Vue de l’extérieur, la Forteresse Suprême du chef des

félins n’a absolument rien à voir avec le QG de la Révoltruffe. Beaucoup plus

imposante et bien mieux défendue, cette structure est réputée impénétrable.

De plus, elle a été bâtie sur une île très éloignée des côtes, par mesure de sécurité. Il faut dire

que c’est le repère de Suprêmiaou : le félin préfère être bien protégé ! La Forteresse

Suprême est l’endroit le plus important de tout l’empire félin. Sur une autre île très

éloignée se tiennent des hangars abritant chacun des dizaines de félicoptères. C’est

depuis cet endroit que tous les appareils volants décollent.

Sur ordre de Suprêmiaou, le Colonel Firat vient de mobiliser plus de 200

félicoptères ! Un par un, les appareils s’élèvent dans le ciel et attendent les prochains

ordres. Un énorme nuage de félicoptères se forme peu à peu, juste au-dessus des

hangars. Chaque engin contient un pilote armé et quelques karaté-cats. L’armée

féline est colossale : plus de 400 karaté-cats, réparties dans 200 félicoptères armés

de redoutables canons !

Après quelques minutes, tous les engins de guerre sont prêts à partir au combat

et attendent leur « guide ». Ce dernier décolle à son tour et part vers une direction

bien précise, suivi de toute la flotte. Le guide n’est pas un félicoptère comme les

autres : il s’agut de l’appareil privé de Suprêmiaou ! À son bord se trouve le meilleur

de tous les pilotes, ainsi que le Colonel Firat et naturellement, Suprêmiaou. Celui-ci

est arrivé en dernier et a exprimé sa volonté de « voir les cabots perdre tout ce qu’ils

possèdent ».

L’immense nuage de félicoptères commence son long voyage, avec Suprêmiaou

en tête. Le chef suprême des félins confie au Colonel Firat :

- J’espère que le voyage ne sera pas trop long. Je suis impatient de réduire la

Révoltruffe en pâté pour chat…

Un peu plus tard, dans le QG de la Révoltruffe, la désertion se déroule au mieux.

Le fourgon blindé contenant les finances est déjà parti, suivi de près par le cargo

abritant la nourriture - congelée au préalable par Falcon. Ces deux véhicules,

pourtant blindés et armés de tourelles de tir, abritent quelques soldalmatiens pour les

défendre en cas d’embuscade. Les fourgons progressent dans la forêt dense qui

entoure le QG. Pour ne pas être repérés, leur toit est couvert de branches et de

feuilles.

Sur la plateforme de décollage, les aéro-niches se remplissent de Canins et

partent aussitôt, chacune leur tour. Elles forment une interminable file indienne qui

vole très bas, au plus près des arbres.

La voix de Cabos est diffusée partout dans le QG :

- Pour information, les deux fourgons blindés traversent toujours la Forêt

Émeraude. Le troisième fourgon, qui transportera les armements, se prépare sur la

plateforme de décollage en temps réel. Le Général Cocker vient d’élaborer un plan,

et il va vous le communiquer… (L’Amiral Cabos laisse Cocker prendre la parole.)

Afin de retarder l’avancée des ennemis, nous allons envoyer à leur rencontre un

félicoptère volé. Il leur enverra une communication affirmant que les coordonnées

ne mènent pas au QG. Naturellement, cela ne suffira jamais à dissuader Suprêmiaou

de faire demi-tour. L’appareil sera donc chargé d’explosifs et devra s’approcher au

plus près de son armée. Le pilote est un professionnel : il parviendra à sauter juste

avant la collision, équipé d’un parachute, et évitera ainsi l’explosion. Nous espérons

que cela ralentira les félicoptères, qui sont peut-être déjà en route. Terminé.

Depuis la plateforme de décollage, Falcon et Mentalos viennent d’entendre le

plan du Général Cocker. Le golden retriever lève la tête et aperçoit le félicoptère

piégé partir à toute vitesse. « J’espère que le pilote va s’en sortir » pense-t-il, inquiet.

Juste derrière lui, Mentalos le presse un peu ; le super-chien semble stressé et lui

ordonne :

- Monte dans l’aéro-niche, Falcon. Les félins risquent de débarquer d’un instant

à l’autre !

Le chiot s’empresse d’obéir et entre dans l’engin, suivi de l’husky et de quelques

autres Canins. Aussitôt, l’aéro-niche décolle et se met à suivre les autres appareils

volants au plus près de la forêt.

- On va où exactement ? demande Falcon à Mentalos, sans voir les Canins qui

l’entourent.

L’husky s’assied sur un banc, imité par le golden retriever, et se détend un peu.

- Nous nous rendons à la base de repli nommée Spectror, explique-t-il. Elle est

plus petite que le QG et possède peu de défenses. Mais elle a un avantage majeur :

la discrétion ! Personne ne connaît ses coordonnées exactes, parmi nous ; nous

savons de manière approximative sa localisation, dans les Plaines de l’Ouest. Quand

on s’en approchera suffisamment, la base enverra un signal pour nous guider.

- Elle est si bien cachée que ça ? s’émerveille Falcon.

- Il n’y a aucun risque que Suprêmiaou ne la trouve ! La base Spectror se situe

au beau milieu de champs incroyablement grands. D’ailleurs, on y produit notre

propre nourriture. Le souci, c’est que notre base de repli est très éloignée du QG. Le

voyage sera long, donc nous devrons dormir dans cette aéro-niche.

Falcon observe les Canins qui sont dans le même appareil que lui. Tout-à-coup,

il repère Lisa, seule dans son coin. Elle ferme les yeux et semble assez fatiguée.

Malgré ça, Falcon se dirige vers elle et lui parle, sans gêne :

- Tu dors, Lisa ?

- Non, j’essayais juste… avoue la labrador en soupirant.

Elle pose son regard de braise sur le golden retriever, qui baisse la tête. Après un

long moment de silence, Lisa déclare :

- Je suis désolée pour la dernière fois. Je ne t’ai pas cru, alors que tu possèdes

vraiment des superpouvoirs…

- Oh, ce n’est pas grave ! pardonne aussitôt Falcon. Au fait, Billy m’a dit que tu

ne faisais pas facilement confiance aux autres… Mais pourquoi ?

Le regard de braise devient plus doux.

- Billy a raison. Tout a commencé quand les karaté-cats ont envahi mon village.

Mes parents ont vu les troupes de Suprêmiaou arriver et se sont empressés de fuir,

sans moi… (Le golden retriever entend de la tristesse dans sa voix.) J’avais toute ma

confiance en eux. Depuis que mes parents m’ont abandonné, j’ai du mal à me fier

aux autres. Surtout à ceux que je ne connais pas trop.

- Donc, si tu me racontes tout ça, c’est que tu me fais confiance ?

Lisa reste sans rien dire, un peu gênée. Falcon reprend :

- Et comment as-tu été recueillie par la Révoltruffe ?

- Après l’invasion des karaté-cats, je me suis retrouvée seule avec mes deux

sœurs. On avait réussi à se cacher lors de l’attaque, puis on s’est mises à partir le

plus loin possible, en traversant la Forêt Émeraude. Un jour, un loup est passé devant

nous…

- Un loup ?! s’étrangle Falcon.

- Pas si fort ! s’exclame Lisa, en s’assurant que personne ne les a entendus. Tout

le monde a peur des loups mais moi, je suis fascinée par ces créatures. Mes sœurs

sont parties quand elles l’ont vu et m’ont laissée tomber, elles aussi… À l’époque,

j’étais terrifiée par les loups mais celui-ci ne m’a même pas attaquée : au contraire,

il m’a amenée près du QG de la Révoltruffe !

- Comment c’est possible ? Un loup qui arrive et qui te sauve la vie…

Déçue, Lisa soupire et dit :

- Je vois. Tu ne me crois pas. (Elle lui tourne le dos.) Ce n’est pas grave.

Incapable de dire un mot de plus, Falcon s’en veut et finit par s’écarter pour aller

s’allonger sur un banc. « Un loup ? » se répète-t-il en boucle dans sa tête, en essayant

de trouver le sommeil.