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Anna et les loups (Anna y los lobos, Carlos Saura, 1973)

Anna et les loups (Anna y los lobos, Carlos Saura, 1973)

Publicado el 3, jun., 2021 Actualizado 3, jun., 2021 Cultura
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Anna et les loups (Anna y los lobos, Carlos Saura, 1973)

J'étais très jeune la première fois que j'ai vu "Anna et les loups" à la télévision, sans doute par accident. Je n'ai donc pas tout compris. L'esprit satirique voire grotesque m'est passé au-dessus de la tête. Le contexte consistant à contourner la censure pour critiquer le franquisme à l'aide de symboles, également. Mais l'explosion brutale de sauvagerie des deux dernières minutes s'est gravée dans ma mémoire pour toujours. Evidemment au vu de l'âge que j'avais, ce sont les cheveux coupés de la poupée qui m'ont le plus terrifié mais j'ai quand même saisi ce que les trois frères avaient en commun. Je n'avais pas le mot pour la définir mais je sentais une attente lourde de sourdes menaces, le premier frère, José avec son revolver à la gâchette facile et sa collection d'uniformes, le second, Juan avec ses mains baladeuses et le troisième (celui qui m'a le plus marqué, Fernando) avec sa grotte, ses ciseaux et son obsession de la pureté. Car c'est ainsi qu'est construit le film: 1h33 de latence dans un lieu clos et hors du temps en forme de prison dans lequel une belle jeune femme étrangère que mon regard d'adulte qualifierait aujourd'hui de douce mais aussi de provocante vient titiller les pulsions de trois frères frustrés sexuellement symbolisant chacun l'un des piliers du franquisme (l'armée, la famille et la religion) requalifiés par Carlos SAURA en meurtrier, violeur et tortionnaire dans les deux dernières minutes quand le désir enfoui de chacun d'eux cristallisé sur la jeune femme se concrétise brutalement. Avec le recul du temps et après l'avoir revu, je ne suis pas certaine que ce final soit "réel" car le film mélange habilement réalité et visions fantasmatiques. Il est clair qu'Anna (Geraldine CHAPLIN) est le petit (?) chaperon rouge venu se jeter dans la gueule des loups mais quand on voit que la mère (qui peut symboliser Franco lui-même) est une grabataire, l'état de décrépitude de la maison, l'aspect dégénéré voire pitoyable des trois frères (restés sous le joug de leur génitrice) dont Anna se moque ouvertement et l'aspect rayonnant de cette dernière, on peut aussi interpréter le film, de même que pour "Cría cuervos" (1976) comme une métaphore de l'agonie du franquisme. Dans ce cas, c'est lui qui explose à la fin et non Anna.

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