Nuit grise. Les doutes en ritournelles.

Comme à chaque fois qu’un projet prend son envol et déploie ses ailes, encore humides de rosée. C’est toujours la même chose.

Quand l’une de mes histoires se dévoile, en papier ou en numérique, quelque chose en moi entre en apesanteur.

Je n’arrive pas à m’ancrer. Et c’est risqué parce que c’est souvent à ce moment-là que mon cœur est le plus exposé.

Est-ce la même chose pour vous ?

Est-ce qu’être auteur c’est immanquablement avoir le cœur qui se met à saigner ?

Et puis, cette période est étrange, je me sens toute petite par moments.

Ça ne me ressemble pas vraiment. En tout cas, ça ne ressemble pas à l’image que je véhicule généralement.

Je suis une femme forte, sur laquelle on peut compter.

Une femme qui souffle sur les nuages pour les faire s’éloigner, celle qui met de la musique et des rires sur les aléas de la vie pour les transformer en péripéties dont on pourra rire ensemble un jour qui ressemblera à demain.

Je me suis construite sur des chimères auto-érigées. C’est sans doute en me raccrochant à elles que je ne me suis jamais effondrée, mais je réalise que les fondations sont meubles, que mon château chancelle par instants, alors je souffle encore plus fort pour aveugler mes yeux de poussière d’or.

Cette année, il y a eu des choses extraordinaires.

Des rencontres qui comptent plus que la somme de plusieurs décennies, des âmes dont je suis tombée en amour, qui m’auréolent de leur présence “aimantique” et fusionnelle, mais il y a eu aussi du moche, du sale, du sordide.

Quand ma carapace de guerrière, éclaboussée du sang de mes secrets, était au pressing, j’ai croisé le chemin d’un croque-mitaine déguisé en écorché. J’ai cru le reconnaître d’une vie passée. Je me suis trompée.

J’ai mis du temps à lire les présages, à écouter mon intuition qui hurlait en dedans, me vrillait le ventre, peuplait mes rêves de cauchemars. J’ai mis du temps à voir parce que je m’y refusais. Pas encore, pas toujours. Pas possible.

Et puis, la phrase de trop, celle où tout bascule, celle où mes yeux s’ouvrent enfin en grand et les visages des démons du passé se juxtaposent, subitement, à ses traits. Puis, le besoin irrépressible de m’enfuir, vite, loin, de disparaître derrière un clavier, de n’être pour lui qu’un prénom, un souvenir immémoré. Se mettre en sécurité. Lever le pont-levis. Sortir les herses. Redevenir souveraine.

Je suis un cœur tendre, qui ne sait pas lire entre les lignes ou qui s’y refuse, c’est selon, parce que je crois en la magie de l’amour.

Et quand je parle d’amour, c’est dans sa globalité, dans toutes ses nuances, dans toutes ses couleurs.

De l’amour fraternel, à celui de plumes,

de l’amour louve de la maman que je suis,

de l’amour Vésuve que j’ai hérité par le sang,

de l’amitié au désir,

de la folie douce à la furieuse passion.

Parce que je suis une amoureuse des âmes et que la mienne entre en vibration avec la sincérité, pure et les émotions, brutes.

Parce qu’il n’y a rien de plus beau qu’une raison qui déraisonne, qu’un amour si puissant qu’il sait, à lui seul, faire voler en éclats chacune de nos certitudes en un millier de fragments.

Mais si je dis “Je t’aime” c’est que j’en pèse chaque lettre, chaque respiration.

Et que je le saupoudre de points de suspension dans lesquels se taisent un océan de promesses et d’espérances.

Parce que je t’aime n’est pas une fin en soi, Je t’aime est un prologue. Et même un préambule.

Il chuchote que tu fais partie de moi, que tu niches au fond de mon cœur, il veut dire que je serai là quand ton ciel tournera à l’orage ou quand tu seras tout en haut de ton piédestal. Il veut dire que demain, je t’aimerai encore, parce que l’amour, le vrai, ne prend pas la mouche à la première tournure maladroite. Il veut dire que je t’aime, toi, en entier, malgré tes failles, tes aspérités, malgré le passé, malgré les doutes et les erreurs.

Alors oui, j’ai l’amour en grande estime et certains diront même que je l’idéalise.

Mais je crois surtout que nous en avons perdu la substance, la profondeur.

Je crains que cette phrase n’ait été galvaudée par des siècles de mauvais usage.

Je t’aime est à lui seul, une promesse formulée, un serment d’éternité, même si nos chemins devaient se séparer.

Même si l’éternité devait expirer demain.

Parce qu’un “Je t’aime” laisse toujours sa trace, son empreinte, son sceau, quand il se prononce avec le cœur d’une femme-enfant qui aspirera, toujours, et ce malgré les égratignures, à le rester.

Xoxo, Juliette

image réalisée avec Seelab et retravaillée avec Canva