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Juin - 6

Juin - 6

Publié le 15 août 2023 Mis à jour le 15 août 2023 Culture
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Juin - 6

« Face à cet échec, alors que le pays s’enfonçait jour après jour dans le chaos, le jeune Tannoukhi se sentit coupable et pensa que sa médiation avait été la source des problèmes du Liban. Il refusa à l’avenir de prendre part à la vie politique de la communauté et tenta de se rapprocher du modèle parfait des druzes : devenir un ascète, un cheikh bleu, comme son père avant lui. Hélas, il n’eut pas cette chance non plus. Comme il n’avait eu que deux filles de son mariage, c’était pour lui le signe que l’heure des Tannoukhi était venue. Après lui, il n’y aurait plus de médiateur entre les deux puissantes familles. La légende raconte qu’il décida de briser les précieux cèdres et de les jeter au fond de cinq puits des vallées du Mont Liban en interdisant à quiconque de vouloir le restaurer. Ce bijou est maudit, il n’a provoqué que la ruine !, disait-il.

- Ha ha, il s’agit d’une rumeur bien romantique...

- C’est ce qui en fait son charme. Le pauvre Djalil aurait tout à fait pu agir ainsi. Sa vie a été romanesque malgré lui. »

Hicham Hakim plongea profondément son regard dans les yeux d’Isidore comme s’il voulait sonder son âme. C’était la deuxième fois qu’Isidore se sentit mal à l’aise avec son hôte. Ce ne fut qu’une impression fugace cependant. Hakim reprit dans un sourire malicieux :

« Je peux vous avouer quelque chose ? Je n’ai pas honte de vous raconter ma naïveté de jeune druze pétri des traditions de son village. Lorsque j’étais adolescent, avec des amis de mon âge, des druzes, des sunnites, des maronites, on ne faisait pas toujours la différence dans les montagnes, nous avons parcouru les vallées, traversé les villages et sondé les puits de tout le Chouf pour retrouver un morceau au moins de ce trésor perdu ! Cela ne faisait aucun doute qu’il était là, quelque part, autour de nous ! Nous essayions bien parfois d’interroger le vieux cheikh, mais il refusait de répondre, bien entendu, ou plutôt il répondait des paroles pleines de sagesse. Que cela nous agaçait ! Enfin, nous étions adolescents, et la guerre au début des années 80 atteignait des niveaux d’atrocité qui frappèrent ma mémoire pour toujours. Alors, ce trésor voyez-vous c’était un peu comme un rêve qu’on poursuivait, comme s’il avait un pouvoir d’arrêter tout ça, je ne sais pas ce que nous espérions vraiment. En tout cas, lorsque je retourne à Aley, ce qui est devenu rare, je passe devant la khalwa, et je ne peux m’empêcher de me souvenir de cette époque, du jeune Tannoukhi, du grand Kamal Junblat, et du vieux prince Majid Arslan, et de mes camarades de quête, Ahmet, Toufik, Maroun… Vous n’êtes jamais allé au Liban, vous ne pouvez qu’imaginer les montagnes du Chouf, leur raideur, la beauté de leur verticalité, les cèdres qui s’élèvent vers le ciel, la couleur de la roche, du sol et du ciel. Toutes les couleurs me semblent plus vives dans mes montagnes perdues ! Je sais que cela fait cliché, monsieur Valois. C’est seulement de la nostalgie… Aujourd’hui Aley est une ville touristique et moderne. Ce sont les souvenirs qui maintiennent sa beauté vivace. »

Isidore avait fini son panaché. Il comprenait ce que signifiait une « ville touristique et moderne » : bétonné, glacée, sans âme, restaurée sans goût, avec les facilités qui convenaient à un flux mesuré de touristes. Sans jamais avoir mis les pieds au Liban et encore moins à Aley, il en sentait l’ambiance et avec une pointe d’amertume ; il regretta de n’y être pas allé lorsqu’il en avait eu la possibilité. Aujourd’hui, il avait mis vingt ans entre lui et le Levant. Tout ce folklore qui surgissait en la présence de Hicham Hakim ne durerait pas bien longtemps dans son esprit.

« Il va être l’heure, monsieur Hakim. Peut-être faudrait-il y aller maintenant…

- Vous avez raison. Je vous suis, monsieur Valois. »

Ils se levèrent et prirent la route du ministère où les secrétaires généraux devaient les attendre. Un portable vibra. Hakim vérifia le sien. Il sourit en lisant un message qu’il venait de recevoir. « Ne nous pressons pas trop. Michel me dit qu’ils sont en retard de quelques minutes... »

Il répondit très rapidement puis rangea son téléphone.

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