Réponses et Retours (12) - H. RAYON - c - Poésie 02-1992 réécriture 2019-2021
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Réponses et Retours (12) - H. RAYON - c - Poésie 02-1992 réécriture 2019-2021
H. RAYON - c
Etrangement, derrière elle, le dessin qu’elle avait posé sur la commode se réfléchissait sur une des facettes du miroir où son corps se mirait.
On eût dit que la forme plaquée sur la trame grenelée de la feuille s'échappait ou, du moins, le désirait encore... et quelle se plaquait dans le même temps sur la surface réfléchissante du miroir, dédoublant à l'infini son image reflétée.
Et la feuille -tout comme elle-
Tremblait prise
-Comme elle-
Envahie
Par un frisson douloureux.
Les traces de la silhouette dessinée s’éparpillaient
Echappant au carcan de la feuille
Elles se disséminaient tout autour
Près de l’encrier où débordait l’encre violette
Qui pareille à une vague
Ondulait prête à s’affaler
Sur les rebords transparents
Elle avait les bras écartés, en croix...
La femme dessinée.
Tout comme elle...
Dans un temps antérieur à celui-ci.
Son ventre apparaissait maintenant
Dans toute sa nudité blafarde
Rond, bombé et tendu
Comme s'il avait enfermé
En son sein
En cet antre souple
Une boule de vie...
Le nombril au creux de celui-ci
Semblait s’être recroquevillé
Pareil à un petit escargot
Rentré dans sa coquille
Au milieu de ces ombres
Qui l’avait assailli.
Elle observait
Ce dessin
Cette feuille immobile
Qui se trouvait parcourue
Par de légères ridules
D’infimes frémissements.
Elle semblait mimer ce que l’image même révélait.
Tout son corps répliquait la pose
Jambes écartées
Qui posaient
Comme une offense
De par la nudité trouble
Que celles-ci faisaient surgir.
La main se rapprochait et lissait
Chaque pli de la peau retroussée sur elle-même
Sa cambrure
Sur le dessin et dans la chambre
Même ensemble répliqué
Semblait exagérément accentuée
Jusqu’à prolonger
La courbe souple de son dos
Dans cette tension exacerbée…
A peine l’occasion d’une pause
Le corps contournait le miroir
Comme si ici elle désirait se dérober
Effacer sa propre image
Et maintenir aussi vivace que possible
L’autre silhouette qui continuait
A l’envelopper
Dans ces rêves qu’elle maintenait
A la surface de son sommeil.
Un souffle froid
Une respiration saccadée
Comme un tremblement
Le bord de ses lèvres se refroidit soudainement
Et sa langue repassa sur la pulpe humide
Afin de réchauffer sa bouche solitaire
Qui embrassait l’air glacé.
Une tentative sitôt entamée sitôt avortée
L’espace où son corps transi se posait
N’abritait rien d’autre qu’elle-même
Confinée dans cette chambre étroite
Avec comme seule trace d’elle
Ce dessin qui posé sur le rebord de la commode
Sous l’appel d’air qui s’était engouffré avec brutalité dans toute la pièce
S’était d’un coup retourné.
Et sur la feuille qui gisait
Ombrée et transparente
Apparaissait le fantôme de la silhouette dessinée
Sur laquelle subitement
Elle eut voulu déposer
Comme pour sceller un quelconque pacte
Le sceau de son baiser
Qu’elle aurait alors apposé
Laissant vibrer ses lèvres sur le papier
Rêche afin d’y inscrire indélébile
L’empreinte de son rouge à lèvre sombre.
Un susurrement
Un sifflement à peine expulsé
Ses lèvres sont sèches
A côté d’elle
Les voilages des rideaux faséyaient
Une accalmie soudaine
La flamme d’une bougie éclaira la pièce
Ajourant l’espace et rassemblant
Tout autour de la pièce
En de multiples rayons
Une lumière en demi-teinte
Qui assouplissait toute la rudesse
De son corps et qui arrondissait
Ses angles et ses contours.
Un autre monde pouvait peut-être se découvrir
Celui-ci plus enchanteur.
Une accalmie pouvait naitre…
Mais même impalpable encore
La tension impitoyable rodait
Derrière les murs
Où l’échiquier avec tous ses pions retournés
Gisait
Et d’autres images en attente
A venir s’y tapissaient.