Chapitre 24
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Chapitre 24
Il est dix heures et je cours partout dans mon trop grand appartement. Rick va venir. Il doit arriver pour quatorze heures. Pourquoi j’ai proposé qu’il vienne aussi tôt ? Oui j’ai hâte de le revoir. Mais je dois ranger et passer un petit coup de chiffon. Prendre ma douche et choisir comment je m’habille. Il faut que je décide ce que je vais manger ce midi aussi. Surimi nage très vite ce matin. Est-ce qu’il calque mon rythme ? C’est vrai que je fais des allers retours dans le salon sans m’arrêter depuis déjà plus de dix minutes. Je prends les trois livres qu’il m’a donné et vais les poser sur ma table de nuit lorsque mon téléphone sonne. En voyant que c’est Aurélie, je décroche puis glisse le portable dans la poche de mon pyjama.
— Salut ma Louloute. N’as-tu rien oublié ?
— Je sais, j’ai oublié la pompe. Mais Rick est tellement gentil qu’il va venir me l’apporter. Et il va m’aider à changer l’eau de Surimi. Mais maintenant je suis affolée. Rien n’est rangé chez moi !
— C’est quoi cette image ? Ca fait des traits bizarres.
Je ressors le portable de ma poche et elle me fait un sourire en voyant ma tête.
— Ah ! Je te vois ça y est.
— Je suis en panique !
— Tu as oublié de m’appeler hier soir pour tout me raconter. C’est quoi cette histoire de pompe ?
— Rick m’avait mis une pompe de côté pour changer l’eau de l’aquarium. Et j’ai oublié de la prendre hier en partant. Alors il va me l’apporter.
— D’accord. Et sinon tu n’as rien à me raconter de plus passionnant ?
— Tu crois que je dois passer un coup d’aspirateur ? je continue sans écouter vraiment ce qu’elle me dit.
— Il a aimé Dory ?
Notre discussion n’a pas vraiment de sens, comme si nous échangions sur deux sujets complètement différents.
— On n’a pas regardé le monde de Dory.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Pas le temps, je résume en retournant dans le salon. Dis bonjour à Tata Lili.
L’écran plaqué contre l’aquarium, Aurélie salue mon p’tit chat qui nage toujours aussi vite.
— Attends, attends. Vous avez fait quoi ? m’interroge-t-elle avec des yeux brillants.
Je lui décris brièvement l’après-midi. Mon arrivée. Mon exaltation devant ses aquariums. Notre visionnage du monde de Némo. Le goûter avec ma succulente tarte. Puis nos discussions, autour des poissons et des livres. Je retourne dans la chambre et lui montre les trois livres qu’il m’a défié de lire. Sa proposition de regarder la planète bleue, un documentaire magnifique. Notre commande pour le dîner. Puis la suite de notre discussion.
— Et puis, nous en sommes arrivés à parler de Mickaël.
— Hein ? Qu’est-ce que cet abruti vient vous gêner pendant votre après-midi ciné-salon ?
— On a parlé de son ex et puis j’ai parlé de ma rupture. Et là…
Aurélie attend que je continue.
— Je me suis mise à pleurer comme une madeleine. Je t’assure, on se serait cru aux grandes eaux de Versailles. Un vrai spectacle.
— Oh non ma louloute…
— Alors Rick m’a consolé.
Elle ouvre les yeux plus grands et me demande tout de suite d’en dire plus.
— Il m’a un peu prise dans ses bras.
— Un peu ?
— Bon, il m’a prise dans ses bras. Et il m’a un peu serrée contre lui.
— Un peu ?
— Oui bon, il m’a serrée contre lui. Mais juste pour me consoler.
— Cet homme est quelqu’un de bien. Je l’aime déjà, s’excite Aurélie. Et donc il vient chez toi.
— Oui. Sauf que ce n’était pas prévu, alors mon intérieur est tout en désordre.
Aurélie a l’air dubitative, même à travers l’écran.
— Maniaque comme tu es, je doute que ce soit vraiment en désordre.
— Pourtant c’est vrai, il reste même un magazine sur ma table basse.
Elle lève les yeux en soupirant.
— C’est bien ce que je dis.
— Et je n’ai pas fait le ménage depuis longtemps. J’ai déjà ouvert toutes les fenêtres et fait mon lit.
— Bon début.
— Je dois encore faire les poussières.
— Sur les deux meubles qui occupent ton dupleix ?
— Mauvaise langue, j’en ai au moins six ! Sans compter mon lit et l’aquarium, ni la cuisine.
Après l’appel, je crois qu’Aurélie est aussi excitée que moi par la tournure que prend ma relation avec Rick. En supposant qu’on puisse appeler ça « une relation. »
Je termine de passer grossièrement un coup d’aspirateur dans toutes les pièces et me laisse tomber sur le canapé en soufflant.
— Je suis à deux doigts de faire une crise cardiaque, je dis en posant une main sur mon front.
Mes yeux se ferment quelques secondes et je sursaute quand mon portable sonne à nouveau. Une photo de mes parents s’affiche sur mon écran.
— Oui, je fais d’une voix exténuée.
— Coucou Bichette, c’est maman.
Je souris, chaque fois elle s’annonce comme si je ne savais pas que c’était elle.
— Ca va ? Tu as passé une bonne soirée avec mon futur gendre ? Avec ton père nous avons beaucoup parlé de vous hier soir.
— Maman, arrête de dire que c’est ton futur gendre. Et qu’est-ce que vous avez raconté sur nous ?
— Nous avons pensé que nous pourrions organiser votre mariage sur le thème des poissons. Ce serait romantique.
Oh la galère, je pense en fermant les yeux.
— Ne vous faites pas de films, je rétorque.
— Il a aimé le monde de Dory ? S’il n’a pas aimé, il devra rendre des comptes, se justifier et…
— Nous n’avons pas eu le temps de regarder les deux dvd, je l’interromps. Mais il est prévu que nous le regardions cette semaine.
— Oh, tu retournes chez lui ?
Je sens l’excitation dans sa voix. Au moins, que j’ai un nouvel ami dans ma vie fait plaisir à mes proches.
— En réalité c’est lui qui viendra chez moi, en plus il veut rencontrer Surimi.
— Oh !
— Enfin il va venir deux fois. Il devait me donner une pompe pour changer l’eau du bac et je l’ai oublié hier soir. Il vient cet après-midi et il va profiter pour m’aider à faire mon premier changement d’eau.
— Oh ! répète ma mère toujours en joie. Il va passer l’après-midi chez toi alors ?
— Peut-être pas tout l’après-midi. Il doit arriver à quatorze heures. J’ignore combien de temps le changement d’eau va demander.
J’arrive à raccrocher relativement facilement. Lorsque ma mère est lancée dans une conversation il est difficile de la couper. Surtout lorsqu’il est question de celui qu’elle considère comme son futur gendre…
En un temps record, j’ai réussi à prendre ma douche, choisir des jolis vêtements qui vont bien ensemble et même me faire cuire deux œufs sur le plat. Comme d’habitude je les ai oubliés, trop occupée à parler à mon poisson. Le blanc carbonisé a viré au noir et était dur comme de la semelle. J’ai vite lavé la vaisselle pour la ranger et libérer l’espace dans la cuisine. Dans le salon tout est rangé, même le magazine a disparu de la table basse pour finir sa vie dans ma poubelle jaune. Stressée, je vérifie l’heure à ma montre. Treize heures cinquante. Il ne devrait plus tarder.
— Tu es gentil avec tonton Rick, tu ne boudes pas en allant te cacher derrière le moulin. Il vient essentiellement te voir tu sais. Il vient prendre soin de toi, avec moi. C’est adorable, hein mon p’tit chat ? Alors tu lui fais des beaux yeux et tu nages bien pour qu’il voit comme tu es heureux. Sinon je te mets à la diète pendant une semaine, je menace en tendant l’index vers lui.
Pour cesser de tourner en rond, en attendant qu’il arrive je reprends ma lecture. Lorsque l’interphone sonne, je bondis du canapé, comme si des ressorts étaient posés sous mes fesses. Je pose le livre sur le buffet et ouvre la porte pour l’accueillir.
— Salut, je dis en le voyant. Tu n’as pas idée d’à quel point je suis désolée d’avoir oublié la pompe.
— Nous sommes deux à avoir oublier, me rappelle Rick en me faisant la bise. Et comme ça je vais rencontrer le grand Surimi 1er du nom.
— Oui. Mais entre, je t’en prie.
Il fait quelques pas et je remarque tout de suite ses yeux qui constatent la dimension de mon appartement.
— Waw, jolie maison.
— N’est-ce pas. Une folie de mes parents. Enfin bref…
— Et surtout, très beaux chaussons.
Je baisse les yeux vers mes pieds et relève la tête en souriant.
— Lolo à gauche et Lola à droite, j’ironise en bougeant mes chaussons.
— Je peux garder mes chaussures où tu préfères que je les retire ?
Sa question me prend de cours. A-t-il remarqué que j’avais retiré les miennes chez lui ?
— Comme tu veux. Du moment que tu es à l’aise ça me va.
Il les retire alors que j’avance déjà dans le salon en serrant mes mains. Il va rencontrer Surimi. Présenter mon poisson me fait un effet étonnant. Mise à part Aurélie, personne ne l’a vu en vrai. Ce sont des présentations officielles. Et savoir que sans mon poisson, je n’aurais jamais connu Rick et qu’il ne serait pas en train de laisser ses chaussures devant ma porte me rend toute chose.
— Ca y est, c’est le moment de rencontrer ton grand requin, s’amuse mon invité.
Comme pour le mettre à l’honneur, je tends les deux bras vers l’aquarium pour le présenter.
— Monsieur Surimi 1er.
Rick sourit et se rapproche de la vitre. Il glisse son index dessus et Surimi lui fait le plaisir de le suivre.
— Il est bien éduqué, remarque Rick.
— Je le dresse à la baguette, dis-je en relevant fièrement le menton. Les menaces d’en faire un croustibat’ le forcent à être obéissant.
— Tu es une humaine tyrannique.
— Il faut savoir se faire respecter, j’ironise en croisant les bras d’un air sérieux.
A peine a-t-il posé sa veste, qu’il remonte les manches de sa chemise.
— Première chose, avant tout. Tu débranches ton aquarium.
— Ah ? Très bien, je réponds en appuyant sur l’interrupteur de la multiprise.
— Je t’ai apporté des bandelettes pour tester l’eau. C’est un petit peu moins fiable que les kits individuels, mais ça te donne un aperçu global de la qualité de ton eau.
Il récupère de l’eau dans la petite éprouvette et sort une bandelette d’une petite boîte. Il la trempe quelques secondes dans l’eau et la pose sur le couvercle.
— Il n’y a plus qu’à attendre deux minutes.
— Et avec cette bande je saurais comment est l’eau ? Je n’ai rien d’autre à faire ?
— L’idéal c’est de faire un test par semaine avec les kits et les autres jours tu peux simplement utiliser les bandelettes. C’est juste afin de surveiller les taux, vu que ton bac n’est pas en eau depuis longtemps.
— Entendu. Je vais acheter des bandelettes.
— Mais non, je t’en laisse. En plus j’ai encore une boite chez moi. Et j’en utilise assez peu. Donc garde celles-ci.
Je le remercie, touché par ce nouveau cadeau. Il sort la pompe et j’apporte le seau flambant neuf.
— La pompe c’est l’outil indispensable, qui change la vie de tous les aquariophiles.
Il plonge l’embout dans l’eau et presse la pompe jusqu’à ce que de l’eau se vide dans le seau.
— Tu passes l’embout sur tes graviers, pour aspirer en même temps les saletés qui stagnent. Et ça va aussi dépolluer ton eau. Et bien-sûr tu évites d’aspirer ton poisson…
Effectivement, Surimi semble très intéressé et tourne autour de la pompe avec frénésie.
— On te fait une belle maison toute propre bébé chou, je lui explique en le voyant aller dans tous les sens.
Rick aspire l’eau et je le regardant faire, en surveillant le seau qui se rempli.
— Et je dois nettoyer le filtre, dans cette eau-là.
— Exactement. Je te laisse faire.
A mon tour je remonte les manches de mon chemisier et saisis la ouate à pleines mains. Je la trempe dans le seau et la frotte doucement pour en retirer les saletés.
— N’insiste pas trop. Il ne faut pas qu’elle soit totalement propre.
— Comme ça c’est suffisant ?
Il acquiesce et sort la pompe de l’eau avant que le seau déborde. J’essore la ouate et la garde dans les mains sans savoir quoi en faire.
— Je vais aller vider le seau.
— La cuisine est juste à côté. Sinon les toilettes sont à l’étage…
Le seau vidé, il repompe pour aspirer l’eau et continuer de vider et nettoyer le bac. Je prends une des éponges et la rince elle aussi dans le seau en même temps qu’il se rempli.
— Et ça, je devrais le faire chaque semaine.
— C’est ça. Ne rince pas la deuxième éponge, tu le feras la semaine prochaine. Mieux vaut ne pas rincer tous les éléments du filtre à la fois.
— D’accord et…
L’interphone sonne. Rick me regarde et je n’arrive pas à cacher mon étonnement. Puis une pensée me vient, alors que j’ai les mains dans le seau. Mickaël n’oserait pas revenir et sonner à mon interphone quand même ? Un dimanche en plus. Non. Ce doit être une erreur.
— Tu ne réponds pas ? me questionne Rick.
— Humm… Je n’attends personne.
Je presse l’éponge et la ressort de l’eau quand ça sonne une deuxième fois.
— C’est peut-être important. Et tu as le droit d’avoir de la visite. C’est moi qui me suis incrusté.
A la troisième sonnerie, je me redresse pour aller jusqu’à la porte. Et tout en abaissant la poignée, je me promets que si c’est Mickaël je l’étouffe avec l’éponge que j’ai toujours en main.