

Chapitre 7 : Folie et douleur
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Chapitre 7 : Folie et douleur
Cette annonce avait rendu fou le pauvre prince, abattu par la colère et la tristesse.
Blake était retourné dans leur chambre, suivi par Poema. Il se débattait et elle peinait à le retenir :
- Il faut que j’aille tout leur expliquer ! Ils vont tuer ton peuple tout entier, ta famille… JE NE PEUX PAS RESTER LÀ SANS RIEN FAIRE ! Je ne pensais pas qu’ils allaient vraiment croire que je me suis fait enlever ! C’était une blague !
- Non, reste avec moi, n’y va pas ! Ce sera encore pire et ils vont nous séparer ! lui criait Poema.
- Comment puis-je les laisser te traiter de tous les noms, déclarer la guerre à ton royaume… Je ne les pensais pas si fous ! À PEINE SUIS-JE PARTI QU’ILS ONT MIS LE BAZAR AU PALAIS, CES SALES…
- Je ne t’ai pas tout dit, attends !
- Mais je… Mmm… !
Elle le fit taire en l’embrassant.
- Assieds-toi sur le lit, je vais tout te dire.
Il s’exécuta sans broncher, pas convaincu mais plus serein qu’auparavant.
- La nuit où nous nous sommes rencontrés, je… Je me suis enfuie du château des profondeurs des mers. Je n’étais pas simplement venue voir la pleine lune, je voulais quitter cet endroit à jamais.
- S’ils t’ont fait quelque chose, je vais les…
- Calme-toi Blake, je vais bien et je suis ici avec toi. La première cause de ma fuite a été le mariage arrangé que voulait organiser mon père. Cette nuit risquait de devenir le jour de mes fiançailles si je ne faisais rien. Je ne voulais pas t’inquiéter mais… Je suis la princesse des mers du Sud. Tu… Tu n’as pas l’air étonné...?
- Je m’en doutais depuis longtemps, tes mots et tes manières te trahissent. Et puis… Le collier que tu m’as offert il y a des années… Il porte le sceau royal !
- Oh, je vois… Et tu ne m’en veux pas ?
- Pourquoi ? Si tu me l’as caché, c’est qu’il y a une raison. En revanche, si je rencontre un jour ton ancien fiancé, je ne vais pas retenir ma colère ! Comment ose-t-il vouloir t’épouser alors que tu n’es pas d’accord ?!
- N’y pensons plus, ce n’est pas le plus important. J’ai mis du temps à tout te raconter car je suis au courant d’une chose très importante… Je suis obligée de te le dire car je n’ai pas le droit de te le cacher plus longtemps que cela. Seulement, j’ai peur que tu me détestes après ça, c’est pour cela que je ne voulais te révéler cette information qu’au dernier moment…
- Je te l’ai dit, quoi que tu dises, je t’aimerai toujours, la rassura Blake en glissant ses mains dans les siennes et en croisant son regard.
- Mon peuple n'est pas si bon que tu le crois. Comme tu le sais, ils n'aiment pas les humains, mais ce n'est pas tout. Je voulais éviter de renforcer les tensions entre nos royaumes mais... Avant que votre peuple ne déclare la guerre, le mien l'avait déjà planifiée ! Hier, nous avons quitté le palais, j'ai voulu encore une fois résonner mon père, mais j'ai été bannie, alors on ne peut plus rien faire.
- Que dis-tu ?!
- Nous devons partir. Mon père le roi l’a prévu pour la prochaine pleine lune environ, donc à peu près dans un mois. Je suis désolée de l’avoir révélé si tard, maintenant, tu vas me voir comme dans les légendes qu’on te racontait : une créature aquatique inhumaine. Si ton peuple a une raison d’attaquer le mien (la peur), mon père en revanche veut simplement relâcher sa colère sur vous et prendre le pouvoir.
- Je pense que c’est l’inverse. Les humains se basent sur des légendes sans fondement, ils le font par peur de l’inconnu, or vous le faites parce que les humains ont déjà nui à votre royaume et à la nature… De plus… Mon bras-droit ment sûrement : il a toujours voulu avoir le pouvoir, et utilise la peur des hommes pour qu’ils acceptent de faire la guerre.
- Tu es censé me crier dessus ! Me dire de te quitter ! Pourquoi tu me contredis ?
- Parce que je t’aime.
Poema se mit à pleurer et Blake l’enlaça tendrement.
- Nous partirons cette nuit, car je vois qu’il sera impossible de raisonner deux clans qui se détestent ainsi depuis des millénaires, conclut le prince.
Et sa fiancée acquiesça :
- Je suis humaine, maintenant. Et bientôt, nous serons très loin d’ici. Ils n’auront plus le droit de nous séparer.
- Qu’ils essayent un peu, je les tuerai. Je ne comprends toujours pas comment ils peuvent être si aveugles, vouloir te faire du mal pour ta nature sans voir d’abord quelle personne tu es, c’est complètement idiot.
- Si seulement mon père te voyait… Tu es si gentil, attentionné, prévenant…
- Mon peuple est pire, il a vu ta bonté et ta gentillesse mais a continué de t'exclure. Ils n’étaient même pas sûrs que tu étais une sirène au début !
Poema se rappela alors de son arrivée au palais.
Elle cachait que son peuple voulait la guerre, mais elle pensait qu’avec un peu d’espoir, son royaume verrait qu’elle avait été bien accueillie, qu’une paix verrait peut-être le jour… Mais rien ne s’était passé comme prévu…
L’un des membres de l’assemblée royale vit le prince rentrer si tard avec une jeune inconnue, et manifesta immédiatement son mécontentement. Sans se soucier de la présence de Poema, il fit des reproches à Aaron.
- Vous serez bientôt roi, comment pouvez-vous sortir à nouveau du palais ?! Vous ne vous rendez pas compte du danger ? Vous vous moquez de notre inquiétude, vous n’avez que faire de vos devoirs princiers… Et maintenant, vous nous ramenez cette… cette… avait dit l'homme en faisant un geste de dégoût vers l’inconnue.
- Je vous prierai de surveiller votre langage, dans le cas contraire, je me verrai dans l’obligation de vous punir, je commence à m’impatienter, lui avait répondu le prince d’une voix menaçante.
- Ne lui faites rien, lui avait chuchoté la sirène en posant sa main sur son bras pour le calmer.
Aaron se retenait, on voyait à son regard qu’il était sur le point de le frapper.
- Pardonnez-moi mon prince mais… Elle ne vous convient pas…! Ses yeux... Elle vient de la mer, j'en suis certain ! Où l'avez-vous trouvée ?! S’il s’agit d’un objet de divertissement, vous pouvez la garder ici mais il faut la cacher, il ne faudrait pas qu’on vous voit avec…
- Il suffit, laissez-nous tranquilles. Un mot de plus et je vous fais exécuter. Avez-vous oublié les bonnes manières ? Je ne m’énerverai pas devant Poema, elle n’a pas besoin de voir de violence alors qu’elle vient à peine d’arriver. Vous voulez lui faire une mauvaise impression, c’est cela ? Que va-t-elle penser des habitants du palais ? Je laisse échapper cette fois-ci mais si cela arrive à nouveau, je prendrais des mesures radicales. Vous pouvez la remercier d’être là, sans cela, vous ne seriez déjà plus de ce monde. Présentez-vous. Sur-le-champ.
- Je suis membre de l'assemblée royale, à votre service. Bienvenue.
On sentait à sa voix que l’homme se forçait à paraître aimable mais Aaron décida de ne pas le relever.
- Parfait. Voici Poema, ma bien-aimée que j'ai perdu de vue. Je suis très heureux de la retrouver alors je vous demande de bien la traiter. Préparez-lui la meilleure chambre pour ce soir et les plus belles tenues pour demain pendant que je l'habille et lui fais visiter le palais.
- À vos ordres. Mais ne trouvez-vous pas qu’il est un peu tard pour…
Mais le prince était déjà parti en compagnie de sa bien-aimée en marmonnant "Toujours obligé de dire son avis, celui-là…".
- En une nuit il est déjà amoureux d'elle ?! Elle l'a ensorcelé, c'est sûr ! On m'a parlé de ces maudites sirènes qui vivent dans la mer à côté, elle en fait partie, mon instinct ne se trompe jamais. Monseigneur revient entièrement trempé avec une femme dans les bras enroulée d'un drap, quelle autre explication cela peut-il avoir ?! Heureusement que peu de gens sont présents comme il fait nuit, quelle honte ! C'est intolérable... Je dois faire quelque chose. Je dois en informer les membres de l'assemblée royale avant qu'ils ne pensent qu'il s'agit d'une jeune fille normale et gentille comme elle veut nous le faire croire. J'ai toujours su que le prince s'attirerait des malheurs en fuguant ainsi du palais ! Le bras-droit et le conseiller de notre seigneur seront sûrement de mon avis, ils vont m'aider à la jeter dehors... "Poema", quel joli nom pour une sorcière des mers...
La sirène gardait espoir sans se douter de ce que planifiaient les membres de l’assemblée (c’est-à-dire pratiquement toutes les personnes influentes du palais).
Aaron l’avait tout d’abord ramenée dans la salle de bain afin qu’elle se repose, lui avait remis des habits simples (en attendant les belles tenues que devaient lui apporter plus tard les servantes) et l’avait emmenée visiter l’édifice malgré la nuit très avancée.
- Je veux te montrer les jardins royaux, tu vas adorer ! De nuit, tout paraît plus beau au palais du soleil. Tu vois ces milliers de lanternes, ces petites lumières, ces rayons dorés ? Tu comprends pourquoi cet endroit porte ce nom, n’est-ce pas ? C’est parce qu’il brille toujours, de nuit comme de jour. Ces murs blancs que je regarde depuis des années, je m’en suis lassé… Oui, cet endroit est magnifique, mais ce n’est que grâce à toi s’il brille si fort cette nuit… Toi qui le vois pour la première fois, tu dois le trouver sublime, mais moi, ce n’est que maintenant que je remarque sa beauté. Tu illumines le palais, Poema. Oh… Je vous ai tutoyée… Pardonnez…
- Non, vous pouvez continuer à me tutoyer si vous le voulez ! le coupa Poema.
- C’est un plaisir de l’entendre, mais seulement si tu me tutoies aussi.
- Vous êtes un prince…
- Et donc ?
- Je ne rentrerai pas chez-moi : j’ai abandonné mon ancienne vie, je ne suis plus rien désormais.
- Avant ou maintenant, tu ne seras jamais "rien", tu m’entends ? Regarde, nous arrivons aux jardins, tu vois ces fleurs ? Elles viennent de la mer mais ont réussi à pousser dans la fontaine, même si l’eau n’y est pas salée. Que ce soit hier ou aujourd’hui, elles sont toujours aussi belles, rien n’a changé. Tu es comme elles. J’espère que tu t’adapteras au palais, je te raconterai mille et un poèmes si tu restes avec moi…
- Vous… Tu…
- Appelle-moi Aaron.
- Aaron, tes poèmes sont très beaux... Tous tes mots forment une mélodie. Je suis une lumière et maintenant une fleur qui doit s'épanouir dans ce palais ?
- Tu as dit mon nom… C’est plus agréable à entendre que n’importe quel poème… avait souri le prince avant de poser sa main sur la joue de Poema.
Il s’était arrêté un instant puis avait murmuré :
- Poema… Tu peux répéter mon prénom ?
- Aaron…
N’y tenant plus, il l’embrassa sous les étoiles, au milieu des fleurs des jardins royaux. L’eau des fontaines coulait, la lune brillait et le vent parcourait doucement l’immense étendue verte de son souffle. Des roses parfumées de toutes les couleurs illuminées des lumières du palais et des étoiles dorées : un lieu enchanteur.
De loin, une ombre les observait d’un air triste, comme si cet endroit lui était important, comme si cela le blessait de les voir ici à sa place.
Leur moment de joie fut de courte durée. Comme prévu, tous embêtaient Poema à cause des rumeurs que lançaient le conseiller et le bras-droit d’Aaron.
Tous les jours, la jeune fille devait calmer le prince qui n’arrivait plus à se retenir. Ce dernier punissait bien trop de monde, et quand elle n’était pas là, il essayait de passer sa rage sur les affaires qui traînaient dans sa chambre.
- Calmez-vous, mon prince, vous devriez ne pas y faire attention… tentait de l’arrêter le conseiller.
- Mais qui lance ces rumeurs ?! Si je l'attrape, je le ferais tellement souffrir qu'il ne pourra plus jamais parler... Si je me rappelle bien, tu n'avais pas l'air content à son arrivée, tout comme mon bras-droit, et plusieurs m'ont dit qu'ils ont entendu ces balivernes de ta bouche ! Tu as une explication ?
- Ils se trompent ! J’ai écouté vos ordres ! Ne punissez pas un innocent, c’est à cause de la fille ! Je n’ai fait que dire que vous l’aviez ramenée la nuit, elle est suspecte, ils ont déduit cela tout seuls… Le membre de l'assemblée qui vous a accueillis à votre arrivée nous a raconté les détails, et depuis, tout le monde se méfie d’elle… Elle…
Mais il fut interrompu par la gifle que lui assena le prince, le visage rouge de colère. Le pauvre conseiller était tombé tant le coup était fort.
- QU’EST-CE QUE TU AS DIT ?! CE N’EST PAS "ELLE" MAIS POEMA, ELLE A UN NOM !!! COMMENT OSES-TU ?! JE VOIS BIEN QUE TU LUI PARLES COMME À UNE MOINS-QUE-RIEN ! TU VAS LE REGRETTER, FRAPPER CEUX QUI LUI NUISENT NE SUFFIT PAS ? FAUT-IL QUE JE FASSE PIRE ?
- Ne faites pas cela, Poema se sent mal de voir des gens souffrir par sa faute, ne me tuez pas ! Je vous ai toujours été fidèle, s’il-vous plaît… le suppliait-il.
- CE N’EST PAS EUX QUI SOUFFRENT À CAUSE D’ELLE, C’EST ELLE QUI SOUFFRE PAR LEUR FAUTE !!! AAAHHH, JE N’EN PEUX PLUS ! hurla le prince en jetant un vase par terre, manquant de peu le conseiller qui se protégeait comme il pouvait.
Aaron avait fini par donner un coup de pied à l’homme avant de lui crier :
- PARS AVANT QUE JE NE TE FASSE QUOI QUE CE SOIT, ET RAPPELLE-TOI QUE TU DOIS LA VIE À POEMA !
Le vieux conseiller partit en boitant le plus vite possible pendant qu’Aaron continuait de casser tout ce qu’il voyait. En sortant, il rencontra le bras-droit du prince.
- Que t’est-il arrivé ?!
- C’est le prince, il est devenu fou ! Mais j’ai une idée pour nous débarrasser de Poema ! Si elle est aussi gentille qu’il le décrit, elle s’en voudra si on lui raconte tout le mal que le prince subit et fait subir à cause d’elle… Elle partira, c’est sûr !
- Enfin une bonne idée, vite avant qu’Aaron nous tombe dessus, dans cet état, il risque de nous blesser.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
- Que dites-vous ? Il devient fou à cause de moi ?!
- Oui, il faut que tu partes, on savait que ça allait arriver, c’est pour cela que nous voulions que tu partes, les gens ne te veulent pas et cela nuit à notre prince.
Poema s’était mise à pleurer et, impuissante, la sirène avait quitté le palais sans attendre malgré la nuit et la tempête toute proche (elle qui voulait encore essayer de raisonner son père ne s'attendait pas à être chassée du palais, ce qui n'était pas un bon argument en faveur de la paix).
Pendant ce temps, Aaron se rappelait toutes les horreurs qu’on avait fait à sa belle : vêtements déchirés, humiliation, insultes, moqueries… Pourquoi continuait-elle de les défendre ?
"Elle doit penser que c’est de sa faute, que c’est sa venue qui a perturbé mon peuple alors que ce sont eux qui n’ont pas confiance en mes choix, ce sont eux qui ont peur de tout et de rien. Je dois me calmer et la rassurer, peut-être que si nous organisons notre mariage dans les prochains jours… Ah, cela fait si longtemps que je veux l’épouser, des heures sont des mois pour mon cœur endolori… Je vais aller la chercher" réfléchissait le prince sans se douter de rien.
Mais quand il entra dans sa chambre : personne.
- Non… Non, non, non ! Elle ne peut pas être partie, c’est un cauchemar… avait-il paniqué en se prenant la tête entre les mains.
Il s’arrêta un instant, le cœur battant à toute vitesse.
Le conseiller, qui l’avait vu entrer, l’avait rejoint.
- Monseigneur, que se passe-t-il ?
- Elle est partie… À cause de vous…
Voyant que le prince regardait la fenêtre comme un fou en tremblant, le conseiller (qui le connaissait depuis l’enfance) comprit. Il l’attrapa par le bras en appelant les gardes, mais Aaron fut plus rapide.
- LÂCHE-MOI, MONSTRE ! avait crié le jeune homme en projetant à terre son conseiller.
Le garçon sauta par la fenêtre sans perdre une seconde et partit en courant vers la mer malgré la douleur du saut qu’il venait de faire (heureusement, il ne s’était pas cassé quelque chose).
Gardes, murailles, rien ne pouvait l’arrêter. Comme il fuguait très souvent, il était doué et personne ne parvenait à l’arrêter. De plus, il avait l’habitude de menacer les gardes trop envahissants qui finissaient par le laisser passer.
Cette fois-ci, pas question de revivre cela : ils devaient immédiatement quitter le pays. S’il revenait au palais, plus personne ne le laisserait sortir après sa disparition et on l’enfermerait bien plus sévèrement, ils ne pouvaient pas être vus.
"Ma Poema, je suis fou… Si tu l’apprends, tu voudras me quitter, mais je suis trop égoïste pour te laisser partir… Sauf si tu me le demandes… Sauf si c’est mieux pour toi… Non, au final, je ferai ce que tu voudras… Mais… Il ne faut quand même pas que tu saches… Ma princesse…" pensait Blake en regardant la sirène occupée à ranger ses affaires.
- Blake, tu es prêt ?
- Oui, je n’ai besoin de rien, seulement de toi. Nous pouvons nous en aller, maintenant.
- Allons dire au revoir à Jack et aux autres.
Blake acquiesça sans dire un mot et la suivit. Elle avait l’air de se sentir mieux, alors peut-être que tout allait bien se passer ?

