Blake entraîna Poema à l’écart après avoir prévenu les autres qu’ils allaient bientôt revenir.

- Ne t’inquiète pas, ce ne sera pas long, mais je voulais le faire depuis longtemps. Tu verras. Et… Je suis désolé de ne pas t’avoir amenée à l’auberge plus tôt, mais c’était plus dur de fuguer si on était deux, alors quand nous étions au palais, je venais parfois voir mon ami ici. Il n’arrêtait pas de me supplier, il voulait venir te voir, mais je ne pouvais pas prendre de risques : il ne fallait pas qu’on découvre notre amitié secrète avec les pirates, ni qu’on t’embête au palais. Je suis sûr qu’ils auraient rejeté la faute sur toi, même s’ils sont habitués à mes fugues… Et puis… Je me préparais à te présenter Jack mais avec tout ce qui se passait au palais, je n’ai pas eu le temps, pardonne-moi. Tu as bien fait de quitter cet endroit et te suivre était la meilleure décision que j’ai prise de toute ma vie.

- Blake, ne t’excuse pas, c’était une situation assez compliquée. Déjà que tu devais toute la journée me protéger et t’opposer à la moitié des gens de la cour rien que pour moi… Je ne sais pas ce que j’ai fait pour que tu aies une si haute estime de moi…

- N’oublie jamais que tu es exceptionnelle, je t’aime et rien ne pourra jamais changer cela. Tu me fais confiance, n’est-ce pas ?

- Évidemment !

- Alors suis-moi.

Ils grimpèrent à l’étage et Blake se dirigea vers la porte au fond du couloir. En l’ouvrant, une échelle de métal les accueillit.

- Où est-ce que ça mène ?

- Sur le toit.

Arrivés en haut, Blake referma la trappe et observa la réaction de Poema. La belle sirène semblait émerveillée : la douceur de la nuit d'été orientale qui les recouvrait, la brise fraîche qui les effleurait, les étoiles, le sublime rideau nocturne… Tout cela était si joli et agréable !

- Cet endroit te plaît ?

- Oui… On voit toute la ville d’ici, et la mer brille au loin… Même au pied de l’auberge, nous avons une belle vue, alors sur le toit… C’est tout simplement magique !

- Ravi que ça te plaise, euh… Tu veux danser ? proposa maladroitement le prince.

- Je veux bien.

Il tendit sa main à la jeune fille et s’inclina respectueusement devant elle.

Poema rougit de bonheur et accepta la main de son bien-aimé.

Doucement, ils se mirent à tourner, valser lentement sous les étoiles. Blake s’était beaucoup rapproché d’elle et l’enlaçait presque. Le silence et leur proximité rendaient ce moment intime et beau, aussi beau que la lumière de la lune.

- C’est plus simple de danser sous l’eau, rit Poema.

- Vraiment ? Vous faites aussi des bals sous l’océan ?

- Bien sûr ! D'ailleurs, je ne t’ai pas encore dit mais… Je fais, ou plutôt je faisais partie de la famille royale… Je te raconterai plus en détails un jour, mais pas tout de suite, si cela ne te dérange pas.

- Aucun problème, comme je te l’ai déjà expliqué, je me fiche de qui tu es car je t’aime. Je suis cependant très étonné du manque d’information vis-à-vis de nos peuples… Nous vivons pourtant l’un près de l’autre, qu’est-ce qui empêche nos royaumes d’apprendre à se connaître, de se lier ?

- Je suis du même avis. Apparemment, votre peuple craint celui de la mer, nous sommes des créatures aquatiques dangereuses, inhumaines selon eux. Et mon royaume pense que les humains sont cruels, qu’ils détruisent le monde… Pourtant, regarde toutes ces belles constructions, ces lumières… Les humains sont extrêmement talentueux, tout n’est pas que destruction. Création, beauté, architecture : mon peuple ne le voit-il pas ? Pourquoi les sirènes et les tritons ne remarquent que le mal ? En plus, notre peuple pourrait vous aider à prendre mieux soin de la nature, nous la connaissons si bien…

- Ce que tu me dis me donne envie d’être prince à nouveau afin de changer les choses, mais j’ai bien peur que ce ne soit impossible, du moins au présent. J'aime mon peuple, et même si cela me blesse, je suis hélas obligé de m'en séparer si je veux rester à tes côtés. Mais qui sait si dans quelques années, mon royaume entendra enfin les conseils que je leur ai donnés ? Je leur ai toujours dit que vous étiez de bonnes personnes.

- Je faisais pareil chez moi, sous les mers et océans, chaque jour je me rebellais contre les sottises qu’ils racontaient sur votre monde… J’espère que tu as raison et qu’ils réaliseront leur erreur.

Ils soupirèrent, pensifs.

Enfin, Blake s’arrêta, leva le visage vers le ciel et murmura :

- Oublions tout cela, regarde ! C’est la pleine lune… Ça veut dire que ça fait un mois que je t’ai retrouvée, ma petite sirène. Depuis que je suis enfant, je rêve de pouvoir revoir la sirène que j’ai vue, je gardais précieusement ton collier… Tu as fait de moi le plus heureux des hommes, Poema.

Disant cela, il s’agenouilla devant elle et sortit une bague de sa poche.

- Je ne sais pas si c’est le bon moment pour ça mais… c’est pour toi. Veux-tu être ma fiancée ? Je sais que c'est un peu rapide, mais je promets de prendre soin de toi si tu acceptes. Je n'ai pas seulement trouvé une bien-aimée, j'ai aussi rencontré une amie fidèle et une personne digne de confiance. Avec toi, tout me paraît plus beau, plus facile, et je me sens libre pour la première fois.

La bouche ouverte de stupeur, elle ne put répondre immédiatement.

- Le jour où nous nous sommes retrouvés, j'ai su que je pouvais avoir confiance en toi. J'ai saisi l'occasion et je t'ai suivi au palais, sans penser au reste. Aujourd'hui, je peux affirmer que j'ai eu raison d'agir ainsi, car moi aussi, j'ai trouvé un compagnon formidable qui m'aime telle que je suis. Alors oui, j'accepte, répondit finalement la sirène, les yeux brillants d’émotion.

Il l’enlaça, soulagé de sa réponse. Celle-ci était évidente, mais l’entendre le remplissait de joie. Poema n’y avait pas prêté attention mais le jeune prince cachait la bague depuis longtemps. Il l’avait toujours sur lui et faisait très attention de ne pas la perdre. En or rose, le bijou était orné d’une perle de nacre rosée. Le prince l’avait trouvée lui-même lors de l’une de ses promenades sur la plage et avait fabriqué la bague sans l’aide de personne. Il était très doué dans la création de bijoux et il comptait bien continuer à faire plaisir à sa bien-aimée en lui offrant toutes sortes d’ornements.

- Cette bague est magnifique…

- Je l’ai faite pour toi, tu la trouves si belle que ça ?

- Maintenant que je sais que tu l’as fabriquée, je l’aime encore plus ! Tu as des mains d’or, comment as-tu fabriqué cette bague avec tant de précision ?

- Je me suis énormément entraîné. D’ailleurs, il faut dire que j’ai toujours été très méticuleux et perfectionniste, je ne m’arrête pas avant que le résultat soit parfait… J’ai tardé à te remettre la bague surtout pour cette raison-là. Et même maintenant, j’ai encore peur qu’elle ne soit pas assez bien pour toi.

- Un cadeau est parfait quand il est fait de ses propres mains et avec amour, cela suffit amplement. Et je vois mal comment rendre cette bague encore plus parfaite qu’elle ne l’est déjà : tu as réalisé un bijou d’une valeur inestimable. Elle est si fine, jolie et précieuse, et sa perle de nacre ne présente aucun défaut. Malgré sa simplicité que j’adore, c’est une main de maître qui en est à l’origine. Et je m’y connais. Je pensais que le peuple de la mer était expert en bijouterie, mais je vois que tu es bien plus avancé que nous. J’en prendrai grand soin, je te le promets.

- T’entendre dire ces mots remplit mon cœur de joie…

Blake l’enlaça tendrement et caressa ses cheveux de soie. Il prit ensuite la fine main de sa bien-aimée et enfila l’anneau sur son doigt.

- Comment as-tu su quelle taille de bague m’irait ? fit la sirène en tendant la main vers le ciel afin de mieux voir le bijou grâce aux rayons de lune.

- On me dit souvent que j’ai un œil de rapace, je crois qu’ils exagèrent un peu… répondit le prince.

- Je ne pense pas, tu peux être fier de toi.

Elle déposa un baiser sur sa joue, ce qui le fit virer au rouge.

- Tout ce travail en valait la peine, chuchota-t-il, ému.

Il se pencha afin de l’embrasser mais Poema fut plus rapide et lui donna un deuxième baiser cette fois sur le nez, ce qui les fit rire tous les deux. Enfin, Blake prit le visage de sa bien-aimée entre ses mains et l’embrassa avec passion, sans lui laisser le temps de respirer.

Il ne put s’empêcher de la soulever par la taille dans les airs et de la regarder avec amour. Elle avait accepté d’être sa fiancée et rien ne pouvait lui faire plus plaisir.

- Poema est ma fiancée !!! J’ai une fiancée !!! hurla-t-il dans la nuit.

- Arrête de crier, tu es fou ! le réprimanda la sirène sans pouvoir s’arrêter de sourire.

- Je me fiche de ce que pensent les autres, comment peuvent-ils dormir alors que je viens de me fiancer ? Tout le monde doit savoir !

Et il quitta le toit, sa princesse dans les bras, avant de s’élancer dans les couloirs de l’auberge en continuant de clamer haut et fort : "Venez tous ! Cette nuit, c’est la fête ! Je me suis fiancé !!".

Et c’est ainsi que tous les résidents et clients de l’auberge se réunirent afin de célébrer leurs fiançailles malgré l’heure tardive. Jack et sa famille étaient si contents pour leur ami ! Et personne à part eux n’avait reconnu le prince, heureux de pouvoir enfin partager des moments de bonheur simple et pur, sans l’hypocrisie de la cour du palais. Des gens normaux, une fête normale : c’était la vraie vie dont Blake rêvait nuit et jour.

Tout ça grâce à sa rencontre avec Poema.

Quand les lumières s’éteignirent finalement plus tard dans la nuit, le prince et sa sirène, qui tombait de sommeil, s’en allèrent dans leur chambre. Voyant qu’elle était fatiguée, il la souleva et la serra contre lui. "Rien de tout cela ne serait arrivé sans elle… Merci, ma princesse…" pensa Blake en regardant avec douceur son amante, déjà endormie dans ses bras, près de son cœur.