Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
avatar
Chapitres 7 et 8

Chapitres 7 et 8

Publié le 17 janv. 2022 Mis à jour le 17 janv. 2022 Culture
time 59 min
0
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 329 lectures
0
réaction

Tu ne peux plus consulter d’articles ce mois-ci sans être connecté.

Pour ne pas être limité et profiter pleinement de nouvelles fonctionnalités, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

Chapitres 7 et 8

                                                                                   

                                                                                           7.

                   — Décidément, cette journée ne m’aura rien épargné ! maugréa Jacky.

                Si le badge d’accès intégré dans sa montre connectée avait déverrouillé la porte principale et actionné l’éclairage le temps pour le jeune homme de grimper au premier étage où se trouvait son duplex, il n’en était pas de même pour l’entrée de celui-ci. Il ne pouvait y avoir une anomalie du code unique sauvegardé sur sa montre puisqu’il avait pu pénétrer dans l’immeuble. Alors pourquoi ne parvenait-il pas à commander l’ouverture de la porte de son appartement ?

                Le jeune homme se sentait irrité et fatigué. La journée avait été compliquée, Ralph s’étant appliqué toute la matinée à distiller des attaques sournoises. Jacky ne comprenait pas pourquoi ce dernier avait une telle hargne contre lui et s’était réjoui de le voir s’absenter l’après-midi. Certes, leur motivation de base était diamétralement opposée, l’un entreprenant les études par conviction, l’autre par obligation. Cependant, cela ne pouvait expliquer l’attitude de ce condisciple pour le moins désagréable.

                Pour couronner le tout, alors qu’il mettait un point final aux notes d’un cours important, sa vieille tablette avait décidé de rendre l’âme réduisant à néant les rapports de ce jour difficile. Si seulement cela s’était produit après que le transfert des données dans la mémoire de Vésa fut terminé !

                Il passa le poignet pour une sempiternelle fois devant le capteur afin que la lumière soit rétablie. Il avait beau tourner le problème dans tous les sens, il ne trouvait aucune solution. Et que faire à cette heure tardive ? Si simplement, il n’avait pas fait un détour par la bibliothèque virtuelle de FMC.

                   — Puis-je vous être utile ?

                Jacky sursauta à cette question et se retourna brusquement pour se retrouver devant une jeune fille arborant un franc sourire.

                   — D’où venez-vous ? s’inquiéta-t-il sur la défensive. Je ne vous ai entendue ni descendre ni monter l’escalier.

                   — Mauvaise journée ? remarqua, pour toute réponse, son interlocutrice imperturbable.

                   — Vous en soucieriez-vous ?

                   — Soit vous vous trompez d’appartement, soit vous avez trafiqué un code pour pénétrer dans ce complexe.

                   — Désolé de vous décevoir, mais le logement qui m’a été attribué depuis un moment déjà est bien celui-ci. Et il n’est pas dans mes pratiques de trafiquer quoique ce soit !

                Sans autre civilité, il se tourna à nouveau devant le système électronique afin d’entamer une dernière tentative de déverrouillage.

                   — Je ne voudrais pas insister, mais je serais plus efficace que vous ! reprit la jeune fille laconiquement.

                   — Évidemment, madame je sais tout a la solution ! S’écria Jacky en faisant volte-face laissant apparaître un visage rubicond.

                   — Je possède la technologie. Inutile de vous exciter de la sorte, cela nuit à la santé. Si vous me permettez…

                Devant ce calme et cette ironie frôlant dangereusement la frontière de l’impertinence, la colère du jeune homme s’affaissa tel un soufflé sortit trop rapidement du four. Il était décontenancé face à cette jeune femme dont la stature n’aurait pu rivaliser avec la sienne s’il s’était montré violent. Comment pouvait-elle être aussi inconsciente ? Même si sa volonté première était de rendre service, nul doute qu’elle ignorait l’art des civilités tout autant que le respect d’autrui. Sans un changement profond dans son attitude, elle ne manquerait pas de connaître des déconvenues qui pourraient se révéler douloureuses physiquement ainsi que psychologiquement.

                Tout à ses réflexions, il n’avait pas bougé, obstruant le boîtier récalcitrant. D’un regard insistant, mais sans un mot, la jeune femme réitéra sa proposition. Jacky se recula curieux de la voir à l’œuvre, doutant de sa réussite. La minuterie de l’éclairage éteignit la lampe. Le jeune homme souleva le poignet afin de rétablir la clarté, actionnant à nouveau le système, mais arrêta son geste stupéfait de ce qu’il découvrait. Légèrement penchée en avant, un faisceau lumineux bleu sortait de son œil pour numériser le boîtier. 

                   — Vous êtes… murmura-t-il.

                   — Un androïde ou un robot ! Comme vous préférez. Expliqua la jeune fille sans bouger. Il semble que vous ayez été victime d’une grossière tentative d’effraction. La personne responsable ne possédait manifestement que peu de connaissances en la matière et n’a presque pas endommagé le boîtier. Je pourrais vous le réinitialiser sans aucun souci.

                   — Mais je vous en prie. En fait, je n’attends que pouvoir ouvrir cette maudite porte et rentrer chez moi !

                   — Il y a un autre problème. Répondit l’androïde qui s’était redressé et conservait son sourire amical.

                   — J’aurais dû m’en douter. Pourquoi vous ai-je fait confiance ?

                   — Toutes mes excuses pour mon arrivée tardive. Connaissant les lacunes de Lunar en matière de relation publique, j’évite ce genre de tête-à-tête.

                Jacky se retourna vers la provenance de la voix pour se trouver nez à nez avec la jumelle du robot. Ses yeux ronds montrèrent son étonnement tandis que sa mâchoire serrée manifestait sa colère.

                   — Combien de copies êtes-vous ? questionna-t-il rudement.

                   — Rassurez-vous, rit la nouvelle arrivante, nous sommes toutes deux un exemplaire unique ! Puis, lui tendant la main en guise de salutation, elle continua : je manque autant de civilités que Lunar. Je me nomme Mélanie et suis votre voisine de palier… en chair et en os !

                Voyant l’hésitation de Jacky à répondre à son geste de bienvenue, elle reprit en fronçant le nez de manière espiègle :

                   — Si vous serrez ma main, vous pourrez vous rendre compte que je suis un être humain. Pour rappel, même les androïdes perfectionnés comme Lunar restent froids au toucher.

                Bien que physiquement identique à l’automate, le jeune homme ne pouvait nier que l’attitude semblait bien humaine. Plus pour marquer sa sympathie que pour vérifier la température corporelle de son interlocutrice, il répondit à son attente. Sa main aussi douce que tiède n’en demeurait pas moins ferme et énergique.

                   — Mélanie, si j’ai bien compris ? interrogea-t-il. Ravi de vous rencontrer.

                   — Mes amis m’appellent Mel ! sourit la jeune fille en dégageant sa main. Et vous êtes…

                   — Jacky Postulat, étudiant en médecine. Réagit laconiquement Lunar qui s’était approchée silencieusement, toujours le même sourire aux lèvres.

                   — Jacky sera suffisant. Intervint le jeune homme qui ne cachait pas son irritation vis-à-vis de l’androïde.

                   — Merci, Lunar, comme je te l’ai déjà indiqué, tu ne réponds aux questions que lorsqu’elles te sont directement adressées. Puis se tournant vers Jacky, elle continua : je vous prie d’accepter mes excuses. Les robots présentent des réactions qui peuvent être pires que celles des petits enfants ! J’imagine que vous vivez des problèmes similaires.

                   — L’androïde que je possède est d’une génération nettement plus ancienne que le vôtre. Il détient donc moins de capacités d’adaptation. Par contre, tous deux arborent en permanence le même sourire heureux !

                   — Et agaçant à la longue. J’ai cru comprendre qu’il y avait un problème pour déverrouiller la porte de votre appartement ?

                   — Exactement. Au moment où vous êtes arrivée, votre robot m’indiquait qu’il y avait eu une tentative d’effraction, mais qu’elle pourrait entamer une réinitialisation.

                   — As-tu pu le faire ? questionna Mélanie à l’intention de Lunar.

                   — Non, parce qu’il y a une difficulté supplémentaire. Une modification du système a été opérée de l’intérieur même de l’appartement. Tant qu’elle n’est pas annulée, il est inutile d’entreprendre quoique ce soit.

                   — Vésa, soupira Jacky au bord du désespoir. Devant les yeux interrogateurs de Mel, il continua : il s’agit de mon androïde.

                   — Donnez-moi ses codes d’accès pour que j’entre en contact avec lui. Demanda Lunar.

                   — Impossible ! À l’époque de sa conception, il n’en était pas pourvu.

                   — Alors il faut que vous lui parliez ! Proposa Mel, ajoutant aussitôt devant le regard stupéfait de Jacky : il devrait vous entendre à travers la porte.

                Le jeune homme considéra les jumelles dont l’humaine affichait une mine soucieuse tandis que le robot restait tout sourire. Aucune n’était d’un réel réconfort ni d’une aide précieuse. Cependant, il était heureux de ne pas être seul face à ce casse-tête. La suggestion qui lui était soumise lui paraissait rocambolesque, mais qu’avait-il à perdre à la tenter. Il s’approcha donc de la porte et appela son androïde. Après quelques secondes, un léger roulement se fit ouïr puis le silence.

                   — Vésa, je sais que tu es là et que tu m’entends. Reprit Jacky. Peux-tu annuler la modification du système que tu as mise en place ?

                Après un nouveau mutisme, alors que le jeune homme ouvrait la bouche pour reprendre la négociation, le robot se décida à répondre.

                   — Vous êtes un imposteur. Déclara-t-il. Je vous l’ai déjà dit. Inutile d’insister je ne changerai rien !

                   — Tout à l’heure, tu as eu affaire à un cambrioleur. Expliqua Jacky le plus calmement possible. Mais je puis t’assurer que cette fois, c’est bien moi qui te parle.  

                   — Prouvez-le !

                Le jeune homme réfléchit un instant. Comment accéder à cette demande ? L’androïde, bien qu’ancien, détenait les caractéristiques de base de tout robot.

                   — Les spécificités, pas l’aspect ! Clama-t-il tout sourire devant les yeux étonnés de Mel.

                   — Voici ce que je peux dire de toi. Continua-t-il face à la porte, à l’intention de Vésa. Tu ne peux m’accompagner en cours parce que tu ne possèdes pas de jambes et te déplaces sur quatre roues minuscules insérées sous ton buste. Celui-ci est démuni de bras et la peau du tronc est écartée afin de découvrir des organes internes propres aux humains. Ta tête…

                   — Tous ceux qui m’ont vu peuvent me décrire. Qui est mon concepteur ?

                   — Peu sont ceux qui t’ont aperçu. Sourit Jacky devant l’étrange dialogue qu’il poursuivait. Ton inventeur n’est autre que mon ami disparu Grégoire… qui, comme toi, m’appelait JP.

Un cliquetis et un léger bruit de moteur furent la seule réponse de l’androïde. Mel et Jacky, pantois, regardaient la porte s’interrogeant sur la manière de procéder. Manifestement, le dialogue n’avait pas porté ses fruits, provoquant le retranchement de Vésa. Puis, contre toute attente, une fente puis une ouverture laissèrent apparaître le robot qui s’approcha tout sourire en dodelinant de la tête.

                   — Je suis soulagé que tu sois revenu JP. Avant demain matin, il faut que tu me donnes les indications à suivre en cas de nouvelle tentative de cambriolage !

                Décidément, le pragmatisme des automates restait autant leur force que leur faiblesse. Cette remarque eut pour effet de détendre l’atmosphère.

                   — Maintenant que votre problème est résolu, nous allons vous laisser vous remettre de vos émotions. Murmura Mel en faisant mine de retourner dans son appartement.

                   — En remerciement pour votre aide, vous accepterez bien un verre… d’eau. Répondit précipitamment Jacky. Désolé, mais je n’ai pas opté pour la distribution d’autres boissons.

                   — Cela me conviendra parfaitement. Acquiesça la jeune fille dont les joues prirent une teinte plus colorée. Le temps de verrouiller mon logement.

                Moins de cinq minutes plus tard, les jeunes gens étaient assis dans l’espace cuisine dédié au duplex. Leur attention était entièrement captée par les deux robots qui s’analysaient mutuellement. Lunar procédait par un balayage rétinien tandis que Vésa profitait d’un échange de données.

                   — D’où vient le nom de votre androïde ? interrogea Jacky, rompant le silence.

                   — J’avoue ne pas avoir été fort imaginative. J’entreprends des études en ingénierie civile. Or, le père présumé de cette profession, l’ingénieur John Smeaton avait nommé sa société Lunar. C’est la référence à ce savant qui a guidé mon choix. Comme le vôtre par rapport à Vésal ?

                   — Belle perspicacité. Effectivement, l’aspect de Vésa ne permettait d’autre patronyme que celui rappelant ce grand homme. En quelque sorte, nous avons eu une idée identique tous les deux. Lunar me semble être de la dernière génération.

                   — Oui, il s’agit même d’un prototype non encore commercialisé.

                   — Mazette ! À côté du vôtre, le mien paraît sorti de la préhistoire. Termina-t-il en riant afin de faire disparaître la mine gênée de Mélanie.

                   — Je ne nierais pas que je suis heureuse de l’avoir malgré son aspect peu social.

                   — Mais ? interrogea le jeune homme. Sans vouloir me montrer indiscret, il me semble percevoir de la tristesse dans votre voix…

                La jeune fille sourit sans joie avant de reprendre :

                   — Vous ferez un redoutable médecin ! Décrypter les sentiments profonds au travers d’une simple conversation est une qualité qui se fait rare.

                   — Je vous inviterais bien à continuer nos échanges dans un endroit plus confortable que cette chaise. Répondit Jacky se refusant à brusquer sa voisine de palier. Cependant, comme vous pouvez le constater, le mobilier se limite au strict nécessaire. En fait… à celui qui meublait déjà l’appartement ! J’ai beaucoup de chance d’avoir la bourse totale. Elle est entièrement consacrée à mes études et à tout ce qui gravite autour, impossible dès lors de faire quelle qu’autre acquisition que ce soit.

                   — Simple et fonctionnel. Quoi de mieux ? Vous aurez l’occasion de constater que ma demeure est tout aussi dépourvue que la vôtre… et pour les mêmes motifs.

                   — Vous avez donc réussi brillamment vos examens d’entrée ! En déduit le jeune homme. Grâce à la bourse ainsi obtenue, nous avons l’opportunité de gérer nos études sans devoir exercer un travail en sus.

                   — Pour le second point, vous avez raison. Indiqua la jeune fille. Cependant, pour le succès des tests, pour lequel je vous félicite, il n’en est rien pour moi. La situation est… différente.

                   — Je ne voulais pas être indiscret.

                   — Vous ne l’êtes pas ! En fait, vous êtes le premier à me porter un réel intérêt. Des étudiants de ma session, je suis la seule à vivre ici. Cela provoque des jalousies et des remarques parfois acerbes… Après un court silence, la jeune fille poursuivit : il y a trois ans, un accident est survenu sur le réseau du MMSC. Une nacelle commune a décollé du rail, à cause d’une avarie, pour s’écraser au sol plusieurs mètres plus loin… et plus bas. Je revenais d’une journée fatigante et pour une rare fois, j’ai utilisé ce moyen de transport. Mal m’en a pris. Des dix occupants, nous n’avons été que deux à survivre. Je me suis éveillée à l’hôpital avec la jambe droite amputée au niveau du genou.

                   — Je suis désolé. J’ignorais tout de cet accident. Sans doute a-t-il eu lieu dans un district éloigné…

                   — Personne n’en a été informé ! Vous n’auriez pu le savoir. Le gouvernement n’a pas voulu que l’événement soit ébruité. Il m’a donc été proposé de me fournir gratuitement, et à vie, une prothèse électronique. Même si elle est performante, ce ne sera jamais ma jambe…

                La jeune fille se tut en proie à de sombres réflexions alimentées par de tristes souvenirs. Les blessures physiques avaient disparu au contraire des douleurs psychologiques encore bien vives. Le jeune homme respecta son silence.

                   — J’ose au moins espérer qu’ils vous ont donné accès à la dernière technologie en matière de prothèse fémorale. Interrogea-t-il ne sachant comment rompre le mutisme de Mel.

                Celle-ci releva la tête, plongeant des yeux présentant une légère hétérochromie dans les tons de vert quasiment identique dans chaque iris. Elle garda la position durant quelques secondes puis répondit :

                   — Est-ce le futur médecin qui parle ?

                   — Pour être honnête, je ne peux nier que tout ce qui touche la santé m’intéresse. Je ne me destinerais pas à cette carrière sans cette motivation. Cependant, à mes yeux, la personne humaine reste ma priorité… surtout lorsqu’il s’agit de celle qui m’a donné la solution pour rentrer chez moi ! termina-t-il le regard espiègle.

                Cette explication plut à la jeune fille, car elle y percevait de la sincérité. La franchise et la simplicité de son voisin de palier l’attiraient. Nul doute qu’il devait être un ami précieux.

                Devant ce nouveau silence, le jeune homme craignait d’avoir blessé Mel et cherchait ses mots pour rétablir un dialogue.

                   — Je vous prie de m’excuser. Dit-elle, interrompant ses pensées. Cet accident ne m’a pas changée que physiquement. Il me faut avouer que je suis devenue un peu paranoïaque ayant le sentiment que les gens agissent envers moi soit par pitié, soit par curiosité, soit par méchanceté. Je sens bien que vous êtes différent, mais je me méfie de mes réactions.

                   — Certaines blessures sont plus lentes à guérir, sans compter qu’il reste toujours des cicatrices qui peuvent se révéler douloureuses. Je ne suis pas étudiant en psychologie cependant je pense pouvoir affirmer que vous n’êtes pas victime d’hystérie, mais simplement de la peur de souffrir encore.

                   — Puis-je vous faire une confession ? questionna-t-elle, un éclair de malice dans les yeux ?

                Son attitude ayant quelque peu déconcerté le jeune homme, celui-ci l’invita à révéler son secret d’un signe de la tête. Prenant une grande respiration, Mélanie énonça :

                   — J’ai vraiment de la chance que quelqu’un ait voulu s’introduire dans votre appartement ! Sans cela, nous n’aurions eu cette conversation.

                Cet aveu fit rire les jeunes gens, détendant immédiatement l’atmosphère.

                   — Cette fois, j’ai une requête à vous soumettre, proposa Mel après avoir repris son sérieux.

                   — Je vous écoute… sans pour autant promettre d’y accéder.

                   — Ne pourrions-nous nous tutoyer ? demanda la jeune fille. Notre vouvoiement me paraît tellement conventionnel… et d’un autre temps !

                   — Chère demoiselle, sous-entendriez-vous que j’ai un grand âge ? Pour vous prouver ma bonne volonté, j’acquiesce à votre requête… Cela me semble un bon plan !

                   — Parfait ! Maintenant, à moi de répondre à ta curiosité… muette. Ce faisant, elle remonta sa jambe de pantalon afin de présenter sa prothèse.

                Jacky murmura un merci reconnaissant. Il était en effet curieux de connaître la petite merveille de technologie qui permettait à la jeune fille d’avoir une marche souple et fluide ne laissant pas transparaître le handicap. Il se souvenait d’un reportage décrivant ces membres artificiels alliant à la fois la mécanique, l’hydraulique et l’électronique. De puissants algorithmes reliés à des capteurs analysant l’environnement, la position du corps et la vitesse de la marche offraient d’adapter, en permanence et dans l’instant, les mouvements effectués par la personne rendant ceux-ci en tous points comparables à la marche humaine.

                   — Si je peux me permettre, intervint-il, s’agit-il bien — comme je le pense — d’une neuro-prothèse ?

                   — La faculté devrait te donner le diplôme sans avoir à poursuivre le cursus ! Tu as deviné juste. Lors de… l’amputation… — elle avait eu du mal à prononcer ce mot — il s’est avéré que l’accident avait déchiqueté une bonne partie des nerfs n’accordant aucun espoir pour une reprise optimale de leurs capacités. Les médecins ont donc décidé, avec l’aide d’un informaticien, de créer une puce électronique de la grandeur d’un grain de riz comprenant des capteurs et des connexions. Dès après la cicatrisation, ce minuscule objet a été implanté à la base du genou. Il effectue, en permanence, des analyses informatiques afin de rétablir entièrement ou partiellement les fonctions nerveuses.

                   — J’apprécie cette technologie, interrompit Jacky tout à sa réflexion. Elle évite de procéder à une innervation d’un muscle voisin. Devant le visage interrogatif de Mélanie, il expliqua : il s’agit d’utiliser les nerfs du muscle le plus proche afin de permettre à la prothèse d’être en contact avec le système nerveux. Ce procédé est lourd chirurgicalement sans compter qu’il faut plusieurs mois de rééducation pour acquérir la maîtrise du membre artificiel.

                   — De plus, elle comporte deux avantages que j’apprécie au plus haut point, poursuivit Mel devant l’intérêt de son nouvel ami. Grâce aux algorithmes présents dans la puce, le fait de changer de chaussure et de hauteur de talon est automatiquement pris en charge. Non seulement le pied est aussi mobile qu’un vrai, mais en plus la cheville s’ajuste directement. Je peux autant enfiler des ballerines que des talons aiguille sans que cela nécessite un temps d’adaptation. Je ne saurais t’en faire la démonstration dans l’immédiat, cependant c’est véritablement appréciable ! Finalement, et c’est le point le plus important, cette jambe s’installe avec une simplicité déconcertante.

                Sur ces paroles, elle tira un petit coup sec sur la prothèse et la présenta à Jacky. La curiosité scientifique l’emporta sur sa discrétion. Il prit délicatement le membre artificiel pour l’examiner de manière approfondie, saisissant l’opportunité qui lui était donnée.

                   — J’imagine que la facilité de fixation est due aux trois tenons que je vois ici, réfléchit-il comme pour lui-même.

                   — Effectivement. Au moment de la cicatrisation, trois cavités ont été prévues pour les recevoir. J’avoue n’avoir pas très bien compris comment cela fonctionne. Je pense qu’il s’agit d’électro-aimants… Mais sans pouvoir l’affirmer.

 

Il s’agit d’une publication Prime

Pour en profiter, abonne-toi à la Creative Room
La Cité de l'Emprise de Annette Misen

Tu pourras :

check

Accéder à des contenus exclusifs et aux archives complètes

check

Avoir un accès anticipé à des contenus

check

Commenter les publications de l’auteur et rejoindre la communauté des abonnés

check

Être notifié à chaque nouvelle publication

S’abonner, c’est soutenir un auteur dans la durée

S’abonner à la Creative Room
lecture 329 lectures
thumb 0 commentaire
0
réaction

Tu ne peux plus consulter d’articles ce mois-ci sans être connecté.

Pour ne pas être limité et profiter pleinement de nouvelles fonctionnalités, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

Le bloc commentaire est réservé aux abonnés.

S’abonner, c’est soutenir un auteur dans la durée

S’abonner à la Creative Room

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Culture
Auvergne : la légende du lac Pavin
Auvergne : la légende du lac Pavin

Auvergne : la légende du lac PavinLes variations sur le même thème sont deux visions d'une légende régionale, l...

Jean-Christophe Mojard
3 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey