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Chapitre 12 : le royaume de Séraphin (roman)

Chapitre 12 : le royaume de Séraphin (roman)

Publié le 17 mai 2021 Mis à jour le 22 mars 2022 Culture
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Chapitre 12 : le royaume de Séraphin (roman)

Aujourd’hui, j’ai rendez-vous au poste de pilotage du royaume pour une visite guidée de ce département ultra-secret d’où partent toutes les décisions de recrutement des humains. C’est d’ici que des personnes spécialement formées aux dernières technologies observent la vie sur Terre au travers de milliers d’écrans ultraperfectionnés. Tous les pays du monde sont représentés, avec chacun une pièce dédiée. Régulièrement, au sein de chaque département, des propositions de recrutement sont faites en fonction de l’urgence de la situation sur Terre, des places disponibles dans la geôle ou des besoins en main-d’œuvre dans les différents services du royaume.

Nous sommes nombreux à participer à cette visite guidée qui n’a lieu qu’une fois par an. Comme tous les chérubins, j’ai hâte de découvrir ce qui se cache derrière tous ses portillons sécurisés. Au fur et à mesure des portes franchies, le silence s’installe parmi nous. Nous prenons conscience de l’extrême importance de ce département. Nous sommes guidés au travers de couloirs réservés aux visiteurs et arrivons sur une passerelle de verre qui surplombe la salle de pilotage. Des vitres blindées nous séparent de cet univers. En bas, au travers des écrans de surveillance, nous observons l’activité sur la Terre. Chaque opérateur a devant lui deux boutons : un rouge et un vert. Il n’a que quelques secondes pour analyser la situation et faire son choix.

Autour de moi, plus aucun bruit ne se fait entendre. Tous les visiteurs retiennent leur souffle, subjugués. Il faut dire que les décisions qui se prennent ici relèvent de la plus haute importance. Quand quelqu’un est sur le point de mourir sur Terre, une alerte s’affiche sur un écran. Les responsables doivent alors décider si cette personne nous rejoint ou pas. En cas de choix difficile, c’est toujours Séraphin qui a le dernier mot. Notre guide nous explique que ce service aurait besoin d’être davantage automatisé pour répondre aux demandes, en particulier lorsqu’il y a des catastrophes naturelles ou des guerres qui entrainent un afflux important de personnes en un laps de temps réduit.

  • Chaque minute, cent neuf personnes meurent dans le monde. Vous comprenez bien qu’avec tous ces décès, ici on ne chôme pas. Au fur et à mesure des années qui défilent, nous devons accueillir de plus en plus de monde. C’est pour cette raison que les adolescents sont en train de travailler sur des intelligences artificielles, capables de superviser toutes ces opérations et de les automatiser.

Ces révélations ont piqué ma curiosité au vif. J’avais déjà bien envie d’aller rendre visite aux ados pour comprendre leur rôle sur Terre. Je trépigne désormais d’impatience en sachant qu’ils sont en train de révolutionner ce poste de pilotage d’une importance capitale au royaume.

Sur Terre, aujourd’hui, il fait beau comme un jour de printemps. Pourtant, nous sommes encore en hiver. Le soleil a brillé toute la journée de ce dimanche 14 mars 2021 et les températures ont fleurté avec les 20°C partout en France. Les marcheurs et les familles ont été nombreux à se prélasser dans les parcs lyonnais. Nous ne sommes pas encore au printemps mais quelques signes annonciateurs laissent présager qu’il sera bientôt là. Il y a quelques jours, nous avons pu apercevoir et entendre le retour de grues et d’oies sauvages dans le ciel moutonné.

Grâce à Thibaut, quelques perce-neige ont déjà pointé le bout de leur nez. La nature s’éveille lentement de sa sieste hivernale. Ce matin, les coureurs, eux aussi, ont profité d’une sortie dominicale le long du Rhône pour décompresser d’une semaine de travail stressante. Depuis le Pont Wilson, certains photographes amateurs ont pris quelques clichés du magnifique coucher de soleil clôturant cette belle journée. A ce moment, qui pourrait croire que quelque chose pourrait obscurcir ce beau tableau printanier ?

Malgré le beau temps, Elisa n’est pas sortie de son appartement aujourd’hui. Elle est passionnée de lecture et le dernier roman qu’elle lit la captive. Et puis surtout, elle ne veut plus voir personne après ce qui s’est passé. Elle ne s’est arrêtée de lire que pour manger et aller aux toilettes ou pour lire une histoire à son petit frère Hugo. Elle a quatorze ans et lui, dix de moins. Elle l’aime beaucoup. Il est très câlin et elle adore ces moments de complicité où il s’installe dans ses bras, son nounours serré contre lui et son pouce dans la bouche. Chaque soir, elle lui lit une histoire avant qu’il ne s’endorme et souvent, il en réclame d’autres dans la journée. Il la fait tellement craquer avec sa petite bouille et son regard charmeur qu’elle ne peut le lui refuser. Son petit frère, c’est son rayon de soleil dans une vie pas si rose que ça. Elle ne laisse pas trop transparaître sa douleur afin de protéger ses proches mais elle se fait constamment harceler : au lycée, sur les réseaux sociaux et parfois même dans la rue. Elle n’attire pas trop la sympathie et n’a pas beaucoup d’amis. Il en a toujours été ainsi. Elle y est habituée. Il y a toujours quelqu’un pour lui rappeler qu’elle est moche et qu’elle louche. Souvent, ses camarades de classe la traitent de bigleuse ou prennent un malin plaisir à loucher pour se moquer d’elle. Parfois même, on lui crache dessus dans la rue. Mais ce qui est le plus difficile à supporter pour elle, c’est la décharge de violence qu’elle reçoit sur les réseaux sociaux. Là, il n’y a pas de censure et tout est permis. Cachés derrière leurs écrans, les agresseurs se sentent invincibles et n’ont aucune limite.

Hier, des photos d’elle en sous-vêtements ont été diffusées sur le net et tous les jeunes du lycée les ont vues. Elisa en est d’autant plus affectée que c’est son ancienne meilleure amie, Alexia, qui l’a trahie. Elles avaient pourtant partagé de bons moments ensemble. Quand elle repense à cette journée shopping durant laquelle elles avaient réalisé le fameux shooting photo, elle en est d’autant plus frustrée. Elles avaient essayé la nouvelle lingerie qu’elles venaient d’acheter et s’étaient prises en photo avec leurs téléphones portables, juste pour s’amuser, en s’imaginant être des mannequins. Ces photos n’auraient jamais dû être publiées et elle en veut beaucoup à Alexia. Les deux filles ne se supportent plus depuis qu’elles sont au lycée. Alexia, elle aussi, fait désormais partie des personnes qui harcèlent Elisa. La semaine dernière, Elisa avait répliqué à une de ses remarques acerbes en lui arrachant le collier qu’elle avait autour du cou et Alexia avait promis de se venger. Mais bon, de là à diffuser ces photos ! Elle ne pourra jamais lui pardonner. Maintenant, il lui est impossible de retourner au lycée. Evidemment, elle ne le dira pas à ses parents. Elle a tout prévu : le lendemain, elle prendra un livre dans son sac d’école feignant d’aller au lycée, mais au lieu d’aller en cours, elle passera sa journée au parc, à lire sur un banc. Idem pour les jours suivants puisque la météo annonce du beau temps. Elle a écrit un message au lycée depuis l’adresse mail de ses parents pour les prévenir qu’elle est « cas contact Covid » et qu’elle doit donc s’isoler. Ainsi personne ne s’inquiétera de son absence avant plusieurs journées.

Alors qu’elle s’apprête à lire l’histoire à son petit frère, elle reçoit un SMS d’Alexia qui lui dit de la retrouver une demi-heure plus tard sur le pont Wilson. Elle veut lui rendre toutes ses affaires, a-t-elle précisé. Ça tombe bien car Elisa a bien envie de lui cracher tout le venin qu’elle a en elle, suite à la diffusion des photos. Oui, il faut qu’elles se voient loin des regards indiscrets et à vingt-deux heures, c’est parfait.

Elisa vient d’arriver à son rendez-vous, mais elle est loin de s’imaginer qu’elle va tomber dans un véritable get-apens digne d’un roman policier. Dès qu’elle aperçoit Alexia, elle court vers elle, prête à lui arracher les cheveux. Elle mérite bien ça après ce qu’elle lui a fait., mais avant même qu’elle n’atteigne sa cible, elle trébuche et se retrouve au sol. Alexia en profite alors pour la rouer de coups. Au milieu de cette pluie de violence, Elisa reçoit un coup de pied dans le nez. La douleur est insupportable. Elle entoure son nez de ses mains et le sang coule au travers. Mais son calvaire est loin d’être terminé car Alexia n’a aucunement l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Elisa tente de se redresser, mais un nouveau coup de pied, dans l’estomac cette fois, la cloue au sol, lui coupant instantanément la respiration. Alexia l’attrape alors par les cheveux et la traîne ainsi sur plusieurs mètres, râpant son dos sur le bitume. Ecorchée vive, Elisa émet un cri de douleur si bestial qu’on dirait un animal qu’on égorge et, dans un dernier espoir de se défaire de son étreinte, elle se retourne sur le ventre, déstabilisant ainsi sa rivale qui lâche prise. C’est à ce moment que son frère Steve, qui ne s’était pas encore montré jusque-là, sort de sa cachette pour prêter main forte à Alexia. Il jette un œil furtif autour de lui pour s’assurer qu’il n’y a pas de témoin. Rassuré par le calme, il sort une arme blanche de sa chaussette. Il faut en finir vite car, avec ses cris, Elisa risque d’attirer l’attention sur eux.

A la vue du couteau, cette dernière les supplie d’arrêter, mais ils semblent déterminés. Ils ne vont pas flancher si près du but. Plus vite ils en auront fini, plus vite ils pourront rentrer.

  • Nooooonnnnn !!!! crie-t-elle en tentant de fuir mais Steve la tient par le bras.

Un premier coup de couteau l’atteint au visage. Puis, un deuxième dans l’épaule. Elle se débat, mais plus elle crie, plus Steve s’acharne. Il faut la faire taire coûte que coûte. Il est en stress. Ça prend plus de temps que prévu. L’angoisse le gagne car quelqu’un pourrait les surprendre. Vite, il faut en finir. Les nombreux coups portés au hasard n’ont pas eu l’effet escompté, alors il lui en assène un nouveau en s’appliquant à viser son cœur. Cette fois-ci, les cris cessent instantanément, remplacés par un gémissement, un râle encore plus horrible à entendre. Il faut se débarrasser d’elle rapidement pour ne plus l’entendre. C’est insupportable.

  • Aide-moi ! On va la jeter par-dessus le pont ! crie-t-il en direction d’Alexia qui se bouche les oreilles.

La vue de son ancienne amie agonisant lui glace le sang. Elle commence à avoir la nausée, mais elle ne peut plus faire marche arrière maintenant. Elle aide donc Steve à la porter et ils se débarrassent de son corps qui s’écrase quelques mètres plus bas sur la berge. Le frère et la soeur prennent la fuite en s’assurant que personne ne les suit. Leurs vêtements sont tachés de sang.

Leur mère les surprend. Comme des enfants ayant commis une bêtise, ils la supplient de les couvrir. Ils ont l’air persuadé que leur maman ne peut pas les dénoncer. Faute avouée est à moitié pardonnée, comme dit le dicton ! Ils n’ont pas l’air de mesurer la gravité de leurs actes, mais elle ne peut pas les couvrir. Elle appelle la gendarmerie et s’effondre. Ce n’est pas une « bêtise », comme ils ont l’air de le penser. Il s’agit d’un crime, qui plus est, perpétré de sang-froid et peut-être même prémédité !

Le corps de la jeune Elisa est récupéré assez vite malgré l’obscurité de la nuit et les deux ados sont arrêtés dans la foulée. Les pompiers du royaume de Séraphin ont déjà pris en charge l’adolescente.

C’était presque le printemps. Ce n’étaient que des adolescents. Leurs vies se sont arrêtées là. Nous ne sommes pas dans un jeu vidéo ni dans un film policier. Ça s’est passé dans la vrai vie. Ce soir, le petit Hugo n’ira pas se lover dans les bras de sa grande sœur. Les jours suivants non plus. Il n’entendra plus jamais le son de cette voix si apaisante qui l’aidait à s’endormir. Plus jamais. C’était comme un jour de printemps mais ce jour-là, nous étions encore en hiver.

Demain, le réveil des Lyonnais et de tout un pays sera extrêmement douloureux. Tous les médias, de la presse écrite à la télévision en passant par les radios nationales, se feront les échos de ce terrible fait divers. Il sera même relayé par les réseaux sociaux soulevant l’indignation et l’incompréhension de tout un pays et même au-delà de ses frontières.

 

...suite au chapitre 13...

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