Chapitre 39 : L’écho du silence

Amélisse sortit du commissariat, les jambes un peu engourdies. Elle ne savait plus si c’était le stress, la tension des questions de l’inspecteur Martin, ou simplement l’effroi d’avoir été si proche de flancher.

Elle inspira profondément. L’air froid du dehors la gifla légèrement, réveillant ses sens. Elle ne se souvenait même plus de l’heure à laquelle elle était entrée.

“C’est juste une vérification de routine…”

Elle se répétait ça depuis la veille. Mais non. Ce n’était pas une routine. Ce n’était plus une coïncidence. Carl avait parlé, ou plutôt, Carl avait agité ses fils en silence. Et maintenant, les dominos tombaient un à un.

Elle se félicita d’avoir tenu bon. Elle n’avait rien dit. Pas vraiment. Du moins, pas encore. L’inspecteur Martin avait un ton si calme, si plat, qu’il lui avait presque semblé bienveillant. Presque. Mais chaque question portait, comme une aiguille qu’on glisse doucement sous la peau.

“Vous étiez tous là ce jour-là ?”

“Vous avez quitté les lieux à quelle heure précisément ?”

Elle n’avait pas flanché. Non. Mais le doute était là, comme une fissure dans un mur qu’on croyait solide.

Elle monta dans sa voiture. Ferma la porte. La bulle. Enfin. Un instant hors du monde. Elle enclencha la radio, mit la première musique venue, un morceau doux, presque joyeux. Totalement décalé par rapport au fracas intérieur qui l’habitait.

Son téléphone vibra.

Marbella.

Elle le fixa. Une part d’elle voulait décrocher. Mais une autre… en avait assez. Elle coupa la sonnerie, et laissa le téléphone retomber sur le siège passager.

“Pas maintenant. Pas encore. J’ai besoin de souffler.”

Elle se mordit la lèvre, les mains sur le volant, incapable de démarrer tout de suite. Trop de pensées. Trop de peur.

“Est-ce que j’ai bien fait de lui envoyer ce texto ? Est-ce que ça ne va pas relancer toute la psychose ?”

Et si le groupe apprenait qu’elle avait été convoquée sans rien dire ? Et si elle passait pour une traîtresse ? Et si… elle devenait la prochaine cible de Carl ?

“Ils vont tous passer. Je suis juste la première.”

Une intuition froide, ancrée. Carl n’avait jamais prévu que ça s’arrête là.

Elle prit une grande inspiration. Reposa ses mains sur le volant. Et démarra enfin.

Mais son regard, dans le rétroviseur, ne cessait de chercher quelqu’un dans la foule. Comme si elle s’attendait à voir surgir une silhouette familière, une présence invisible qui continuait de les surveiller.

Écrit le 23/04/2025

Image Dall.E

Barbara Wonder