Frances Ha (Noah Braumbach, 2012)
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Frances Ha (Noah Braumbach, 2012)
Incasable. C'est le mot qui revient de façon récurrente à propos de cet électron libre qu'est Frances "Ha" (seule syllabe qui entre dans les cases justement!) dont l'errance dans un New-York filmé en noir et blanc ainsi que la névrose rappelle fortement Woody Allen. "Manhattan" pour l'esthétique, "Hannah et ses soeurs" pour le personnage de paumée sentimentale et professionnelle interprété par Diane West. Mais l'influence de la Nouvelle Vague est également très présente*. Celle de Jean-Luc Godard dans la manière de filmer la jeunesse en liberté mais aussi dans le look des personnages (la manière dont Adam Driver porte le chapeau fait penser à Jean-Paul Belmondo). Celle également de Eric Rohmer, l'incapacité de Frances à se poser et à trouver sa place faisant écho à Marie Rivière dans "Le Rayon Vert". Histoire d'enfoncer le clou, Frances fait une brève escapade à Paris et danse sur "Modern Love" de David Bowie dans les rues de New-York comme le faisait Denis Lavant dans "Mauvais Sang" de Leos Carax.
Malgré ces références qui sautent aux yeux, le film a sa tonalité propre grâce à des personnalités attachantes. Greta Gerwig, actrice principale et coscénariste du film passée depuis à la réalisation a une présence particulière, une manière de se mouvoir un peu brusque et gauche, presque enfantine. Et Noah Baumbach, cinéaste d'une grande sensibilité (comme on a pu le voir plus récemment avec "Marriage Story") la filme avec beaucoup de délicatesse. De plus "Frances Ha" est original dans le sens où le scénario se focalise sur une expérience très courante dans la vie mais peu traitée au cinéma (en tout cas beaucoup moins que les déboires sentimentaux): la fin d'une amitié fusionnelle entre deux jeunes femmes, Frances et Sophie à la suite de la décision de cette dernière de se mettre en couple. Une étape vers le passage à l'âge adulte que Frances n'accepte pas et qui la plonge dans une situation d'instabilité que l'on retrouve aussi sur le plan professionnel, la réalité s'avérant peu conforme à ses rêves de gamine. En arrière-plan, une perte des idéaux au goût un peu amer se profile avec une Frances qui galère mais s'obstine pendant que Sophie s'embourgeoise même si ce qu'elle vit vraiment est en décalage avec l'affichage de sa réussite.
* Cela explique sans doute aussi les points communs avec "La Guerre est déclarée" (2010) qui est un film de la "néo nouvelle-vague" française, un courant encensé par les critiques adorant le cinéma d'auteur mais qui est une dénaturation de ce courant dont il singe la forme tout en étant nombriliste sur le fond (ce que n'était pas la Nouvelle Vague).