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La Fin des mystères

La Fin des mystères

Published Jun 23, 2020 Updated Jun 23, 2020 Culture
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La Fin des mystères

Voici l’un de mes gros coups de cœur de 2009. La Fin des Mystères de Scarlett Thomas m’a littéralement passionné, enthousiasmé, subjugué. Avec La Route et Un Mec Sympa (dans des styles tous très différents) il s’agit de mon tiercé gagnant de l’année (impossible de donner un ordre précis d’arrivée), le genre de claque qu’on aimerait se prendre plus souvent !

Pourtant au premier abord, je n’aurais pas parié grand-chose sur la possibilité que ce livre me plaise autant. La quatrième de couverture ne m’a absolument pas accroché, et pour être honnête si le roman s’en était tenu à ce qui y est annoncé en résumé de l’intrigue j’aurais passé mon tour. Les mystères et légendes urbaines à base de livre maudit, voilà un thème bateau qui aurait plutôt tendance à me faire fuir. Ce qui a piqué ma curiosité ce sont les échos ultra-favorables que j’ai pu en avoir au travers de sites où les intervenants ne sont pas du genre à mâcher leurs mots quand ils n’aiment pas un bouquin, et des éloges de la part de gens dont la culture et l’érudition m’inspirent confiance. Grand bien m’a pris de ne pas m’arrêter à ma première impression, et très certainement l’effet de surprise qui en a résulté m’a encore plus fait aimer ce roman.

L’héroïne de l’histoire est une étudiante britannique,
Ariel Manto, qui rédige une thèse sur les « expériences de pensée », depuis la théorie du Big Bang jusqu’à la relativité d’Einstein en passant par le chat de Schrödinger, la théorie du Chaos ou la montre de Paley, à travers l’étude transversale de divers scientifiques. C’est avec une émotion intense et totalement incrédule qu’elle tombe un jour sur un exemplaire de La Fin des Mystères, ouvrage de la fin du XIXè siècle rédigé par un scientifique victorien méconnu, Thomas Lumas. Lumas y raconte sous forme d’histoire romancée l’aventure d’un certain Mr. Y qui par l’intermédiaire d’une potion étrange accède à un pan de la réalité qu’il a nommé la troposphère et qui n’est ni plus ni moins que la dimension de la pensée pure. Pour Ariel cela tient quasiment du miracle : un seul exemplaire de ce livre est répertorié et enfermé dans un coffre-fort quelque part dans une banque suisse et la voilà en possession d’un autre exemplaire de l’ouvrage qu’elle pensait unique. Et ce n’est pas tout… une légende flotte au sujet de ce livre, une malédiction qui voudrait que tous ceux qui l’ont lu auraient mystérieusement disparu…
Mais la curiosité et l’esprit de découverte d’Ariel vont la pousser à se jeter dans la lecture du livre de Lumas, et ce qu’elle va y découvrir changera radicalement sa perception du monde en lui ouvrant l’accès à cette fameuse troposphère. Cependant Ariel n’est pas la seule à s’intéresser à ce livre, et c’est simultanément dans la réalité matérielle et dans la dimension de la pensée que va s’engager une haletante course poursuite, parsemée de découvertes et d’expériences incroyables…

(Petit aparté : le titre original comporte un joli jeu de mots malheureusement intraduisible puisqu’il reprend le titre du livre de Lumas « 
The End of Mr. Y ».)

Je ne sais pas si avec ce court résumé d’introduction j’aurai réussi à vous donner l’envie de lire
La Fin des Mystères, mais sachez que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg que je vous ai dévoilée là ! Ce livre est d’une richesse assez incroyable, abordant un nombre impressionnant de thèmes allant de la physique quantique à la foi, la philosophie, la science, l’amour, la littérature, Dieu, le sexe, la vie, la mort…
Et ce qui le différencie encore un peu plus des autres livres qui abordent ce genre de sujets, c’est le style, le ton, l’écriture. Souvent ce sont des scientifiques qui écrivent et vulgarisent des expériences telles que celle du Chat de Schrödinger pour reprendre un exemple connu. Des scientifiques écrivains en quelque sorte. Ici on sent nettement qu’il s’agit de l’inverse. C’est une âme littéraire qui parle de concepts scientifiques. Et ça change beaucoup l’angle sous lequel tous ces concepts sont intégrés dans l’histoire. La métaphore devient la réalité, ou peut-être est-ce la réalité qui n’est rien d’autre qu’une métaphore créée par notre esprit ?
Une citation de
Samuel Butler introduit la première partie du roman et donne le ton : « Non seulement rien n’est ni bien ni mal si ce n’est par la pensée, mais rien n’est en soi tant que la pensée ne l’a pas fait exister. »

Mais ne soyez pas effrayé pour autant, Scarlett Thomas ne nous assène pas de vérité fracassante à la manière d’un gourou de secte, elle nous mène simplement à travers la pensée, dans des réflexions sur ce qu’est le monde, sur ce que nous représentons en tant qu’êtres intelligents et doués de conscience, elle donne quelques clés pour aborder les dernières découvertes en matière de physique quantique (ce lien ténu entre matière et énergie, ondes et particules…), bref au travers de
La Fin des Mystères on est amené à dépasser les simples apparences du monde qui nous entoure… ce qui de fait nous inclut dans le livre, et fait du lecteur également un acteur. On ne peut s’empêcher de faire des rapprochements et des comparaisons avec notre ressenti, nos expériences, notre vision de la vie. J’ai pour ma part été tout particulièrement emballé et scotché par le chapitre 25 (si ma mémoire ne me joue pas des tours) dans lequel Ariel et un des personnages du roman discourent d’une théorie sur la réalité, la pensée et leur substance, et quand un livre parvient à mettre mes neurones en ébullition comme ça, je suis conquis.

Je précise également qu’il est inutile d’être un scientifique pour comprendre ce livre, même si certains concepts abordés semblent compliqués à première vue. Il suffit d’être curieux et de se laisser aller à la réflexion pour accompagner Ariel dans son périple incroyable.

Ce roman, outre la part belle qu’il donne à l’imagination, est aussi une formidable invitation à la réflexion, à l’introspection, à la mise en abîme de ses propres certitudes et croyances. On est embarqué dans une remise en question de tout ce qu’on pensait jusqu’alors évident, l’existence nous est présentée sous un jour qu’on n’aurait peut-être jamais imaginé seul. On s’évade, on découvre, on grandit avec ce livre.

À lire absolument.

 

Cet article a été initialement publiée sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com

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