a 2 ans

Merci beaucoup, avoir un esprit ouvert et de la modestie sont des facteurs chance...tant d'être nuisible dans ce bas monde que vous êtes allez la bas, votre histoire cause elle est véritable

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Jean-François Joubert il y a 2 ans

L'Afrique est une terre richissime, et le monde entier tue leurs espoirs de démocratie... Je découvre cette situation grâce à votre article. Ayant quelques contacts (virtuels là-bas ) . Un homme touché par les balles réelles... qui elles blessent mon coeur, et wi il me restait des larmes, je pleurerais.

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Charlie il y a 2 ans

Bonjour et merci de votre commentaire sensible. Cet article date déjà...et pourtant. Rien la changé depuis 10ans que je suis allé la bas, ou plutôt ça ne fait qu'aller de mal en pis. Je continue davoir des nouvelles de mes amis la bas. Pas de la bonne ethnie. Alors, peu ou proue, ils construisent dans la précarité malgré tout leur vie. Le covid n a pas arrangé les choses, bien au contraire ! Le confinement et couvre feu a été ravageur...et a éteint les velléités contestataires. Sassou est et reste encore au pouvoir, mainmise absolue, et le pays qui plonge encore et toujours plus de tant de corruption et d'arrangements particuliers. Mais sue se passera t il une fois sassou mort ? Les revendications et les rancoeur sont vives...comment ne pas alors se déchirer et sentretuer ? De nouveaux drames humains, malheureusement je le crains, seront encore à venir...
Merci à vous davoir pris le temps de me lire et m'écrire..il y a tout plein d'autres articles au sujet du Congo, de l'Afrique en général, et du Tchad. Ce ne sont que mes réflexions et observations personnelles malgré tout

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