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Frankenstein (James Whale, 1931)

Frankenstein (James Whale, 1931)

Publicado el 10, feb., 2021 Actualizado 10, feb., 2021 Cultura
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Frankenstein (James Whale, 1931)

Le mythe du savant fou est aussi ancien que la civilisation occidentale elle-même puisqu'il remonte à Prométhée et que le titre du livre de Mary Shelley est justement "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Incarnation du désir de toute-puissance, il veut construire une tour qui atteigne les cieux, il veut créer la vie et s'affranchir de la mort, en bref il veut s'approprier les prérogatives divines. Et ce sont les révolutions scientifiques et techniques (dont celle que représente le cinéma lui-même!) qui vont lui donner les moyens sinon de réaliser ses ambitions, du moins de s'en rapprocher. Avec à chaque fois, de terribles retours de bâton. A la punition divine de l'antiquité vont se substituer progressivement les catastrophes provoquées par la "science sans conscience". Même si la vision du scientifique dans les films dont s'est inspiré Whale (à commencer par le "Metropolis" de Fritz Lang) ressemble à s'y méprendre à celle du sorcier du moyen-âge avec ses étranges instruments et ses alambics fumants.

Le film de James Whale n'est ni la première adaptation cinématographique du roman de Mary Shelley (il y a eu au moins deux versions muettes sorties respectivement en 1910 et 1915) ni le premier film parlant avec des monstres (Dracula de Tod Browning est sorti quelques mois auparavant). Mais il a frappé l'imaginaire collectif parce qu'il a su aller à l'essentiel tant sur le plan esthétique que sur le plan narratif.

Un des aspects les plus fascinants du film est sa construction tout en verticalité tordue (à l'image de Fritz, l'assistant bossu de Frankenstein). Cela dit tout de l'état d'esprit du docteur. Celui-ci est souvent confondu avec sa créature et cela se justifie particulièrement ici tant il cumule les tares. A sa mégalomanie il faut ajouter l'inconscience et l'irresponsabilité. Il implante sur sa créature un cerveau qu'il sait appartenir à un criminel ("ce ne sont que des tissus morts") puis déçu du résultat, il l'abandonne à son sort comme un enfant capricieux abandonne son jouet cassé pour aller s'amuser ailleurs. Il ne se préoccupe même pas des dégâts que sa créature pourrait causer. A aucun moment il ne se remet en question.

Les catastrophes provoquées par ce scientifique dévoyé, ce sont les meurtres qui jalonnent le parcours du monstre lequel n'est que le reflet de celui qui l'a créé et qui forment autant de trouées mortifères dans le flux de la vie. La séquence la plus extraordinaire à cet égard est celle de la marche du père tenant sa fille morte dans les bras, figeant peu à peu les mouvements de liesse du mariage. En dépit de l'atavisme de son cerveau, son comportement meurtrier semble bien davantage lié à la violence qui lui est faite et à son manque d'éducation. Tel un enfant abandonné, il n'a aucun repère, aucune notion de bien et de mal. Et ce d'autant plus qu'il n'a connu que le rejet et la brutalité. Il agit de façon instinctive et innocente et se retrouve démuni, dépassé par son propre comportement comme lorsqu'il noie Maria en voulant jouer avec elle. Boris Karloff fait une composition extraordinaire en combinant l'horreur que l'apparence et les actes de son personnage inspirent et la compassion profonde que l'on ressent devant son humanité en souffrance. 

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