L'encre et le brouillard
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L'encre et le brouillard
Il y a une poignée de semaines, j’ai rencontré un homme qui m’a bouleversée de l’intérieur.
Un être croisé au détour de la toile tandis que je cherchais mon chemin à travers la nappe de brouillard qui m’encapuche souvent, quand mon âme se dévoile et s’expose.
Et, en lui, je me suis reconnue.
Ou en tout cas, j’ai reconnu cette Juliette que j’avais été autrefois.
Dans la gamme de toutes les synchronicités étranges qui, d’une certaine manière, m’ont liée à lui, il y avait tous ces endroits où nous avons vécu simultanément, sans jamais s’y croiser, ces gens que nous avons connus tous deux sans qu’ils nous aient présentés, le même lycée pour écorchés à quelques années de différence, en deux parcours relativement similaires, en des errances jumelles, jusqu’à ce que la vie nous aiguille sur deux routes opposées.
Il travaille dans le livre, je suis une plume parmi des centaines de milliers, nous sommes allés prendre un café.
Dans ses yeux, j’ai lu ma propre souffrance, mes propres échecs et certains de mes espoirs blessés. Il m’a attendrie.
Le temps s’est figé. J’ai enlacé mon encre à la sienne, pensant suivre le scénario qui m’était destiné et, un jour, sans que je ne comprenne réellement pourquoi, quelques fausses notes ont émaillé la douce mélopée qui semblait pourtant sonner si juste une seconde auparavant.
J’ai d’abord cru avoir mal entendu ces mots cassants, ces phrases blessantes, et j’ai tenté de chasser ce trouble pressentiment qui commençait à s'enraciner, crescendo.
J’ai cherché ses yeux, pour lire encore, tout ce qui avait de joli et de pur dans ces retrouvailles supposées de deux âmes qui se cherchaient depuis l’origine. Sans succès. Je n’ai vu que le reflet des fantômes de mon passé. Les images en juxtaposition de tous ces hommes sur lesquels j’ai écrit dans mes romans en cette démarche cathartique d’auto-guérison.
Quand il a senti son emprise se desserrer, il s’est mis en colère. Une ire froide, glaciale, culpabilisante.
J’ai décidé de siroter un autre crème, et puis un coca à la paille, pour me laisser le temps de regarder à l’intérieur de moi, pour tâcher de comprendre ce qu’il avait pu éveiller de sa voix pour m’emporter ainsi sur les sentiers escarpés qui m’ont toujours mise en danger et que je m’étais juré d’éviter, à tout jamais.
Je n’ai rien décelé. Je me suis sentie vide, presque trahie.
Par moi, en tout premier lieu, par cette naïveté maladive dont j’ai parfois tant de mal à me délester et par cet homme qui n’était déjà plus qu’un étranger.
En rentrant de l’ancien village de pêcheurs dans lequel nous nous étions abrités, assise dans sa voiture côté passager, j’ai tourné mon visage vers le sien, en douce, et l'ai observé. Mais je ne voyais, désormais, plus rien d’autre que les traits d'un croquemitaine du temps jadis.
Mon plexus s’est noué, ma gorge s’est serrée. J’ai claqué la portière sans me retourner, pour m’enfuir le plus loin possible, me mettre en sécurité et me blottir au creux de l’amour de mes humains préférés.
Puis, j’ai décidé d'incanter la lumière et de dénouer les liens tissés, un à un...
Délicatement mais fermement les détricoter, pour me sauver de ce triste Narcisse qui a sans doute cherché à mirer son sombre reflet à travers mes prunelles et, depuis, je panse les blessures infligées par la lame acérée d’une confiance offerte bien trop vite pour être choyée comme elle devrait.
Juliette
Juliette Norel il y a 2 mois
si le diable se cache dans les détails, celui-ci ne s'habille pourtant pas en Prada. Il me faudra faire plus attention à ma plume lorsqu'elle se dévoile ou que j'apprenne à courir encore plus vite avec mes baskets de Roxanne
Jean-Christophe Mojard il y a 2 mois
La plume pas forcément, c’est elle qui nous livre l’autrice qui la tient et qu’on aime à lire. Par contre, faites attention aux gens qui se disent les parchemins qui vont propager ses mots. Ceux-là rédigent leurs contrats à la même encre qui a servi à la rédaction de celui de Faust.
Jackie H il y a 2 mois
L'homme aux yeux d'orage ?...
Juliette Norel il y a 2 mois
hélas non.. l'homme dont je parle ici, porte le tonnerre et la foudre dans chacun de ses atomes... pas seulement au fond de ses prunelles
Jean-Christophe Mojard il y a 2 mois
Le diable est dans les détails, les tics, les habitudes. Ses sabots infernaux finissent toujours par trahir son envie de galoper, alors il ne tient jamais longtemps. Rompant le silence, il en vient vite à ruer. Or, plus il a feint, plus il lui faudra évacuer sa colère, la faire passer ; sur quelque chose ou quelqu’un.