L'enfant de Rosporden - chapitre 1/6
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
L'enfant de Rosporden - chapitre 1/6
Une nouvelle publiée dans le recueil "Adagio Affetuoso"
Chapitre 1
Il n’y avait pas grand monde au départ de Quimper. Nous n’étions qu’en juin et les touristes étaient encore rares. Le TGV Quimper-Paris de 16h17 était donc presque vide et Marc s’était installé confortablement en étalant ses affaires sur le siège voisin. Il tournait le dos au sens de la marche ainsi qu’à la porte d’entrée de la voiture 18. A sa droite, de l’autre côté de l’allée centrale, les sièges étaient vides. Le TGV s’ébranla et Marc plongea le nez dans son roman policier. C’est seulement à Rosporden, quelques minutes plus tard, qu’une certaine animation se fit sentir. Sur le quai, attendait une trentaine d’enfants criant et remuant, plus ou moins encadrés par des accompagnateurs. Alors que Marc invoquait on ne sait quel Dieu pour que ces enfants ne viennent pas envahir sa voiture et réduire à néant son désir de tranquillité, la porte dans son dos s’ouvrit brusquement et sept ou huit enfants pénétrèrent dans l’allée tout excités. Puis il entendit un cri :
« Non, pas par là ! On est dans la voiture 17. Ici c’est la 18 ! ».
Une petite fille reprit le message en criant et en enjoignant ses camarades à rebrousser chemin vers le sas d’entrée « C’est par là, c’est l’autre voiture ! ». Marc se sentit extrêmement soulagé. Le calme tant désiré était enfin revenu et il pensa qu’il avait eu chaud. Quelques autres personnes, plutôt âgées, une dizaine tout au plus, étaient montées dans la voiture 18 et commençaient à s’installer calmement. Marc était bien rassuré, cette fois, et il pensa qu’il allait pouvoir somnoler à sa guise au moins jusqu’à Rennes.
Alors que le TGV démarrait à nouveau, la porte du sas fit entendre son chuintement caractéristique. Deux jeunes femmes entrèrent : une très jeune, enceinte, suivie d’une autre plus âgée portant un bébé dans ses bras. La jeune femme enceinte vint s’asseoir de l’autre côté de l’allée, au même rang que celui de Marc. La femme au bébé, après avoir vérifié le numéro de siège porté par son ticket, s’installa juste derrière elle. Marc eut à nouveau un mouvement d’humeur. Après avoir échappé par miracle à la troupe d’enfants chahuteurs, allait-il devoir subir maintenant les cris et les pleurs d’un bébé ? Quoique, pour le moment, ce bébé semblait plutôt calme et son gazouillis n’avait rien de perturbant, au contraire. La toute jeune femme assise à son niveau était très blonde, un peu ronde (mais n’était-ce pas l’effet de sa maternité bien avancée). Elle était vêtue d’un pantalon noir bouffant, de baskets noires, d’un t-shirt anthracite portant des dessins gris dans le style graffiti, qui faisaient ressortir la rondeur de son ventre. Marc ne pouvait pas bien voir la mère et son enfant qui étaient situés juste derrière elle. Mais, en jetant un rapide coup d’œil, il l’avait trouvée plutôt quelconque. Ou bien était-ce son air triste qui lui inspirait ce jugement. En revanche, sa proche voisine lui paraissait très jolie. Bien que la direction de son regard portât devant lui, toute son attention était sur sa droite et il suivait chacun des gestes de la jeune femme. En penchant discrètement la tête, il s’aperçut qu’elle ne portait pas d’alliance malgré sa maternité. Elle devait être très jeune car elle conservait certaines postures enfantines.
Le train parcourait à une relative faible allure la jolie campagne bretonne où toutes les nuances de vert semblaient s’être donné rendez-vous sous un ciel gris sombre entrecoupé d’éclaircies qui, par contraste, étaient éblouissantes. Le TGV s’arrêta à Auray où se pressait une bonne cinquantaine de voyageurs sur le quai. Quelques secondes avant que le train ne s’immobilisât, la maman du bébé se leva brusquement, son enfant dans les bras, et s’adressa à la jeune femme blonde enceinte qui siégeait devant elle :
« Vous pouvez me le garder quelques instants ? » tout en lui tendant le bébé sans même attendre une réponse.
Crédit photo : Jean-Marie Gandois