L'Egorgeur : Chapitre 6
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
L'Egorgeur : Chapitre 6
Madame Demesy effleura du bout de ses ongles le torse couvert de sueur du Commissaire qui frissonna.
— On fait venir le room service ?
— Comme dans les films ? Je ne suis pas certain qu’il y en ait un.
— Ou nous pourrions manger au restaurant de l’hôtel. Ce soir, il va y avoir du monde dans les rues.
— Il y a du monde tous les soirs dans les rues en cette saison.
La salle du restaurant, sur la route des Gorges, offrait une vue imprenable dans une ambiance reposante, loin de la foule de badauds qui se pressaient dans les rues de Vallon-Pont-d’Arc. Les plats maison étaient délicieux. Emile dégustait son verre de vin en souriant.
— Tu vois, Monsieur Demesy, c’est ça des vacances !
Emile hocha la tête d’avant en arrière en plissant un peu les lèvres.
— Je vois, Madame Demesy.
— Et tu crois que ton enquête va être compliquée ?
— On ne sait jamais avec les enquêtes. Je ne t’apprends rien à ce sujet.
— J’aimerais bien qu’elle soit simple et bouclée rapidement.
— Fred aussi aimerait bien.
La femme du Commissaire leva un sourcil circonspect. Le serveur les interrompit pour leur proposer la carte des desserts. Le couple n’y jeta même pas un regard. Celui bien chargé de midi leur avait amplement suffit.
— Je peux vous proposer un petit café ?
— Un ristretto, s’il vous plaît.
— Et pour Madame ?
— Rien, ça ira, répondit Madame.
À nouveau tranquilles, Eugénie posa une main sur celle d’Emile.
— Tu crois que nous pourrons aller au marché nocturne, malgré ton enquête ?
— Je vais sûrement avoir de grosses journées. Mais je compte bien m’arrêter avant la nuit.
— Tu te souviens que c’est bientôt l’anniversaire d’Aristide ? Et que tu n’as pas encore trouvé de cadeau ?
— Oui, je m’en souviens.
— J’ai vu un commerçant qui vends les figurines de ce personnage de BD qu’il aime bien.
— Mistralman ? Je suis sûr qu’il a déjà tout !
— Il paraît qu’ils viennent d’en sortir de nouvelles. Tu devrais sortir un peu, t’intéresser aux choses plutôt que de passer ton temps à traquer des criminels et à lire des histoires horrifiques.
Emile eut une nuit agitée. Il rêva de gens avachis s’appliquant volontairement des petits chiffons de chloroforme sur le visage pour planer avant de se transformer en phoques. Ou bien était-ce en rats ? Les créatures présentaient des faces horribles et grimaçantes, se cachaient dans la brume et la pourriture. Au petit matin, il avait l’esprit un peu confus. Tandis que son épouse dormait encore profondément, il se leva et se rendit à la salle de bain sous le regard curieux du chien. Le bichon maltais attendrait que sa maîtresse se lève pour commencer à s’agiter. Elle était partie pour faire la grasse matinée. Le Commissaire déjeunerait donc seul avant de retrouver Mandolini qui devait le récupérer sur le parking de l'hôtel. Il avait le temps de se remémorer les éléments de l'enquête sous la douche.
Ce matin, il n’y avait pas de jus de betteraves. Le chef n’avait pas encore fait son marché. Apparemment, Madame avait laissé des instructions précises quand à la recette et c’était sûrement mieux ainsi. Un jus de légume mal fait, ça peut carrément être dégueulasse. Les pires jus demeurent sans conteste ceux achetés dans le commerce. En plus de la déception gustative, ils n’ont plus aucune valeur nutritive ou thérapeutique. La pasteurisation fait partie de lot d’idioties dont les fabricants sont friands. Il vaut mieux se faire plaisir avec un pain au chocolat ou une part de tarte que d’avaler ces saletés de jus industriels.
Ces considérations mises à part, l’heure tournait. Il était temps de rejoindre Mandolini. Ils devaient faire le point sur les avancées de l’enquête, entendre les témoins qui pouvaient l’être et si possible rencontrer le médico-légal qui forcément n’était pas à côté et ne serait pas très content de faire quatre autopsies d’un coup.
— On arrivera à tout faire ?
— La journée va être longue. Mais on va essayer.
— C’est vous le patron, Commissaire.
— J’ai toujours rêvé qu’on me dise ça.
Les deux hommes partirent d’un rire franc.
L’activité de la petite brigade de gendarmerie donnait l’impression d’une ruche.
— Ce n’est pas toujours comme ça, précisa Mandolini. Il y a plus de monde que d’habitude à cause de l’affaire.
Dans cette effervescence, la présence du Commissaire ne passa pas inaperçue. Hélène, une jolie blonde aux traits volontaires qui portait ses galons de gendarme de carrière depuis peu attira l’attention du Brigadier.
— C’est le Commissaire ? Il est beau ! Tu crois que je peux avoir un autographe ?
Photo couverture de Craig Whitehead sur Unsplash
Jean-Christophe Mojard il y a 2 jours
Je n'ai pu m'empêcher de sourire au passage des phoques et de la brume. J'adore ces clins d'œil dans les textes des uns et des autres.
Cela dit, bien au-delà de cette inclusion, c'est toujours un plaisir de retrouver le commissaire.