Glückwunsch! Deine Unterstützung wurde an den Autor gesendet
"Affamés d'indépendance"

"Affamés d'indépendance"

Veröffentlicht am 4, Juni, 2024 Aktualisiert am 4, Juni, 2024 Romance
time 6 min
3
Liebe ich
0
Solidarität
0
Wow
thumb Kommentar
lecture Lesezeit
6
Reaktion

Auf Panodyssey kannst du bis zu 30 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 29 articles beim Entdecken.

Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten. Einloggen

"Affamés d'indépendance"

                                                                                                   Un soupçon de 1874 aux allures de Paris

 

Lettrine L majuscule en enluminure


a mèche en arrière défiant la moustache en pointe, Louis Leroy, critique d’art pour Le Charivari - journal aussi bêtement tapageur que son titre le laisse entendre, se pourlèche des confidences que ce benêt de Degas se fait extorquer.
Il faut dire que le peintre, distrait, guette par la baie vitrée la venue de Manet, espérance vaine puisque le refus de l’artiste de participer à l’exposition laisse présager son absence.
Clarisse, à quelques têtes de là, n’en trépigne pas moins d’impatience. Elle sait que Leroy se montrera obtus derrière ce soit-disant « esprit » que la majorité lui accorde.

Pourtant c’est le renouveau qui s’invite en ce mois d’avril dans l’atelier de Nadar, 35 boulevard des Capucines.

Les impressionnistes chez Nadar

Dans huit salles réparties sur deux étages aux murs tendus de laine brun rouge, les toiles disposées sur un ou deux rangs sont flattées par une lumière dorée par ce jeune printemps. Renoir a tenté de placer équitablement les créations mais se retrouvant pratiquement seul à organiser l’accrochage, il a eu quelque mal. Pissaro n’a cessé de se plaindre à ce sujet, heureusement loin de la stupeur ou de la désapprobation qui déjà montrent vilain visage. Malgré la présence d’artistes plus classiques comme Debras ou Meyer, certains visiteurs murmurent, d’autres récriminent allant jusqu’à menacer la Moderne Olympia de Cézanne.

Près de l’escalier Nadar et Latouche semblent discuter âprement : Clarisse a appris que les recettes ne compenseront pas les dépenses alors même que les peintres peuvent pour une fois vendre directement leurs oeuvres au public.

- Sacrée ambiance n’est-ce pas ?

Clarisse sursaute et tombe nez à nez avec Pierre Isidore Bureau. Devant Clair de lune sur les bords de l'Oise à l’Isle-Adam il semble, vêtu de noir, se fondre dans son tableau dont les ombres en camaïeu trouvent un écho dans son regard - de ce regard émane une douceur par laquelle elle se laisse prendre.

- C’est un peu dans le goût de la peinture hollandaise du XVIIème n’est-ce pas ?
- Je suis un nostalgique.

Elle apprécie aussitôt ce charme rieur qu’il dégage.

- Il y a quand même dans cette vue nocturne toute en esquisse, un point commun avec les autres toiles.
- Il est si rare d’être compris surtout par une critique car c’est votre métier n’est-ce pas ?
- Clarisse Bader, journaliste pour La Citoyenne.
- J’en ai lu quelques articles, percutants je dois dire. Vous êtes donc la plume de la rubrique Arts et plaisirs ?

Elle confirme d’un petit salut. Il sourit.

- J’ai particulièrement aimé ce que vous dites à propos des talents reconnus : « Même si la gloire n’élit que certains d’entre nous, j’ai toujours été surprise que l’on puisse croire aux êtres d’exception. Ils ne le sont pourtant que par un long processus génétique, social ou historique dont ils sont le fruit ».

Surprise d’être aussi bien citée, elle le regarde avec plus d’attention. Sans en être gêné il se laisse observer pour lui soumettre obligeamment :
- Que diriez-vous d’une visite personnalisée ? Je me propose comme guide !

Elle se saisit de son bras offert pour déambuler avec lui.
Il lui explique que les peintres réunis en ces lieux n’envisagent pas de peindre la réalité mais plutôt l’ambiance ; ce n’est pas le détail qui importe mais l’impression d’ensemble.
Souligner les touches nettement visibles des coquelicots de Monet, la rapproche d’elle, son souffle caressant un cheveu sur la nuque de la jeune femme. Plus loin il parle de la juxtaposition des tons purs qui dans un tableau de Degas accentue la lumière du paysage ; ses mots frémissent en elle, l’enveloppent comme s’il savait lesquels l’ouvrirait à lui.
Par nuances successives il lui peint un tableau de tableaux devant lesquels ils passent, oeuvre imaginaire encore plus vivante que chacune de celles qui le composent.

- Ici vous pouvez, en vous penchant, remarquer par endroits que c’est la toile nue qui rend les traces de neige sur le paysage.

Ce « nu » n’a été qu’un murmure, accent enjôleur versé sur son émoi et pour le cacher elle s’attarde sur les coups de pinceau de Pissaro.

- Les peintres porcelainiers de Sèvres ont fait de même sur un service à dessert : ils utilisaient la blancheur de la porcelaine pour rendre ruisseaux, lacs ou montagnes.
- C’est astucieux !

Ils montent un étage et dans un tournant par hasard son sein frôle le bras masculin, elle s’écarte, saisie par ce frisson qui en ondes lentes se propage en elle.

- Renoir et Sisley semblent aimer ces effets de pâte que l’on note dans le jupon d’une danseuse ou pour des arbres en bordure de seine. A-t-on recensé les différentes techniques de ce type de peinture ? Demande-t-elle pour s’en distraire.
- On a au moins un aperçu : les éclosions, les hachures croisées, les pointillés, le brossage à sec ou les sgraffites.
- C’est-à-dire ?
- Les égratignures dans la peinture. Vous êtes tellement sensitive … C’est un plaisir pour un artiste.

L’intensité soudaine de son regard la brûle, elle est happée par lui, par la chaleur qu’il dégage ; son parfum s’insinue discrètement et la retient tout près. Il prend une grande inspiration qu’elle croit partager tant son propre souffle lui manque.

- Pouvons-nous nous diriger vers Le berceau de Berthe Morisot ?

Sa voix lui semble si tremblante qu’elle s’en agace et presse le pas plutôt que son corps contre le sien.
Ils se retrouvent alors devant le tableau : peu d’effusions de couleurs ce qui évoque le sujet aussi efficacement que la main maternelle posée sur le drap révèle de tendresse. Clarisse en profite pour retrouver ses esprits.

- Seules deux femmes participent à cette exposition : Madame Morisot et la comtesse de Luchaire. Cinq tableaux pour la première et un seul - Lieutenant de lanciers, pour la seconde.
- Il est regrettable que nous n’ayons pas de collègues féminines plus nombreuses. C’est vrai.

Elle se réjouit de le sentir aussi sincère.

- Aimeriez-vous que nous discutions de votre article une fois qu’il sera paru ?

Il attend aimablement pourtant elle perçoit son impatience : dans sa main repliée sur son torse, ses lèvres entrouvertes et à cause de cette lueur dans ses yeux qui lui rappellent que maintenant son coeur de femme bat un peu plus vite.
Elle accepte bien sûr.
Il la reconduit jusqu’à la sortie, s’incline sur sa main qu’il tient un peu trop longtemps mais elle ne parvient pas à la lui retirer.
Va-t-il l’attirer à lui ?          Se pencher …         Elle n’a qu’un désir,         sentir sa bouche sur la sienne.
C’est là qu’il lui chuchote « bientôt Clarisse » comme un serment.

 

 

 

 

Photo de couverture : La visite au musée, 1877-1880 - Edgard Degas (Museum of Fine Arts, Boston)
Lettrine et illustration : Chantal Perrin Verdier

 

 

 

lecture 40 Aufrufe
thumb Kommentar
6
Reaktion

Kommentar (10)

avatar

Chantal Perrin Verdier vor 14 Tagen

@Jean-Christophe J'ai une attirance particulière pour les impressionnistes. Ils ont su renouveler sujets et méthodes artistiques tout en demeurant dans "le beau". Je suis tellement déçue de ne pas être à Paris pour l'exposition au musée d'Orsay.
avatar

Chantal Perrin Verdier vor 14 Tagen

Petit oubli : j'ai rajeuni Pierre Isidore Bureau pour les besoins de l'histoire
avatar

Jean-Christophe Mojard vor 14 Tagen

Ton texte m'a fait replonger directement dans le reportage sur les impressionnistes, vu récemment sur Arte grâce à Alexandre qui l'avait partagé. Dès les trois premières lignes, j'étais dedans. La confirmation est venue avec l'adresse de l'atelier. Superbe et merci. Ça fait du bien de lire de la culture savamment distillée.
avatar

Jean-Christophe Mojard vor 14 Tagen

Un texte qui aurait pu figurer aux côtés des tableaux de cette exposition à l'atelier Nadar. L'ambiance se dépeint à chaque ligne, en délicates touches de mots choisis.
avatar

Chantal Perrin Verdier vor 14 Tagen

L’illustration dans le texte est inspirée du portail du Musée d’Orsay : Un soir avec les impressionnistes - Paris 1874
Expédition immersive en réalité virtuelle
https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/un-soir-avec-les-impressionnistes-paris-1874
avatar

Chantal Perrin Verdier vor 14 Tagen

L’expression « Affamés d’indépendance » est empruntée au site du Musée d’Orsay.
https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/paris-1874-inventer-limpressionnisme

Du kannst deine Lieblingsautoren mit einer Spende unterstützen

Die Reise durch dieses Themengebiet verlängern Romance
À toute épreuve
À toute épreuve

                                  &...

Chantal Perrin Verdier
9 min
Épisode 9
Épisode 9

POV Logan Deux mois s’étaient écoulés depuis la soirée chez Ethan....

L. S. Martins
9 min
Chapitre 10 - POV Askaï
Chapitre 10 - POV Askaï

Après un bref séjour dans nos cachots, Jack, Franck et Justine avaient été installés par...

L. S. Martins
7 min

donate Du kannst deine Lieblingsautoren unterstützen