Rosemary's Baby (Roman Polanski, 1968)
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Rosemary's Baby (Roman Polanski, 1968)
On pourrait longtemps méditer avec un tel film sur le fait que l'on échappe pas à ses démons où que l'on aille, que la prétendue rationalité de l'homme moderne n'est qu'une pellicule qui dissimule les instincts les plus barbares ou bien que la vieille Europe et ses croyances les plus archaïques se sont exportées jusqu'au coeur du Manhattan le plus futuriste. Bref "Rosemary's Baby" qui appartient à la trilogie des appartements maléfiques de Roman POLANSKI (entre "Répulsion" (1965) et "Le Locataire") (1976) est tout simplement une allégorie de l'enfer. Son succès se situe au croisement des tourments personnels et récurrents du réalisateur et de ceux de l'Amérique qui connaît à partir de la fin des années 60 une vague de désenchantement et de paranoïa dont le cinéma se fait l'écho. On y voit une jeune femme d'apparence tout à fait équilibrée, Rosemary (Mia FARROW) basculer dans un monde parallèle cauchemardesque à partir de ce qui semble être la prise d'une drogue administrée par ses voisins dont les attentions se transforment rapidement en intrusion puis en possession, le tout avec la complicité d'un mari dont tout indique qu'il a vendu son âme au diable (John CASSAVETES). Bien entendu, l'ambiguïté sur la nature du mal qui ronge Rosemary reste entière tout au long du film: est-elle victime d'un complot organisé par une obscure secte sataniste qui veut s'emparer de son enfant pour ses rituels sanglants ou bien rejette-elle tout simplement son bébé à naître? Quelle que soit la réponse, il est frappant de constater combien la mise en scène distille l'angoisse et suggère un paranormal ancestral tout en établissant un parallèle éclairant avec les démons contemporains des USA. Les potions de sorciers du Moyen-Age renvoient aux drogues hallucinogènes qui faisaient alors fureur, l'attitude de Guy qui se dit athée (alors que Rosemary fait figure de madone catholique) renvoie au démon de la réussite (ou comment devenir un winner en signant un pacte méphistophélique), les satanistes peuvent renvoyer aux communistes mais ils font surtout penser aux nazis qui ont été généreusement accueillis sur le sol américain dans l'après-guerre et se sont joint à leurs copains du Ku Klux Klan, eux aussi amateurs de paganisme identitaire et de rituels sanglants aux relents parfois occultes.