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Août - 4

Août - 4

Publié le 29 août 2023 Mis à jour le 29 août 2023 Culture
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Août - 4

Le lendemain matin, point de chant du muezzin au réveil. A Istanbul, lorsqu'il y avait passé quelques jours avec Myra – une relation intense et brève, douze années plus tôt – il avait été surpris par la prégnance des appels à la prière dans la vie de la cité. Il se remémorait les courses précipitées de certains hommes vers la mosquée la plus proche lorsque le chant du muezzin retentissait en début de soirée. Cette précipitation l'avait amusée à l'époque. C'était la fin de la présidence d'Ahmet Sezer en Turquie, juste avant l'arrivée des conservateurs musulmans à la tête du pays. Isidore n'avait pas eu l'occasion d'y retourner. Cependant, son voyage au Liban trouvait une résonance avec l'ambiance turque, y compris par certains aspects du paysage. Ce matin, la brume sur la baie face à Beyrouth montait jusqu'à Araya. Bientôt Bsous et Bremrine seraient absorbées à leur tour. Aley comme d'habitude sera épargnée.

Vers neuf heures, Isidore quitta l'hôtel et armé d'un plan qu'il avait imprimé à Paris, suivit le tracé jusqu'à la maison d'Amal. Du moins, c'était la dernière adresse connue qu'il avait et il était possible que plus personne de la famille Tannoukhi n'y vive. C'était un curieux sentiment qui l'animait. Tant qu'il avait cru Amal en vie, il n'avait pas osé venir jusqu'ici et maintenant qu'elle était décédée, il débarquait à l'improviste. Un fou n'aurait pas agi autrement. Et pourtant, il trouvait normal, nécessaire plutôt, de faire ce déplacement. Sa fille n'était-elle pas quelque part ici ? Il lui fallait la voir. Car, plus il s'était fait à l'idée de la mort d'Amal, plus le visage de Rosa s'était incrusté dans sa mémoire et revenait le hanter. Un visage calme et dont il n'était plus sûr des contours. Un visage de jeune fille qu'il n'avait pas reconnue. Même s'il n'avait pas dans l'idée de l'enlever ou de l'adopter, il tenait à la revoir. La lettre d'Amal était destinée à Rosa : elle souhaitait que leur fille sache la vérité. Hicham Hakim en avait décidé autrement et c'était injuste. Voilà ce à quoi pensait Isidore ce matin-là en marchant vers la maison de la famille Tannoukhi, qui se dressait vers le haut de la ville. Il faisait déjà chaud et le soleil ne pardonnait pas. L'ombre des hauts immeubles ne rafraîchissait pas le trajet. Après près de deux kilomètres de déambulation, il finit par trouver la bonne rue et le bon numéro. Tout était écrit en arabe et il avait été un peu dérouté. Mais il était maintenant face à un portail sans sonnette. Derrière le mur, il distingait le sommet d'un olivier et une façade de maison tyique des lieux. Ce n'était pas une belle maison cossue. Ce n'était pas une maison traditionnelle. Non, il s'agit d'une maison moderne, datant sans doute de la fin de la guerre du Liban, comme toutes les maisons de cet ensemble. Il toqua au portail avec force. Trois coups. Une voix l'interpella, une voix de vieille femme : « Salam aleikum, madha tarid ? » Evidemment, il aurait été étonnant que la personne lui disent en français, « Bienvenu mon ami, entre donc ». Il risqua un « Heu… Bonjour madame... » qui créa un peu d'agitation derrière le portail. Il entendit une porte s'ouvrir au cliquettement des verrous levés. Puis la même voix de femme appelait quelqu'un à l'intérieur de la maison tout en s'approchant du portail. Isidore eut un peu peur. Personne dans la rue, pas même un bruit ne sortait des habitations alentours. Le trafic routier s'entendait parfaitement bien au bout de la rue mais là, dans ce quartier, c'était fichtrement calme. Enfin, le portail s'ouvrit et une femme en noir, coiffée d'un voile blanc, apparut. « Salam monsieur. Vous cherchez quelqu'un ? »

Âgée de soixante dix ans, au moins, la vieille parlait avec un très fort accent arabe. Elle n'avait pas l'air spécialement hostile. Isidore lui sourit et demanda simplement s'il était bien dans la maison de la famille Tannoukhi. La vieille prit un air suspicieux mais acquiesça. C'est alors qu'Isidore entendit quelqu'un descendre les escaliers et venir vers eux. Elle s'annonça en arabe en des termes incompréhensibles pour Isidore. C'était une femme. Cela ne faisait aucun doute. Isidore regardait fixement la silhouette s'avancer dans le couloir sombre. Il ne voyait plus la vieille femme et toute son attention était tendue vers celle qui dans une démarche chaloupée et vive venait à sa hauteur. C'était Amal. C'était elle ! Son coeur bondit dans sa poitrine. Il fit un pas en avant et la femme apparut alors dans le jardin, sous le soleil blanc éclatant de ce matin. Les deux se figèrent. Au milieu, la mère sentit bien que quelque chose se passait et recula. Elle regarda Isidore dont les yeux brusquement rougis laissaient transparaître toute l'émotion du monde. Elle se tourna vers sa fille et trouva le même regard. Ou bien le pollen était particulièrement agressif à cette heure, ou bien ces deux-là avaient beaucoup à dire. Elle décida de prendre les devants et d'engueuler sa fille, en arabe et avec des gestes. C'était de pure forme. La femme esquissa un sourire et sans tenir compte des propos de sa mère s'adressa à l'homme resté sur le seuil du portail.

« Isidore, c'est bien toi ? Rentre, rentre donc, ne reste pas planté dehors. »

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