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Chapitre 24 : Un homme aussi effrayant que mystérieux

Chapitre 24 : Un homme aussi effrayant que mystérieux

Published Sep 6, 2025 Updated Sep 6, 2025 Fantasy
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Chapitre 24 : Un homme aussi effrayant que mystérieux

Je crois avoir oublié de préciser à quel point le bras-droit du prince était un être étrange et incompréhensible...

Alors que nos amis, à savoir Poema, Blake, Lohan et Aliénor, touchaient au but et s'approchaient de plus en plus du palais terrestre, Morgan, lui, était déjà rentré et les attendait, tel un lion dans une cage. Il avait eu le temps de prévenir le peuple sur la situation : il fallait rester au royaume terrestre car le roi triton allait sûrement lancer l'attaque en premier. Un plan avait l'air simple, car il ne restait plus qu'à réussir à battre l'armée des sirènes et leur magie. Seulement, c'était plus facile à dire qu'à faire.

Comme vous le savez déjà, Morgan avait tout planifié. Pour lui, rien ne changeait car en cas de victoire ou en cas d'échec, il ressortirait gagnant. Soit il gagnait puis inondait le royaume terrestre, soit il perdait et manipulait le roi triton. Qu'il puisse oui ou non se transformer en créature marine comme il en rêvait n'allait pas entraver son but premier : sa vengeance contre les humains, et surtout contre Aaron, passait avant tout.

Mais il nous manque encore une pièce du puzzle. Et c’est à propos de Poema. Quelque chose lui était sorti de la tête à cause du long voyage qu’elle avait fait, et je parle ici de la raison principale de sa fuite.

Pour le moment, revenons-en à nos amis.

Ils venaient de traverser la forêt et se trouvaient enfin devant le palais.

- Blake… Penses-tu que… nous devrions entrer en cachant notre identité, ou… commença Poema.

- N’en dis pas plus, je comprends ce que tu essaies de proposer. Pas besoin de s’introduire secrètement alors que l’ancien prince du royaume vous accompagne, n’est-ce pas ? Je suis d’accord, ne vous inquiétez pas pour moi. Je suis plus fort qu’avant : cette fois-ci, ils ne nous sépareront pas. Ils ont bien trop peur de ce que je pourrais leur faire après avoir fait une fuite comme celle-ci. Je suis un pirate, maintenant. Imaginez un peu leur réaction ! J’ai hâte de voir ça, ricana Blake.

- J’espère juste que personne n’est mort car je vois que le palais a été gelé de l’intérieur… Bon, les gardes sont là, c’est déjà ça, remarqua Lohan.

Ils venaient de s’approcher de la porte principale qui menait au palais quand l’un des soldats les interpella.

- Halte ! Qui va là ? Il fait sombre, avancez-vous, ordonna-t-il.

- C’est moi, dit Blake en se mettant plus près de l’homme.

Celui-ci manqua de s’étouffer. Il serra la main du prince avec effusion à travers les barreaux et s’empressa de lui ouvrir.

- Sa… Sa Majesté Aaron ?! Vous êtes revenu ?! Entrez vite, discrètement pendant que les autres gardiens ne sont pas revenus ! Ne dites pas à votre bras-droit que je suis celui qui vous a laissé passer, mais depuis que vous êtes parti, c’est le bazar au royaume ! Je suis sûr que le peuple vous pardonnera votre fuite… car il a besoin de vous ! Regardez un peu l’état du palais… Sans vous, rien de tout cela ne serait arrivé…

- Vous me faites trop confiance, je ne suis plus qu’un simple pirate… Mais il est vrai que je n’ai pas pu vous laisser seuls après tout ce qui s’est passé, je me dois de vous aider, je m’en veux de vous avoir abandonnés mais c’était nécessaire… murmura Blake.

- Pas besoin d'explications. Entrez. Je ne dirai rien, après tout, c'est de la faute des gens du palais si votre invitée a été harcelée, fit le gardien en désignant Poema. Et je ne suis pas le seul au courant de cette affaire, vous pouvez me croire.

Il soupira avant d’ajouter.

- Dépêchez-vous. Je fermerai les yeux sur ce qui vient d’arriver, comptez sur moi. Je vous ai juré fidélité à vous, pas à votre bras-droit. Je vois bien qu’il a un côté tyrannique, et tous les autres ne peuvent pas me faire changer d’avis. Je serai toujours de votre côté, Votre Majesté Aaron.

- Je… Merci. Je vous revaudrai ça, souffla-t-il, ému.

Blake entraîna Poema par la main, suivi de Lohan et Aliénor. Ils firent attention à ne pas se faire voir. Heureusement, le prince connaissait toutes sortes de passages secrets. Il avait l’habitude grâce à ses fuites fréquentes ! Alors forcément, personne n’était aussi expert que lui dans ce genre de situation, surtout quand il s’agissait de son propre palais.

- On a eu de la chance de tomber sur ce garde… Bref… Venez par-là, il nous suffit d’ouvrir cette trappe afin d’accéder aux souterrains, nous aurons donc seulement à emprunter cet escalier pour passer sans se faire voir, fit-il en soulevant une porte bien cachée au sol (située à l’arrière des jardins).

- Ça ne m’a pas l’air très accueillant, remarqua Poema en regardant d’un air dubitatif le vieil escalier plongé dans les ténèbres.

- Une fois entrés, je lancerai un sort de lumière afin de mieux nous repérer. Ne vous inquiétez pas, ma magie nous sera très utile, il n'y a rien à craindre. Dommage qu'elle n'est pas capable de tout régler en un coup de main, malgré sa puissance... En tout cas, comptez sur moi que quand la guerre sera évitée, j'irai tout raconter au peuple. Je n'aurais plus besoin de cacher ma magie afin de ne pas effrayer ton peuple, car seules les sirènes n'ont pas peur des mages, affirma Lohan.

- Ne traînons pas, il faut vite entrer avant de se faire voir . Et j’espère ne pas me tromper, mais habituellement, ce passage est vide, le coupa Blake.

Il les laissa passer devant lui, s’assura que personne ne les suivait puis referma la trappe en silence. Lohan éclaira les environs d’une douce lumière orangée.

- Ah, c’est tout de suite plus chaleureux ainsi, merci, sourit Aliénor.

- Pas de problème, belle demoiselle, répondit celui-ci en lui faisant un clin d’œil.

- J’ai hâte que tout redevienne normal… Il faut dire qu’après toutes ces années, nous n’avons jamais vraiment pu profiter d’une vie agréable… Même au temps d’avant la séparation du royaume, on disait que le roi triton menait la vie dure au peuple, mais nous étions trop jeunes pour le voir. Et puis… Oui, je trouve ça dommage qu’en étant accompagnés de la magie la plus forte du monde, nous ne pouvons pas régler tout ça en un claquement de doigts… Tu as pourtant réussi à effacer la mémoire des gens et à leur faire faire ce que tu souhaites, ne peux-tu pas refaire ça au roi triton et aux sujets de Blake ? s’enquit Aliénor.

- Oui mais… Non seulement cela va effrayer les gens, que je n’informerai qu’après avoir réglé le conflit, mais… cela va aussi à l’encontre de mes nouveaux principes, ou plutôt, de mes anciens principes. On doit leur donner une chance avant, non ? Peut-être qu’ils avaient une raison de faire tout ça, comme moi… Tu sais mieux que personne que j’ai été manipulé par le maître des mages... Mais je promets que s’ils sont purement "méchants", je n’hésiterai pas à les contrôler avec ma magie avant de les enfermer pour les empêcher de nuire au peuple.

- Je comprends mieux ! C’est toi le véritable maître des mages, après tout. Et ce n’est pas pour rien que la magie t’a choisi. Décide toi-même, on te fait confiance.

- Moins de bruit, vous deux, on sait jamais ! marmonna Blake.

Les escaliers avaient peu de marches. Bien vite, ils se retrouvèrent au sous-sol, entourés de fraîcheur et d’humidité. Les murs brillaient un peu, car quelques cristaux d’argent y étaient incrustés. Le groupe se tut complètement, évitant de parler par peur de se faire repérer.

- Lohan… Tu peux pas nous rendre invisibles, ou utiliser n’importe quel autre sort pour masquer notre présence ? murmura Aliénor.

- C’est déjà fait depuis tout à l’heure.

- Pourquoi tu n'as rien dit ?!

- J'ai oublié.

- Oublié ?!

- J'aurais dû le dire avant, comme ça, Blake aurait arrêté de donner des ordres comme : "Ne traînons pas !", "Moins de bruit !"...

- Quoi ?! Mais tu parles bien plus que moi ! Et oui, tu aurais dû nous prévenir avant, si je te dérangeais tant que ça, s’offusqua le prince.

- Je rigole, ne t'inquiète pas. Je voulais juste vous voir paniquer un peu, rit le mage.

- Tu n’es pas croyable… soupira Blake.

Lohan le regarda du coin de l’œil, et vit avec satisfaction que ce dernier souriait légèrement.

- Toi, tu commences à aimer mes farces.

- Je suis bien obligé, moi et Jack ne sommes pas mieux que toi sur ce point… Tout le monde doit être lassé de nous, hein ?

- Je ne pense pas, sinon, nous nous serions retrouvés seuls depuis un bon bout de temps. Je crois bien que ça met un peu d’ambiance… Sans nous pour les détendre et les amuser, ils seraient bien trop stressés pour entreprendre un tel voyage.

- Mouais, pas terrible, comme ambiance…

- Eh, regardez ! Il y a de la lumière à cet endroit ! s’exclama Poema en montrant l’une des cellules devant lesquelles ils passaient.

- Oh, c'est juste le repère du vieux conseiller. Je ne comprends toujours pas comment il n'est pas au courant que je connais sa cachette après toutes les fugues que j'ai faites. Mais à part moi, je vous assure que personne ne connaît son repère, je l'ai découvert il y a quelques années en passant par ici. Il avait oublié sa lumière allumée et je suis entré par curiosité. Il devine tout, pourtant. Alors soit il fait semblant de ne pas savoir que je sais tout, soit il s'en moque, soit... je l'ai surestimé et il ne sait rien... les informa le prince.

- Pourquoi est-il ici alors que tout le palais a été gelé ? Il ne vient pas aider les soldats, ni leur faire signe de sa présence ? Sauf s’il essaye d’aider à sa manière, enfermé dans son "cabinet" ? D’ailleurs, qui est-il ? Je ne l’ai jamais vu, il me semble, or je connais bien ta cour, réfléchit Lohan.

- Juste un vieil homme plutôt banal. Enfin... C'est sans compter le fait que c'est lui et mon bras-droit qui ont mis le bazar dans mon royaume en incitant le peuple à faire la guerre ! Avant que moi et Poema ne quittions cet endroit, juste après que nous nous sommes échappés du palais, ils ont tout de suite fait un discours assez convaincant au peuple, comme s'ils n'attendaient que mon départ, sans même se soucier de mon possible retour... Je voulais d'abord parler à Morgan, mon bras-droit, mais si le conseiller est dans son repère, allons lui dire quelques mots avant ! s'écria Blake.

- Attends, attends. Ne te précipite pas, fit Lohan en attrapant le prince par le bras alors que celui-ci allait ouvrir la porte du repère sur un élan de colère.

- Pourquoi tu me retiens ?!

- Tu ne trouves pas qu’il serait plus intelligent de l’épier en cachette ? On aura peut-être de bonnes informations, tu ne crois pas ?

- Oh... Si, tu as raison. J'essaie de le cacher, mais je me suis mal remis de leur trahison. Je savais déjà que la plupart des gens dans mon palais n'est pas vraiment digne de confiance, mais j'ai été élevé ici malgré tout... Je... Je n'imaginais pas que tout ceci allait arriver, et si vite... Du coup... Oui, j'ai parfois tendance à agir sans réfléchir.

- Ah, ça oui. Je l'ai remarqué.

- Je me fais des idées ou tu te moques encore de moi ?

- Un peu, oui. Tu n’as pas tort.

- Arrêtez de vous chamailler, peut-être que le vieux conseiller n’est même pas là ! Regardons dans le trou de la serrure, si ça vous va, suggéra Poema.

Lohan s’approcha en premier. Et ce qu’il vit le glaça d’effroi. Il recula en silence.

- Eh, ça va ? s’inquiéta sa bien-aimée.

- Je… C’est lui…!

- Qui ça "lui" ?

Le jeune magicien s’essuya le front, avant de répondre d’une voix légèrement tremblante.

- Je ne veux pas vous effrayer, mais on est mal.

- Comment ça ? s’étonna le prince.

- Tu sais bien que c’est moi qui ai manipulé tout le monde, y compris de nombreux membres de ton assemblée, n’est-ce pas ? D’où le comportement étrange d’une grande partie de tes sujets. Après, je ne compte pas ceux qui se sont remplis de haine tout seuls, sans que je n’ai eu besoin d’intervenir… Eh bien j’avais oublié un détail. En fait, non. Je ne pense pas que je l’ai oublié… Je n’aurais tout simplement pas pu l’oublier ! Je n’étais pas au courant, ça explique tout ! Il est venu ici tout seul, ce n’est pas moi qui lui ai dit de s’incruster chez toi pour te surveiller. Il a dû découvrir que son maître est mort, je veux dire… notre maître…

- Tu n’insinues quand même pas qu’il s’agit…

- Si… C’est l’un des fidèles du grand maître des mages. Il ne m’a jamais reconnu comme nouveau maître. Une seule explication, il savait contrairement aux autres mages que le vieux sorcier n’avait pas disparu. Pire, ton conseiller est aussi fort en magie que moi ! Enfin, pas vraiment… Pour être plus précis, je suis bien plus fort que lui, sinon mon maître ne m’aurait pas choisi, seulement je ne pense pas pouvoir le vaincre si facilement pour des raisons personnelles… Pardonnez-moi d’être aussi vague sur le sujet.

- Que faut-il faire, dans ce cas ? demanda Aliénor, en essayant de ne pas paniquer.

- Regarde-le, tu le reconnais ? fit Lohan.

- Non, c’est la première fois que je le vois.

- Mince… Moi qui pensais que comme tu étais la fille adoptive de mon maître, tu saurais quelque chose sur cet homme… Je n’ose pas l’affronter… Je ne sais pas.

- Mais tu as la plus forte des magies de ton côté !

- Tu ne te rends pas compte pour l’instant de la force de ce vieux sorcier… N’as-tu pas remarqué les milliers de livres stockés dans son repère ? C’est de là que j’ai appris la magie, quand j’étais plus petit… Il a dû tout emporter alors que je m’occupais de la séparation des royaumes… Je n’y ai pas fait attention, puisque je suis allé vivre sur terre avec les autres mages. Ces livres viennent de la mer… Ils contiennent les pires sortilèges que je connais par cœur, autrement dit, à chaque sort que je vais lancer, il connait sûrement l’antidote, le contre-sortilège ! J’avoue qu’avec cette magie surpuissante, je n’ai pas besoin de tous ces sorts, elle m’obéit et c’est tout. D’ailleurs, il a toujours été plus lent que moi… mais…

- Mais quel est le problème, alors ? s’étonna Blake.

Quand il vit que Lohan avait du mal à répondre, le prince soupira et proposa :

- Pardon, je ne voulais pas être indiscret… Tu préfères donc qu’on aille d’abord voir mon bras-droit ?

- Oui, si possible. Je… Je n’ai pas encore assez confiance en moi…

- C’est normal, après tout, ton propre maître t’a trahi, et là, tu retrouves l’un de ses alliés… Mais tu vas vite retrouver foi en toi, je le sais, le réconforta Aliénor en lui serrant la main avec chaleur.

- Je ne pensais pas que toi, le grand maître des mages, avais une faiblesse, ajouta Blake en riant.

Quand ce dernier vit l’expression que faisait le sorcier, il se tut. Sa remarque était mal placée.

- Je… Excuse-moi. C’est visiblement un sujet sensible pour toi, et moi, j’en rajoute…

- Non, non… Ce n’est pas grave. Partons juste d’ici, si possible…

- Bien sûr ! Dépêchons-nous, on dirait qu’on fait exprès de rester devant cette maudite porte depuis tout à l’heure.

Dès qu’ils furent assez loin du repère du vieux conseiller, Lohan reprit la parole.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous embêter avec mes histoires… Je sais que je peux facilement le battre, je suis le plus fort des mages mais je n’arrive pas à m’empêcher de penser au pire…

- Tu n’es pas fait de métal, la peur est une émotion naturelle chez les humains, lui souffla Aliénor.

- Je sais mais... J'ai honte ! Je... Juste à cause de quelques souvenirs d'enfance, je me retrouve incapable d'agir... Ça ne m'était plus arrivé depuis bien longtemps... En fait, pas tout à fait. J'ai remarqué qu'à chaque fois qu'un morceau de mon passé refaisais surface, comme quand j'ai à nouveau rencontré mon maître, je me retrouve démuni... Et encore, comparé à mon maître, son fidèle m'effraie bien plus. Je crois que la seule chose de mon passé à m'avoir donné de belles émotions sont mes retrouvailles avec toi...

Émue, elle lui serra la main et le laissa continuer.

Lohan attacha ses longs cheveux blonds. Son regard était perdu dans le vide. Avec difficulté, il finit par murmurer :

- Quand j’étais plus jeune… Il…

- Ne me dis pas que ce fidèle de ton maître t’a…

- Je ne le dirai pas.

- Alors c’est la vérité ?! Il t’a… Il t’a fait du mal ?

Comme s’il s’était soudain réveillé, le jeune mage se mit à parler sans s’arrêter. Il avait gardé cela en lui trop de temps. Et le dire lui ôta un énorme poids des épaules.

- C’était il y a des années, Aliénor, mais j’en ai encore une peur bleue. J’espère que ces mots que je vais prononcer vous ferons comprendre la raison pour laquelle je ne veux pas l’affronter tout de suite… Mon maître m’a manipulé, mais il tenait à moi. Lui… Non. Il était jaloux de l’attention que me portait le chef des sorciers. On n’arrêtait pas de vanter mes talents pour la magie, alors vous imaginez sa colère… Lui, il étudie la magie depuis bien plus longtemps que moi. Je crois même qu’il est plus âgé que le maître des mages ! Quand ce dernier n’était pas là, il venait… Il venait me frapper sans que personne ne soit au courant, il me manipulait l’esprit, il essayait de nuire à mon intelligence, il voulait que je ne sois plus capable d’utiliser la magie… Et même quand je devins assez fort pour me protéger, je fus incapable de l’arrêter, il me faisait bien trop peur… Je… Si ça vous va… Demain… Peut-être que…

- Stop, n’en dis pas plus, nous n’irons pas le voir. Seulement si toi-même tu veux y aller, d’accord ? Rien ne t’y oblige. On se débrouillera. Tu n’as pas besoin d’être présent, je te rappelle que ta magie peut venir nous aider à ta place, alors n’y pense plus, l’arrêta Aliénor.

Elle avait compris que l’état de Lohan empirait dès qu’il pensait à l’idée de devoir affronter un jour le vieux conseiller. Il paniquait, respirait lourdement… Il n’était pas prêt !

Soudain, il fut interrompu avant même d’avoir eu le temps de la remercier.

Des bruits de pas plutôt lourds se faisaient entendre derrière eux.

Pétrifié, tous se retournèrent sauf lui.

Lohan blêmit instantanément et son cœur cessa de battre un instant. Il aurait reconnu cette atmosphère pesante entre mille. Sous l’eau ou sur terre, personne ne marchait de cette façon. Si au royaume des mers, il s’agissait de vibrations aquatiques pleines de négativité, sur terre, il était question d’un léger courant d’air froid. Et ces deux situations avaient un point commun : le frisson extrêmement désagréable qu’il ressentait à ce moment-là.

Le fidèle de son maître bouscula Lohan puis planta son regard mauvais dans les yeux effrayés du garçon. Le sortilège qui servait à masquer leur présence ne faisait pas effet face au vieux mage à la longue barbe grise. Il était capable de voir à travers les illusions, même sans avoir la force du jeune homme.

Heureusement, Aliénor s’interposa et repoussa le conseiller. Ce dernier l’ignora et se mit à rire.

- Ah… Tu es enfin arrivé ! Je me disais bien que j’avais senti ta présence… L’élève si parfait de mon maître qui l’a trahi. Je lui ai toujours dit de se méfier de toi, mais il n’en a fait qu’à sa tête ! Tu as voulu t’enfuir ? Et voici mon cher Aaron, tu m’avais manqué ! Je vois à ton expression que tu n’es pas très content de me revoir… Bah, je vais devoir vous éliminer tous les deux… Vous n’auriez jamais dû toucher à mon maître. Je voulais t’épargner, Aaron, mais après ce que tu as fait, ce sera impossible. Et toi, je me ferais un plaisir de te faire disparaître une bonne fois pour toutes. Ton cher professeur te protégeait, mais il n’est plus là maintenant. Tu as toi-même creusé ta tombe en le tuant.

- Je ne l’ai pas tué ! Je…

Lohan tenta d’en dire plus, mais ses lèvres tremblaient. Alors, Aliénor s’avança et répondit :

- Vous ! Vous n'avez pas le droit de lui parler ainsi après ce que vous lui avez fait subir. Si vous aimiez votre maître tant que ça, vous devriez respecter ses décisions, à savoir ne pas toucher à son élève adoré ! Vous n'étiez pas là lors de ses derniers instants, votre maître a choisi lui-même d'offrir sa vie au frère de Lohan, il voulait avoir fait au moins une bonne action dans sa vie !

- Oh, je ne t’avais pas vue. La fameuse fille de mon maître. Dans ses lettres, il te décrivait comme timide et renfermée, il se trompait à ce point ? rit le vieil homme, sans faire attention à ce qu’Aliénor lui disait.

Il reprit, la regardant d’une manière dégoûtante.

- Il m’a montré tes portraits, tu sais. Je te trouve très belle. Tel père, telle fille comme on dit. Ah, mais oui. Ce n’est pas ton vrai père. Le vrai, il l’a tué devant moi.

- Ne dites pas de bêtises ! Pour moi, même si tout le monde me dit qu’il l’a tué, je pense qu’il l’a juste éloigné. Il tenait à moi, il n’aurait pas pu…

- Mais quand il t’a capturée, il ne tenait pas encore à toi. Ce sont les années qui l’ont adouci.

- Je ne l’aime plus mais je ne veux pas le détester, arrêtez…

- Il va bien falloir que tu le fasses un jour. Déteste-le. Comme ça, je n'aurais aucun problème à t'éliminer, toi aussi. Ainsi que cette maudite sirène. Enlevez-la de mes yeux !

À ces mots, Blake serra Poema dans ses bras afin de la cacher, il devait la protéger. Il s’était promis de ne laisser personne les séparer, et cette fois-ci, il tiendrait parole. Il hésitait à frapper le vieillard de peur de lâcher sa fiancée.

- Et toi, chère Aliénor, viens par ici, avant que je ne te fasse l’honneur de te tuer en premier.

Quand Lohan vit la main ensanglantée du vieux mage, cette même main qui le frappait jadis, s'approcher du doux visage d'Aliénor, son cœur sursauta. Il réagit brusquement et prit conscience de la situation. Il manqua de s'évanouir mais parvint à se ressaisir, presque malade de voir son pire cauchemar se reproduire devant ses yeux.

Dans la hâte, il fit signe à sa magie de stopper le vieillard et téléporta tout le groupe dans la salle du trône, vide et gelée. Ils tombèrent brutalement sur le sol glacé du palais.

- Aïe, ça fait mal, râla le prince et mettant sa main droite sur son front.

Il vit avec soulagement qu’il avait amorti la chute de Poema.

Aliénor, elle, était bien trop inquiète pour son bien-aimé pour se soucier de sa propre douleur.

- On… On aurait jamais dû passer par-là… J’aurais dû nous téléporter dès le départ au lieu de jouer ! Je voulais qu’on prenne le temps, je… Pardon, Aliénor, dit Lohan d’une traite, sans s’arrêter.

Son amie de toujours vit qu’il était essoufflé et tremblait encore. Alors, elle le prit dans ses bras et lui souffla à l’oreille :

- Calme-toi, il n’est plus ici, tout va bien.

- Oui... Oui, je sais mais... J'ai peur... Il... Il ne devrait pas nous causer de soucis durant un bon moment, mais dépêchons-nous de voir ton bras-droit, Blake...

- Lorsque nous étions encore ensemble, que tu ne m'avais pas encore oubliée et que tu étudiais près de ton maître, pourquoi ne m'as-tu jamais parlé de cet homme qui te harcelait ?

Lohan se tût un instant avant de faire signe à Aliénor de se taire.

- Lâche-moi. Je ne voulais pas t'inquiéter pour rien, c'est juste un vieil homme de toute façon. Pourquoi aurais-je peur de lui ? Je vais très bien. Tu peux arrêter de m'enlacer, se reprit-il en se relevant subitement.

Surprise par son brusque changement, Aliénor le lâcha.

- Oh…? Hum… Comme tu voudras…

"Qu'est-ce qu'il a ? Il est si tendu... Veut-il essayer de paraître fort devant les autres, est-il gêné de sa faiblesse ? Pourtant, chacun d'entre nous a une faiblesse, ici... Il a changé d'expression si vite, comme s'il n'était plus lui-même... Je vais le surveiller, je ne veux pas qu'il lui arrive malheur, il ne sait pas s'arrêter quand il est fatigué..." pensa-t-elle en soupirant.

Soudain, ils entendirent la grande porte s’ouvrir.

Morgan apparut sur le seuil, accompagné de plusieurs gardes.

Il s’écria en voyant le prince.

- Q-Quoi ?! Comment es-tu entré ?! Ah, oui, j’oubliais, le spécialiste des fugues, bien sûr que tu es passé inaperçu ! Gardes, sortez.

Les gardes ne dirent pas un mot et lui obéirent, sortant précipitamment de la pièce. Ils n’osèrent pas contredire leur chef malgré leur étonnement de revoir leur ancien prince.

- Toi…! Pourquoi as-tu déclaré la guerre dès que je suis parti ?! s’écria Blake, l’air sombre.

Il réprimait son envie de se jeter sur son bras-droit et de le frapper pour Poema.

Le regard de Morgan passa du prince à la sirène.

- Ça ne te regarde pas, tu as abandonné ton royaume !

- Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-mêmes, toi et les autres au palais avez été affreux envers Poema !

Aucun d’eux ne s’avança. Les deux rivaux se tenaient loin l’un de l’autre, comme ancrés dans le sol.

- Qu’est-ce que tu gagnes à faire la guerre ? s’enquit Blake.

- Pourquoi devrais-je te le dire ?

- Parce que tu n’es pas prince, tu es seulement mon bras-droit ! Tu dois m’obéir !

Pris par une crise de colère, Morgan hurla.

- Tu m’énerves ! C’est toujours comme ça, avec toi ! JE TE DÉTESTE ! JE suis le nouveau prince ! Mets-toi bien ça dans la tête !

- Pourquoi ?! Je ne t’ai rien fait ! Tu es jaloux de moi, c’est ça ?! J’ai toujours su que tu me cachais des choses…

Le bras-droit de Blake ferma les yeux en soufflant bruyamment et serra les poings pour contrôler sa colère.

"Jaloux de toi...? Si seulement c'était le seul problème..."

Brusquement, il renversa un vase de sa main. Le bruit fit sursauter tout le monde.

- Qu’est-ce qui t’arrive ?! fit Blake en secouant la tête.

- Toi, ferme-la. Poema, écoute : "Beauté de son père, perle de la mer. Accepte-moi…". Tu t’en rappelles ? Que croyais-tu ? J’ai trompé ton père depuis des années !

- Qu’est-ce que tu racontes ?! Que dis-tu à ma fiancée ?! Encore un mot et je viens t’égorger sur place. Je ne plaisante pas.

- Aaron, toujours aussi lent d'esprit, hein ? Ce n'est que maintenant que tu me remarques ? Tu vois de quoi je suis capable ? Regarde un peu ta Poema.

Le prince se tourna vers la sirène et constata avec horreur que celle-ci était blanche comme un linge.

- Tu… Tu es toute blanche, comme Lohan tout à l’heure… Quelque chose ne va pas ? s’adoucit Blake en posant sa main sur le visage de sa bien-aimée.

- Partons d’ici tout de suite. S’il-te-plaît.

- Pourquoi…?

- C’est cet homme, c’est lui… Je… On reviendra plus tard ! Regarde l’état de Lohan et le mien, nous sommes impuissants !

Il se retourna et vit que leur ami mage s’était évanoui dans les bras d’Aliénor. Les émotions du mage venaient de prendre le dessus, il ne pouvait plus faire semblant d’aller bien.

- Alors je vais l’emprisonner moi-même !

- Non, ne fais pas ça !

Elle essaya de le retenir mais Blake la repoussa et s’élança vers Morgan en sortant son épée. Poema resta clouée au sol, impuissante, seule l’expression de son visage montrait sa peur.

Morgan ne bougea pas d’un centimètre et attendit patiemment le prince. Quand ce dernier fut assez proche, il le frappa au ventre avec sa jambe. Surpris, le prince se retourna par réflexe vers Poema, voulant s’assurer de sa sûreté. En à peine une seconde, son bras-droit l’assomma avec le deuxième vase qui se trouvait près de lui, profitant de son inattention.

- Je me suis bien entraîné, ne trouves-tu pas ? Ah, j’oubliais. Tu ne vois rien, maintenant que tu es évanoui.

Horrifiée, Poema courut vers son amant qui saignait, mais elle avait réagi bien trop tard.

"Pourquoi... Pourquoi je ne l'ai pas arrêté ?!" se reprocha-t-elle mentalement, sentant les larmes couler sur ses joues.

Morgan les fixa du regard un instant, perdu dans ses pensées.

Il pensait que blesser Aaron allait le soulager, mais le voir inconscient au beau milieu d'une mare de sang ne lui procurait qu'une seule chose : du dégoût, et non de la joie.

Le jeune homme sentit son cœur le lancer. Ignorant sa propre douleur, il se reprit. Il devait partir d'ici, et vite. Rester une seconde de plus auprès du prince allait le rendre malade.

Il soupira avant d'attraper le bras de Poema avec force.

- Toi, tu viens avec moi.

- Lâche-moi, tu es complètement fou ! Je ne peux pas le laisser ici !

- On part attendre ton père. Il ne sait pas que je suis le bras-droit de l'humain qui t'a fait quitter le royaume marin pour lui, et tu n'as pas intérêt à le lui dire. Il sera bien content que je lui ramène sa fille quand il viendra ici, surtout quand il saura que je suis ton prétendant.

Aliénor les regardait sans savoir quoi faire. Elle préféra se faire oublier par Morgan qui ne regardait que Poema. S'ils partaient en la laissant seule, elle pourrait soigner Blake et secourir Lohan... Cet homme n'avait pas l'air de vouloir blesser la sirène...

- Pourquoi t’acharnes-tu sur moi ?! Je commençais justement à oublier le fait que j’ai fui le royaume en grande partie à cause de ce prétendant que mon père m’a trouvé… Toi !

- Ah, alors tu te souviens bel et bien de ma lettre si tu as reconnu le passage que j’ai cité tout à l’heure… Le jour où tu as quitté le palais d’Aaron, je voulais te rejoindre, mais il l’a fait avant moi… Il est toujours plus fort que moi, mais c’est fini, maintenant, regarde-le. Il ne bouge plus et personne ne va l’aider. Je vais régner sur terre et dans la mer.

Morgan se tourna à nouveau pour regarder le prince, mais dut se détourner bien vite, faisant mine de ne pas être affecté par son état.

Poema tenta alors de se débattre mais il la retenait fermement.

- Tu peux pleurer autant que tu le souhaites, ça ne changera rien. Partons au village. Le roi triton ne devrait pas tarder, je viens de recevoir sa lettre.

- Tu as trompé mon père, tu n’es pas un prince triton d’un autre royaume !

- Qu’est-ce que tu en sais ?

- Tu es humain ou triton ?! Réponds-moi !

- Plus tard.

Il la souleva brutalement et sortit de la salle à grands pas.

Les humains l'avaient rejeté.

Mais la mer l'a abandonné bien avant.

Il voulait continuer à tromper le roi triton puis éliminer tous les humains en les noyant. Pourquoi régner ? Il avait surpassé Aaron : Poema ne l'aimait pas, elle lui appartenait !

Enfin, il se décida : cette fois-ci, il en était sûr.

Il devait partir en bateau avec elle et éliminer tous ceux qui l'avaient rejeté.

C'est-à-dire tout le monde.

À quoi bon laisser les autres en vie s'il avait laissé pour mort le seul qui dont l'avis comptait pour lui ?


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Le relais
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La porte s'ouvre sur un homme vêtu d'un manteau de laine. Le vent s'engouffre dans l'entrée, le temps qu'il la referme.

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