Episode 64 : Le retour du chef
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Episode 64 : Le retour du chef
Le dos contre l’acier froid de la table d’opération, j’étais totalement perdu. Doc m’avait branché plusieurs câbles un peu partout sur le corps avant de me fixer un casque devant les yeux. J’en prenais plein la gueule. Des flashes de batailles, de discussions, de rencontres incongrues… et ma relation avec Léila. J’avais du mal à me reconnaître. L’homme face à moi était arrogant, sûr de lui et manipulateur. Il n’hésitait pas à écraser les autres pour son propre plaisir. Il me donnait envie de gerber. Le pire dans cette histoire, c’était que j’allais être obligé de me comporter ainsi. Le temps de faire tomber Florigan et Riffl. Le temps de sauver cette putain de planète. Je ne me sentais pas héros et encore moins dans la peau de ce nouveau Moridan. Si seulement je pouvais me tirer loin d’ici et tout oublier. Demander à Joe de me débrancher… mais ce n’était pas une solution envisageable. Pas si je voulais encore vivre quelques années parmi les hommes.
Je faisais peu à peu connaissance avec cet autre moi. Cette suite de 0 et de 1 crée de toute pièce. Cette marionnette de Riffl et Florigan. Ce pantin désarticulé. Déshumanisé. J’apprenais ses gestes, ses mimiques, sa façon de parler, de bouger… l’illusion devait être parfaite. Personne ne devait se rendre compte de la supercherie. C’était étrange. J’avais la sensation de regarder devant un miroir, mais mon image était déformée. Abimée.
– Moridan. Vous êtes de retour parmi nous ?
Je pouvais entendre Doc à travers le chaos. Sa voix me ramenait doucement à la réalité.
– Doc. C’est vous ? Débranchez-moi de cette merde ! Je ne m’entends plus penser.
– Enfin… Vous revoilà, chef !
Riffl… Elle se tenait juste à côté, admirant son chef d’œuvre. Doc me retira le casque et tous les fils avant de m’aider à me relever.
– Riffl ! Qu’est-ce que vous foutez là ? Vous ne devriez pas être derrière votre bureau à superviser les opérations en cours. Je dois tout faire moi-même ici ?
Elle gloussa avant de sortir, trop heureuse d’avoir réussi son coup. Si seulement elle savait… Je ne pris même pas la peine de la regarder. Je cherchais Léila.
– Une minute. Où est Léila ?
– Je suis là, Aaron…
Aaron… mon prénom. Celui gravé sur ma puce principale. Celui que personne n’osait jamais prononcer sous peine de représailles. Celui que Léila utilisait lorsque nous formions un couple… je ne l’avais pas entendu depuis si longtemps.
Elle s’avança vers moi, timidement. Elle n’osait pas me regarder dans les yeux, de peur d’y lire mépris et incompréhension. J’avais envie de la serrer dans mes bras, de la rassurer, mais je n’en avais pas le droit. Je devais respecter notre plan :
– Bien sûr ! Et moi, je suis le président. Arrêtez vos conneries et amenez moi Léila. Elle doit être revenue de sa mission d’infiltration. Doc, il s’est écoulé combien de temps depuis ma dernière sauvegarde ?
– Un peu plus de 5 ans…
– La vache ! Ça explique vos gueules ! Vous avez tous pris cher. Va falloir me faire un débriefe rapidement. Je suis curieux de savoir pourquoi vous avez mis autant de temps à me retrouver… Bon, si personne ne va prévenir Léila de mon retour, je vais aller la chercher moi-même.
Alors que je m’apprêtais à sortir, Doc me retint par l’épaule. Il semblait soudain mal à l’aise.
– Chef, c’est elle. Elle a dû changer de corps pour simuler sa mort…
Je le poussais violemment pour me diriger vers Léila. Je la scrutais sur toutes les coutures, lui tournant autour, sifflant en me délectant de ses courbes généreuses. Un véritable connard. Encore plus misogyne que je n’avais pu l’être…
– Pas mal. Je crois que je pourrais m’y faire rapidement.
Je la pris dans mes bras pour lui murmurer à l’oreille :
– Je suis toujours là. Désolé pour l’attitude…
Elle recula un peu, me fusilla du regard avant de me coller une gifle mémorable. Je me massais la joue en souriant alors qu’elle laissait sa colère s’échapper :
– Tu pourrais t’y faire ? Tu te fous de moi ? Si tu n’avais pas joué au con, il y a cinq ans, je n’aurai pas été obligée de changer de corps. Et encore moins de jouer les baby-sitters pour la flicaille. Putain, Aaron… qu’est-ce qui t’a pris de partir seul sur le terrain ? Tu savais pertinemment qu’on nous surveillait depuis cet article à la con. Ton père te collait aux basques et toi, tu prends une bécane et tu vas faire un tour sans prévenir personne.
Elle était vraiment craquante quand elle était folle de rage. Les sentiments que j’avais pu avoir pour elle me revinrent en une fraction de seconde. Elle n’était plus ma coéquipière. La chieuse qu’on m’avait mise sur le dos dès mon premier jour en tant qu’agent. Non, à présent, elle était beaucoup plus que ça.
– C’est bon de te retrouver… lui murmurai-je avant de l’embrasser.
Doc se racla la gorge, interrompant notre baiser. Après avoir lâché Léila, je me tournais vers lui, l'air menaçant. Il se confondit en excuses avant d'ajouter :
– Si vous voulez bien me suivre, Riffl vous attend dans son bureau pour vous faire un résumé de la situation. Les choses ont bien changé depuis votre disparition, chef...
Texte de L.S. Martins (45 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par Gerd Altmann de Pixabay : Homme Circuits Intelligence - Image gratuite sur Pixabay