Sonatine, mélodie mortelle (Sonachine, Takeshi Kitano, 1993)
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Sonatine, mélodie mortelle (Sonachine, Takeshi Kitano, 1993)
Quatrième film de Takeshi KITANO, "Sonatine, mélodie mortelle" est le premier à avoir été distribué en France. Il est une bonne introduction à son style, décalé voire déconcertant. La quintessence du cinéma kitanien peut être résumée en quelques traits:
- Une dynamique filmique fondée sur le principe d'opposition, de paradoxe, de contradiction. "Sonatine" alterne ainsi de longues plages contemplatives bercées par la musique de Joe HISAISHI et de fulgurantes explosions de violence sèche, l'un se nourrissant de l'autre. L'opposition réside aussi dans toute une série de contrastes: entre le jour et la nuit, la ville et la campagne, la paix et la guerre, l'eau et le feu, le jeu et la mort, le fixe et le mobile, le champ et le hors-champ.
- Des plans fixes composés comme des tableaux sur lesquels Takeshi KITANO s'attarde longuement. Certains de ces plans fonctionnent comme des arrêts sur image: on y voit un ou plusieurs personnages immobiles qui regardent fixement la caméra. D'autres sont animés au ralenti comme ces trois personnages mitraillés qui s'écroulent l'un après l'autre. D'autres enfin ressemblent à des vues Lumière, enregistrant les mouvements au naturel à l'intérieur d'un cadre fixe. La première image du film est d'ailleurs un tableau: on y voit un poisson bleu embroché par un harpon sur fond rouge. C'est une image-programme, elle résume la situation de ces yakuzas exilés sur une île où le temps d'une parenthèse enchantée ils s'amusent comme des gamins avant que la mort ne les rattrape.
- Des personnages indéchiffrables dont le visage ressemble à un masque. Le visage neutre fait partie intégrante de la culture japonaise aussi bien dans la culture de l'estampe qu'au théâtre. Chez Takeshi KITANO, les personnages sont particulièrement peu expressifs et quand ils le sont, leurs expressions restent énigmatiques. Il en va ainsi du personnage de Murakawa joué par Takeshi KITANO dont les sourires sont plutôt annonciateurs de mort que de joie.
- Le caractère énigmatique des personnages est renforcé par la rareté de leur parole. Takeshi KITANO est un représentant d'une culture japonaise qui sait admirablement mettre en relief le poids dramatique du silence. Il n'est guère étonnant qu'il y ait des séquences burlesques dans les films de Takeshi KITANO, ce genre étant associé au muet.
- Des personnages aux prises avec un monde qui se défait. Dans "Sonatine", le fils a tué le père si bien que le milieu n'a plus de règle. Le monde devient lui-même absurde, indéchiffrable. Murakawa et ses hommes préfèrent prendre la tangente, profiter des instants qui leur reste en renouant avec leur enfance avant de disparaître (voir les plans post-générique qui filment les paysages vidés de toute présence). Car la mort est toujours au bout du chemin.