Ne lisez pas ce livre si vous êtes stupide
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Ne lisez pas ce livre si vous êtes stupide
Si ça c’est pas malin comme titre de bouquin !!
C’est justement pour ça que je l’ai lu. Non pas parce que je ne me considère pas comme stupide (au contraire même, à bien des égards je me sens parfaitement capable de l’être), mais parce que j’ai trouvé cette idée de titre excellente de malice. Forcément moi ça pique ma curiosité, et je me dis que là derrière peut se cacher tout et n’importe quoi, mais que ce sera forcément quelque chose d’intelligent.
Dans Ne lisez pas ce livre si vous êtes stupide, l’auteur anglais d’origine hongroise Tibor Fischer a réuni sept nouvelles de tailles variables (d’une dizaine à une centaine de pages).
Avec On a mangé le chef, on suit un patron d’entreprise informatique au bord de la faillite, qui, au bout du rouleau, décide de partir sur la Côte d’Azur voir s’il lui est encore possible de prendre du bon temps (entendez par là se baigner et dormir). Dans Portrait de l’artiste en tueur enragé, un artiste se façonne une vie de tueur en série, convaincu que c’est la seule façon de faire reconnaître son talent au grand jour. Dans La liasse de l’espoir c’est un type ordinaire qui se met en tête de devenir le « Kid de Manchester » et troque son boulot au bureau d’urbanisme de sa ville contre des santiags et deux colts. Et après … on vous traite de poivrot est peut-être la plus difficile à résumer et certainement ma préférée. On y croise Guy, un gars au regard sarcastique mais lucide sur ce qui l’entoure, et on le suit lors de ses tribulations dans la ville de Brixton, repère ultime de tarés ordinaires. L’enfer c’est froid retrace la découverte d’un charnier par un reporter à Timisoara pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans Le rat de bibliothèque on rencontre un personnage assez original, qui s’est mis en tête de lire tous les livres qui existent et ont existé, et qui pour ce faire vit dans les bibliothèques et lit les ouvrages deux par deux, un dans la main droite l’autre dans la main gauche… Enfin dans J’aime me faire assassiner le personnage principal est une comédienne nymphomane et obsédée par les pinces à épiler…
Mon sentiment sur ce recueil de nouvelles est très contrasté. J’ai adoré le style. C’est blindé d’humour très noir, très cynique, très froid mais très bien vu. Tibor Fischer a un véritable talent pour décrire un personnage, retranscrire un caractère, sonder une psyché, tracer un portrait saisissant de réalisme. Je dirais même que ses nouvelles sont autant d’études comportementales. Tous ses personnages sont désabusés, sur la corde raide, tangents. Une espèce de désespoir insondable se dégage d’eux, on sent qu’ils vont droit dans le mur et qu’ils ne feront rien pour s’écarter de leur trajectoire suicidaire. En cela, les personnages sont profondément humains, bien que souvent extrêmes.
Mais la contrepartie à tout ça c’est qu’il ne se passe pas grand-chose dans ces histoires. Pas d’intrigue, pas d’enjeu, l’auteur enchaîne des situations, des réflexions, des dialogues, mais ça ne mène nulle part. C’est bourré de bonnes idées et très bien écrit, l’humour tape juste… mais ça s’arrête là et c’est très dommage, car j’en suis sorti avec un sentiment d’inabouti. Et du coup sur moi la conséquence est radicale : je n’en retiens presque rien. Pour écrire cet article il a fallu que je reprenne le bouquin et que je survole toutes les nouvelles une à une pour me souvenir de quoi elles parlent. Ça ne fait pourtant que quelques mois que je l’ai lu ce livre…
Bref, j’ai du mal à en conseiller la lecture, bien que je sois conscient qu’il ne s’agit pas d’un mauvais livre du tout. C’est un très bel exercice de style, mais plutôt décevant sur le fond. Ou alors tout simplement, si je m’en réfère au titre, n’aurais-je pas dû lire ce livre finalement…
Cet article a été initialement publiée sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com