Bonjour à tous, 

Lorsqu'on a la chance de rencontrer un auteur comme Cyrille Legendre, il est difficile de ne pas sauter sur l'occasion ! Voilà comment, samedi dernier, je me suis retrouvée avec plusieurs autres écrivants à une masterclass dirigée par Cyrille. 

Durant une journée, il a partagé avec nous ses méthodes de travail et sa vision de l'écriture. Un exposé riche en informations, mais très clair grâce au scénario qu'il nous avait fourni. Ce fut un moment passionnant animé de discussions très intéressantes. Surtout si l'on considère que notre processus de création est diamétralement opposé.

Il est très carré, très organisé. En amont, il prend le temps de définir la structure même de son histoire en trois points : l'exposition, la confrontation et enfin le dénouement. Il pose les prémisses de son scénario pour ensuite laisser place à la magie de la créativité. 

De mon côté, je préfère laisser la partie inconsciente de mon cerveau prendre le contrôle. J'écris comme je lis : je ne connais aucunement la fin du chapitre et encore moins celle de l'histoire avant de l'avoir posée sur le papier (ou l'écran). Derrière mon clavier, je suis dans un état de transe. Je vis l'histoire de mes personnages à travers les mots qui s'affichent au fur et à mesure. 

Autant vous dire, que lorsque nous sommes passés aux exercices de l'après-midi, je ne faisais pas la maligne ! Réfléchir avant d'agir a toujours été difficile pour moi... alors réfléchir avant d'écrire était un véritable challenge. 

Cyrille nous a confié le passé de l'un de ses personnages : l'enquêteur en charge de l'affaire. Bien que ce ne soit pas le héros de son histoire, il n'en est pas moins important. La complexité de ce premier exercice était de s'approprier suffisamment le personnage pour imaginer l'épreuve (mort de son meilleur ami) qui avait fait basculer sa vie. Rien que ça ! Le tout en 30 minutes...

Je vous vois venir : oui, j'aime les contraintes. Elles sont stimulantes. Mais tout de même ! La peur de ne pas être à la hauteur, vous connaissez ?

Mais je dois vous avouer que je me suis amusée sur cet exercice. 

Voici le résultat : 

20 heures. Les basses résonnent sur fond de grillons. L'air est lourd. Chargé d'humidité et d'électricité. Ce soir, la famille B. est à l'honneur. Ce soir, Stephen est au centre de l'agitation. Ce soir, il va devoir prouver qu'il a sa place dans les courses de rue.

L'ambiance est chaude. Les filles aussi. La musique sonne au rythme du vrombissement des moteurs. Le rhum coule à flots et les joints circulent. Stephen se sent bien. Il se sent vivant.

Tout le monde a envahi le parking de Madinina plage. Les festivités ont enfin commencé. Stephen est sur un petit nuage. Le stress et les doutes ont disparu plus tôt dans la soirée. Son meilleur ami, Fred, y a veillé. Tout est prêt. Tout est parfait.

Jusqu'à ce cri. Un cri inhumain. Un cri qui vous glace le sang.

Derrière les barrières en bois, sur la route, une bagarre. Des membres du gang du Lamentin. Ils n'ont pas apprécié le dernier coup. Celui signé Stephen et Fred pour montrer leur courage et leur dévotion à la bande.

Comme tout le monde ici, ils sont armés. Des crans d'arrêt dans les chaussettes. Des coutelas dans l'élastique de survêt. Il n'y a pas de place pour l'erreur. Il faut frapper vite et fort. Frapper avant l'autre ou dire adieu à la vie.

Les sirènes retentissent. Les lumières bleues jouent avec les ombres de la rue. Un brouhaha de hurlements et pleurs appelle à la fuite, mais rien ne semble perturber Stephen. Assis sur le bitume, il tient dans ses bras le corps sans vie de Fred. Un coup fatal à la carotide. À l'endroit même où il s'était fait tatouer une rose pour sa sœur décédée.

L'odeur métallique envahit l'atmosphère. Son tee-shirt colle son torse, rouge sang. Celui de son ami. Celui de son frère. La chaleur l'entoure, l'enveloppe et pourtant, il tremble.

Fixant les yeux vides de Fred, il prie pour les voir à nouveau briller. Scintiller de cette espièglerie qui le caractérisait. En vain. À la place, ce sont de sombres souvenirs qui le percutent. Ceux d'un enfant démuni devant la cruauté de la vie. Fred n'est pas le premier à mourir devant lui. Depuis ses 5 ans, son quotidien est peuplé de fantômes. Des victimes de la rue. Des anonymes pour tous ces blancs. Des fils. Des frères. Des pères... tous partis trop jeunes. Trop tôt. Pour une erreur. Pour une vengeance.

Le cœur de Stephen s'emballe. Face à toutes ces injustices, il explose.

En embrassant le front de Fred, il lui fait une promesse : ta mort ne sera pas vaine.

Texte de L. S. Martins

Image de 742680 disponible sur Pixabay : Tableau Récit Bloguer - Photo gratuite sur Pixabay - Pixabay