Le ++ n’empêche pas les baffes.
Le ++ n’empêche pas les baffes.
Mon précédent billet sur les positions de vie en analyse transactionnelle a suscité une série de commentaires marqués par un même soupçon : la position « je suis +, ils sont + » serait-elle encore crédible dans un monde structuré par les rapports de force ?
Le doute est légitime. Il est même difficile à balayer d’un revers de main quand l’actualité géopolitique, politique, sociale, économique et environnementale ressemble à une démonstration permanente de domination, de prédation et de clash. Sans parler des réseaux sociaux, devenus des arènes où la nuance est souvent perçue comme une faiblesse.
Petit rappel utile : les positions de vie ne décrivent pas le monde tel qu’il est, mais la manière dont je me représente moi-même et les autres. Elles relèvent du filtre, pas du verdict.
Illustrons.
Un « ami virtuel » publie un post rageur :
« Il y a trop de normes et de règles, notamment environnementales, qui freinent le développement économique. Il faudrait supprimer le principe de précaution. »
De mon côté, je pense qu’une simplification normative peut effectivement soutenir l’initiative entrepreneuriale.
Mais j’estime aussi que l’abandon des garde-fous environnementaux et sanitaires serait un pari dangereux.
Que répondre à ce post selon les positions de vie ?
Je suis +, ils sont + (++)
« Il est vrai que la bureaucratie et la technocratie entravent parfois l’initiative, dans les services publics comme dans les entreprises. En revanche, il me semble indispensable de réguler les effets de l’activité économique sur l’environnement et la santé. »
Je suis +, ils sont – (+–)
« Vous répétez comme un perroquet les absurdités à la mode sur les réseaux sociaux. »
Je suis –, ils sont + (–+)
(Je ne commente pas. Je me sens à court d’arguments face à quelqu’un qui paraît sûr de lui.)
Je suis –, ils sont – (––)
« De toute façon, ni vous ni moi n’y pouvons rien. Nous allons droit dans le mur. »
Mais attention : adopter une position de vie ++ ne garantit en rien une réponse ++ en retour. La relation n’est pas symétrique, et encore moins automatique.
Voyons maintenant ce que mon interlocuteur peut répondre à mon commentaire ++, selon sa position de vie.
++
« Oui, j’ai écrit ce post sous le coup de l’énervement. Il manque clairement de nuances. »
+–
« Vous n’avez manifestement rien compris aux enjeux économiques actuels. »
–+
« Avec mes difficultés du moment, je n’ai pas votre hauteur de vue. »
––
« Nous ne tomberons jamais d’accord. »
Réduite à des échanges écrits sur un réseau social, cette illustration pourrait laisser croire que le contenu d’un message suffit à déterminer la position de vie sous-jacente. C’est une illusion confortable.
Je peux produire un texte apparemment ++ tout en vivant intérieurement une tout autre position.
En présentiel, ces décalages sont souvent repérables : micro-silences, tensions corporelles, regards fuyants, soupirs à peine audibles.
En ligne, ces micro-comportements disparaissent, laissant le champ libre aux malentendus, aux projections… et aux escalades inutiles.
Autrement dit : le ++ n’est pas une posture angélique, ni une garantie de paix sociale.
C’est un choix interne, exigeant, parfois inconfortable, et souvent à contre-courant.
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