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Depuis quelques années, les romanciers scandinaves ont fait une grosse percée en littérature. Tout particulièrement dans le polar, où auteurs suédois et norvégiens excellent. Mais bien qu’il nous vienne de Suède, ce roman là n’appartient pas du tout à ce genre sombre et violent. Vous n’y croiserez personne qui ressemble, de loin ou de près, à Lisbeth Salander.
Son auteur, Solja Krapu, nous propose de suivre le temps d’un week-end la vie d’une petite professeur de collège, bon chic bon genre. Eva-Lena a 39 ans, un mari, trois enfants, une maison parfaitement ordonnée et une vie posée sur les rails d’une voie toute tracée. C’est peu de dire qu’Eva-Lena manque cruellement de fantaisie. Dans le genre control freak ménager on ne fait guère mieux en fait. Tout dans sa vie est parfaitement maîtrisé, du travail à la maison, de la vie en société à sa vie de couple, tout est strictement agencé, prévu dans les moindres détails et de ce fait aussi complètement aseptisé. Pas de surprise, aucune originalité, Eva-Lena ne fait que dans l’utile, le fonctionnel, l’organisation à outrance. Autant dire qu’elle apparaît à son entourage comme quelqu’un de plutôt austère, rigide, pointilleuse, bref : une coincée.
Son quotidien a été quelque peu bousculé depuis la dernière rentrée scolaire par l’arrivée d’une nouvelle professeur de dessin, qui s’avère également être une ancienne amie d’enfance et qui est son exacte opposée : toujours dépassée et passablement désorganisée mais éminemment sympathique et populaire car toujours souriante, empathique et positive. Tout à son travail et son planning du week-end, Eva-Lena retourne un vendredi soir au collège, pour y faire quelques photocopies histoire de s’avancer dans son boulot. C’est là qu’elle se retrouve enfermée par inadvertance dans le local de la photocopieuse, seule et sans son téléphone portable, alors que l’établissement est déjà vide. Avec la perspective d’y passer le week-end entier si personne ne la retrouve avant lundi matin… Cette attente va être pour elle l’occasion de laisser divaguer ses pensées, se relater ses dernières semaines, ce qui va l’amener sur quelques pistes de réflexion et d’auto-analyse, le tout avec un humour cependant tout empreint d’une certaine délicatesse.
Le roman n’est pas très long, et il se lit plutôt facilement, le style léger et quelque peu doux-amer est assez agréable. Les personnages sonnent tous juste, l’enchaînement n’est ni poussif ni trop rapide, et on peut même par moment se retrouver ici ou là dans l’un ou l’autre personnage (y-compris dans les obsessions de contrôle d’Eva-Lena en ce qui me concerne, ce qui n’a pas été sans provoquer un certain malaise je dois bien le dire) ou situation du quotidien qu’on a pu connaître soi-même. De cette situation de départ plutôt saugrenue, l’auteur parvient à nous emmener là où elle veut tout en menant une réflexion pas inintéressante sur le contrôle qu’on peut (ou non) exercer sur sa vie, et sur les conséquences comportementales que cela peut avoir sur notre existence. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est de la grande philosophie, mais c’est loin d’être dénué d’intérêt. Le concept de lâcher-prise, sans être jamais frontalement nommé est pourtant bien l’un des thèmes centraux de cette petite histoire sans prétention.
Alors ça n’en fait pas un grand livre et encore moins un incontournable, mais dans la catégorie aimable-comédie-source-de-réflexion-quand-même on peut dire que ça tire son épingle du jeu. Vous ne vous en relèverez pas la nuit pour en écrire une critique sur votre blog, mais la lecture s’avère plaisante malgré tout. Donc si vous voulez lire du suédois sans meurtre ni personnage torturé, ce livre peut être un choix satisfaisant. À vous de voir...
Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com